11 septembre 2001 – 11 septembre 2009 : qu’en est-il du dialogue Islamo – Chrétien aux Etats Unis ?
11 sept. 2009La Croix : Comment le dialogue islamo-chrétien a-t-il évolué aux États-Unis depuis le 11 septembre 2001 ?
John Voll : Le 11 septembre a eu deux conséquences contradictoires. D’un côté, il a conduit les Américains à regarder chaque musulman comme un danger potentiel. L’islamophobie, la peur des musulmans, a été l’une des réactions. Mais le 11 septembre a eu aussi l’effet opposé : les gens se sont mis à s’intéresser à des communautés musulmanes qui vivent ici depuis longtemps et dont ils ignoraient tout. Paradoxalement, le 11 septembre a provoqué des conversations locales entre chrétiens et musulmans comme jamais auparavant.
À quel niveau ce dialogue fonctionne-t-il le mieux ?
Je crois que le dialogue le plus efficace se fait au niveau local, car il en résulte quelque chose d’effectif : les gens apprennent à se connaître. Il y a aujourd’hui de nombreuses rencontres entre musulmans et chrétiens qui s’engagent ensemble dans de vrais programmes, des groupes de jeunes, des groupes de base-ball, des vacances partagées… Cela a des conséquences concrètes beaucoup plus importantes que lorsque des intellectuels – qui se connaissent et s’apprécient déjà – se rencontrent !
Quels sont les principaux défis du dialogue islamo-chrétien aujourd’hui ?
D’abord, la communication instantanée que permet Internet. Celle-ci a ouvert les portes à un non-sens instantané qui se présente comme s’il était une analyse. Je crois que ce non-sens instantané,
quelle que soit son origine, est probablement aujourd’hui la principale menace pour un dialogue effectif et constructif entre les religions.
Le second enjeu est de reconsidérer les acteurs du dialogue. Jusqu’à présent, on a envisagé le dialogue islamo-chrétien comme devant rapprocher deux objets : l’islam et les musulmans d’un côté,
le christianisme et les chrétiens de l’autre. Les deux groupes doivent reconnaître que ces unités ne sont pas des unités cohérentes. Il est bien plus difficile de dialoguer avec un chrétien qui
pense que le dialogue interreligieux est une hérésie qu’avec un ami intellectuel musulman. Et celui-ci s’affronte aux mêmes difficultés avec les fondamentalistes islamiques qui pensent que
dialoguer avec un non-croyant est un acte de non-croyance.
Le chrétien intéressé à la rencontre interreligieuse doit donc engager deux dialogues : l’un avec les musulmans, l’autre avec les autres chrétiens. Enfin, il est devenu clair depuis dix ans que
le dialogue islamo-chrétien doit prendre place dans un dialogue plus large, engageant musulmans, chrétiens, juifs, mais aussi laïques et athées. Le dialogue islamo-chrétien est à situer à
l’intérieur d’un développement historique plus large et dans le contexte de la mondialisation. Si ce n’est pas le cas, vous pouvez manquer ce qui se joue.
http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2335323&rubId=786