Levée de l'excommunication de quatre évêques intégristes
28 janv. 2009Bonne lecture
Denis Chautard
Déclaration de Jean-Pierre Ricard,
Cardinal Archevêque de Bordeaux,
Membre de la Commission Pontificale « Ecclesia Dei »,
à propos de la levée de l’excommunication
des quatre évêques de la Fraternité sacerdotale Saint Pie X
Le décret, signé le 21 janvier 2009 par le cardinal Re, préfet de la Congrégation des évêques, à la demande du pape Benoît XVI, lève l’excommunication encourue latae sententiae par les évêques ordonnés le 30 juin 1988 par Mgr Lefebvre et formellement déclarée par le décret du cardinal Gantin, le 1er juillet 1988.
Cette levée a été demandée plus d’une fois par Mgr Fellay, Supérieur général de la Fraternité Saint Pie X, et tout particulièrement dans une lettre adressée au cardinal Castrillon Hoyos, le 15 décembre dernier, au nom des quatre évêques concernés. Il en faisait même, avec la possibilité pour tout prêtre de célébrer la messe avec le missel de Saint Pie V, une des deux conditions préalables à l’ouverture d’un dialogue avec Rome. Il avait fait prier ses fidèles à cette intention.
Le pape Benoît XVI a voulu aller jusqu’au bout de ce qu’il pouvait faire comme main tendue, comme invitation à une réconciliation. Le pape, théologien et historien de la théologie, sait le drame que représente un schisme dans l’Eglise. Il entend la question qui est souvent posée dans cette histoire des schismes : a-t-on pris vraiment tous les moyens pour éviter ce schisme ? Lui-même s’est senti investi de la mission de tout faire pour retisser les fils déchirés de l’unité ecclésiale. N’oublions pas que le pape connaît bien le dossier car il avait été chargé par le pape Jean-Paul II de prendre contact avec Mgr Lefebvre et d’essayer de l’empêcher de commettre l’acte irrémédiable des sacres épiscopaux. Celui qui était à l’époque le cardinal Ratzinger avait été marqué par l’échec de sa mission.
La levée de l’excommunication n’est pas une fin mais le début d’un processus de dialogue. Elle ne règle pas deux questions fondamentales : la structure juridique de la Fraternité Saint Pie X dans l’Eglise et un accord sur les questions dogmatiques et ecclésiologiques. Mais elle ouvre un chemin à parcourir ensemble. Ce chemin sera sans doute long. Il demandera meilleure connaissance mutuelle et estime. A un moment, la question du texte même du Concile Vatican II comme document magistériel de première importance devra être posée. Elle est fondamentale. Mais toutes les difficultés ne seront pas forcément de type doctrinal. D’autres, de type culturel et politique, peuvent aussi émerger. Les derniers propos, inacceptables, de Mgr Williamson, niant le drame de l’extermination des Juifs, en sont un exemple.
On peut pourtant penser que la dynamique suscitée par la levée des excommunications devrait aider à la mise en route de ce dialogue voulu par le pape.
En cette fin de Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, n’oublions pas que le chemin le plus sûr pour marcher vers l’unité de tous les disciples du Christ reste la prière.
A Bordeaux, le 24 janvier 2009
Jean-Pierre, cardinal Ricard
Archevêque de Bordeaux
Membre de la Commission
Pontificale « Ecclesia Dei »
La levée de l’excommunication prononcée contre Mgr Lefebvre et les quatre évêques qu’il a ordonnés suscite mon indignation et m’invite à la protestation suivante, pour trois raisons :
1) Elle m’apparaît comme un désaveu de Jean-Paul II, le prédécesseur du pape actuel. Pour que 21 ans après ,la levée de l’excommunication des évêques intégristes puisse être légitime, il paraît indispensable que les raisons qui avaient justifié la condamnation aient totalement disparu. Or, tel n’est pas le cas, du moins selon les informations que nous possédons actuellement. Comment Benoît XVI peut-il contredire son prédécesseur sur le siège de Rome, sur une question aussi grave ?
2) Le problème de fond concerne la réception ou non du Concile Vatican II. La question de la messe de St Pie V est en l’occurrence purement emblématique ; tout le monde le sait désormais, les Lefebvristes ne s’en cachent pas. Il s’agit, en fait, essentiellement du rapport de l’Eglise au monde, de l’avancée de l’œcuménisme et du dialogue interreligieux, de la liberté religieuse…On ne peut ignorer qu’un Concile œcuménique constitue la plus haute autorité législative de l’Eglise. Le pape lui-même doit s’y soumettre. Oui ou non, les Lefebvristes acceptent-ils explicitement tout l’enseignement du Concile ? La levée de l’excommunication exige, en premier, cette « contre-partie ».
3) Le pape est préoccupé par le schisme intégriste. Mais est-il aussi préoccupé par le schisme des catholiques qui abandonnent leur Eglise par suite du mouvement de restauration qui s’est désormais emparé du Centre romain ? Ils sont infiniment plus nombreux que les Lefebvristes, mais sans doute, cette rupture est-elle moins visible. En 1987, le cardinal Kasper, alors évêque de Stuttgart, écrivait : « Comme évêque d’un grand diocèse, j’ai fait l’expérience de tensions qui ne font que croître entre les normes de l’Eglise universelle et la pratique locale. Dans bien des cas, on doit même dire qu’il s’agit presque d’un schisme dans les mentalités et dans la pratique ». Que ne dirait-il pas aujourd’hui !
Jean Rigal,
théologien
Le 23/01/2009