17h 55, j’arrive Place de la Mairie, ce mercredi 4 février. Il fait froid. Nos trois panneaux d’information sont dressés et, déjà, le dialogue s’est engagé avec des passants. Nous sommes une poignée. Nous allumons la bougie de la lampe tempête. 18h, le Cercle peut se former.

Au fil des premières minutes, une phrase s’impose à moi : « Non à l’enfermement des sans-papiers ! ». Les dernières nouvelles du CRA de Saint-Jacques de la Lande ne sont pas bonnes. Il y a beaucoup de mouvements : les « retenus » qui, pour la plupart, viennent d’ailleurs que de l’Ille-et-Vilaine sortent assez vite : certains sont libérés mais, pour les autres, c’est sans aucun doute le départ définitif hors de l’Union européenne. On parle de deux auto-mutilations… « Non à l’enfermement des sans-papiers ! ». 18h 15. Les façades de la Mairie et du Théâtre, d’un coup, s’illuminent. Le soir tombe. Les premières gouttes aussi. Nous sommes une quarantaine. Devant les panneaux, d’autres dialogues se sont engagés.

18h 30. Il fait de plus en plus froid. Et les gouttes sont devenues pluie. Quelques parapluies se sont ouverts et se partagent. Nous sommes une bonne soixantaine. Nous ne serons guère plus ce soir. Je le sais, des amis ne sont pas là, retenus par ailleurs. Il ne passe guère plus personne sur la place, le temps est trop hostile et la flamme de notre lampe tempête luit sur le pavé mouillé… D’autres paroles se mêlent, dans ma tête, au : « Non à l’enfermement des sans-papiers ! » Venues de ma prière du matin, elles me redisent, celles-là, pourquoi je suis là, ce soir, sous la pluie glacée : « Avec Dieu, nous ferons des prouesses » (psaume 107)… « Le Seigneur protège l’étranger » (psaume 145)… Et celle-ci, qui me vient d’un compagnon athée d’un autre Cercle de silence à l’autre bout de la France : « Montrez-vous fermes, inébranlables, toujours en progrès dans l’œuvre du Seigneur, en sachant que votre labeur n’est pas vain dans le Seigneur » (première lettre de Paul aux Corinthiens).

19h. L’heure se termine. La flamme quitte le centre du Cercle. Nos « rebelles » silencieux sont restés là, ce soir, sous la pluie, déterminés à porter témoignage pour que le droit à la libre circulation des personnes, inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, soit respecté en terre française et que l’on trouve un autre moyen que l’enfermement pour accompagner ceux qui sont venus chercher refuge chez nous… Flamme de la liberté… Flamme de la fraternité… Flamme de l’égalité… Tout homme est mon frère… Toute femme est ma sœur… Tout enfant est notre enfant qui, d’ailleurs, n’appartient qu’à lui-même… Les pavés continuent de luire sous les lumières de la Place. On se sépare… Non, deux Vannetaises s’approchent : demain, un autre Cercle de silence, sans doute, s’implantera en Bretagne… Le 4 mars, dans un mois, celui de Rennes aura un an !!! « Nous avons l’intention de continuer ce chemin de respect de notre humanité et de celle des autres, disait, le 24 janvier à Paris, le frère Alain Richard, franciscain du Cercle de Toulouse. Notre respect de l’être humain est trop grand pour que nous délaissions cette manière de faire. »
Paul Bosse-Platière, diacre.
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