Georges Pontier

Pour le discours d'ouverture de la session automnale de la Conférence des évêques de France, l'archevêque de Marseille a fait fort, faisant oublier la pluie battante qui s'abat sur Lourdes.

On trouvait Mgr Pontier bien discret depuis sa prise de fonction, cet été, à la présidence de l'épiscopat. En rompant le silence pour le discours d'ouverture de la session automnale de la Conférence, l'archevêque de Marseille a fait fort, faisant oublier la pluie battante qui s'abat sur Lourdes.

L'an passé à pareille époque, le cardinal Vingt-Trois bénissait à mots à peine couverts les cortèges anti-mariage homosexuel. Ce mardi 5 novembre, son successeur n'a pas prononcé le mot mariage. Il se place délibérément dans le sillage du pape François, en reprenant ses initiatives  - « quel bonheur de proclamer cette espérance dans nos cathédrales certes, mais aussi dans des chapelles d'hôpitaux, dans des célébrations à l'intérieur de diverses prisons » -, ou en citant sa métaphore hospitalière pour l'Église « hôpital de campagne » : « Après une bataille. Il est inutile de demander à un blessé grave s'il a du cholestérol et un taux de sucre trop haut ! Nous devons soigner les blessures. Ensuite nous pourrons parler de tout le reste. Soigner les blessures, soigner les blessures... » (1).

Sans doute, parmi ses blessés, Georges Pontier pensait aux homosexuels ou aux divorcés-remariés. « Nous sommes stimulés, pour vivre notre ministère proches de tous en étant, quand il le faut, en tête du troupeau, parfois derrière ou au milieu, souvent à genoux pour écouter. » 

DISCERNEMENT SPIRITUEL

Évoquant le discernement spirituel, « l'acte de notre ministère le plus important et le plus délicat », le patron des évêques propose de le vivre comme le Christ « à partir des plus pauvres, des petits, des affligés. Regarder la vie du monde à partir d'eux, de leurs besoins, de leurs cris, humanise, invite à des choix qui privilégient la fraternité, la justice et la solidarité ». Nous sommes loin des arguments théologicaux-anthropologiques qui ont prévalu lors du débat de l'an passé, faisant le lit de propos douloureux pour certains.

Pour le tour d'horizon de l'actualité, passage obligé pour cet exercice, l'archevêque de Marseille a choisi le domaine social. On ne sera pas surpris d'y trouver un long développement sur les Roms, qu'il a défendu avec fougue dans son diocèse. 

Les politiques en ont pris pour leur grade : « Nous ne voyons se dessiner aucune politique autre que celle de leur refuser un accueil réalisable et souhaité par le plus grand nombre d'entre eux. Détruire [un bidonville] est-il plus urgent qu'abandonner, sans perspective, à une nouvelle errance ceux qui y avaient fait un refuge familial provisoire ? » Et plus loin, il s'emporte : « Que dire des propos haineux à leur égard, prononcés sans aucune retenue ? Que dire des violences qu'ils subissent ? » Et de conclure son chapitre en fustigeant les « surenchères politiciennes locales ou nationales ». Dans son propos, il n'omet pas de saluer les chrétiens qui, avec d'autres, font le choix de la proximité avec les Roms.

CRISE ÉCONOMIQUE

Mgr Pontier consacre un paragraphe important à la crise économique et dénonce le fossé qui se creuse entre riches et pauvres : « L'aveuglement est grave. C'est une injure faite aux plus démunis. Quand retrouverons-nous le sens minimum d'une fraternité et d'une solidarité réelles ? » Il encourage ceux qui « s'emploient à trouver les chemins d'une société plus juste : hommes politiques, élus, cadres d'entreprises, responsables syndicaux, membres si divers de la vie associative, citoyens conscients et solidaires ».

« Et le mariage gay, dans tout cela ? », ont du penser certains prélats qui en ont fait leur cheval de bataille. Mgr Pontier en dira deux mots, après les chrétiens du Proche et Moyen-Orient : « Au printemps dernier, beaucoup se sont manifestés en faveur de la défense de la famille et des droits des enfants. Chrétiens, nous nous savons appelés à entendre les cris de ceux qui vivent toutes sortes de souffrances dans la société et à donner aussi le témoignage heureux d'une vie en famille, ouverte à l'accueil des enfants, de tous les enfants, où l'amour sait traverser les épreuves et leur donner sens dans une fidélité féconde et sans cesse renouvelée. »

LE VENT DE ROME

Le message est clair. Ce ne sont pas les cris de mise à mort de la famille traditionnelle, poussés par les Associations familiales catholiques ou les apôtres de la Manif pour tous, que met en avant le nouveau président de l'épiscopat. 

On retiendra aussi l'insistance sur l'accueil de « tous les enfants », quelle que soit la nature de leur famille. Voici pour le fond. 

La forme change également avec un appel aux catholiques à « ne jamais aller au-delà de ce qui pourrait troubler la vie publique ou exprimer une volonté d'hégémonie ». 

Et à « ceux qui pourraient en douter » - y en aurait-il parmi ses frères évêques ? - , Georges Pontier se fait péremptoire : « Croyants en Christ, nous sommes des citoyens qui aiment leur pays. Nous recherchons sans cesse ce qui est le meilleur pour tous. Notre foi chrétienne nous en fait une obligation. » 

Encore un petit coup de crosse pour les zélateurs de la décadence nationale. Ces derniers pourront se consoler avec une réaffirmation de l'engagement catholique « sans faille à l'égard des personnes en fin de vie » et une défense de la Loi Léonetti menacée.

C'est bien le vent de Rome que Mgr Pontier veut faire souffler sur cet automne épiscopal. La majorité qui l'a élu en avril dernier apprécie sans doute. D'autres, malheureusement, continueront de tracer leur route identitaire, préférant l’énoncé de la doctrine à la bienveillante humilité de Mgr Pontier.

 

Philippe Clanché

Lien à la Source


 (1) Interview du Pape François accordée aux revues culturelles jésuites publiée dans Études, en octobre 2013, p.14. 

 

 

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