Le pape au Proche-Orient: Entre craintes d’une récupération et l’espoir de «gestes forts»
08 mai 2009
Jérusalem - La visite du pape au Proche-Orient suscite de nombreuses craintes de «récupération» politique d’Israël,
estime Jean-Michel Poffet. Mais le dominicain suisse est prêt à se «laisser surprendre», attendant des «gestes forts» de Benoît XVI en faveur
de la «Justice». Même si la première partie du voyage papal, en Jordanie, devrait permettre d’évoquer le dialogue avec l’islam, «pour beaucoup, c’est
Israël qui est au premier plan», affirme l’ancien directeur de l’Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem, interrogé à la veille de l’arrivée du pape en Terre
Sainte.
Et d’évoquer les craintes -notamment chez les Palestiniens- de «récupération» de cette visite par l’Etat hébreu, dont l’image s’est
sérieusement dégradée à la suite des guerres au Liban et à Gaza, et de la persistance du conflit israélo-palestinien. “Ce pays est en quête
permanente de reconnaissance. Les Juifs ont sans cesse besoin d’être rassurés face aux remises en cause de leur présence ici», affirme-t-il. Dans ce contexte, «une telle visite pontificale honore Israël. Le pape sera-t-il assez libre dans ces conditions pour parler non seulement de paix, mais aussi de justice?»,
s’interroge M.Poffet. “D’un autre côté, je crois qu’il faut laisser un peu de place pour se laisser surprendre», nuance-t-il aussitôt.
«C’est précisément parce que la situation est difficile qu’il y a de la place pour l’espérance». “On ne peut que souhaiter qu’il y ait (de la part de
Benoît XVI) des gestes, des paroles fortes… Le pape vient appeler à la réconciliation et à la paix. Comment ne pas y croire, au moins un peu!», lance-t-il. Le bibliste suisse, qui se
dit «partagé» par cette visite, souligne par ailleurs «la tension entre l’aspect politique de ce voyage
qui inspire surtout les médias et son aspect religieux auquel le pape tient beaucoup». Mais, pour Rome, «il y a un autre enjeu en arrière-plan:
consolider la présence des communautés chrétiennes qui sont très fragiles… Notamment les chrétiens d’Israël, pour qui se pose encore la question du statut juridique et fiscal de leurs
institutions», ajoute-t-il. Israël et le Vatican ont annoncé la semaine dernière avoir enregistré des «progrès significatifs» dans
leurs négociations sur ces dossiers. De nouvelles discussions sont prévues le 10 décembre au Vatican, ont indiqué les deux parties, décidées à «accélérer
les discussions en vue de conclure un accord le plus rapidement possible». Reste que les chrétiens de Terre Sainte «ont le sentiment que ce
n’est pas eux qu’on vient voir», conclut Jean-Michel Poffet.
Serge Ronen