Arnaud Favart 
 
Curé-mécano, curé-conducteur d'engins, curé-écrivain, curé-éducateur, curé-chauffeur de bus scolaire... Arnaud Favart est prêtre-ouvrier de la Mission de France, à Boussac.

Sur la cheminée, engins de chantier miniatures côtoient bible et icônes. Bienvenue au presbytère de Boussac avec pour 'locataire” depuis sept ans le père Arnaud Favart, un prêtre pas tout à fait comme les autres. Dès l'âge de 6 ans, il clamait haut et fort qu'il serait curé-fermier : fermier la semaine, comme son grand-père, et curé le week-end car à l'époque déjà, la pénurie de prêtres commençait à se faire sentir. La vérité sort de la bouche des enfants dit-on, ou presque. Car fermier il ne sera point mais plutôt mécano, chauffeur de bus scolaire, ou encore éducateur... Tous ces métiers, le père Arnaud les a exercés au cours de sa vie de prêtre-ouvrier de la Communauté Mission de France. « J'ai toujours voulu être prêtre. Mais je ne voulais pas être quelqu'un à part, je voulais partager la vie de tout le monde ! Pour cela, j'avais besoin d'apprendre un métier, comme tout le monde. » C'est ainsi qu'Arnaud Favart, après avoir obtenu son bac, a entrepris des études de mécaniques à Jussieu. En 1974, une maîtrise en poche, il part effectuer son service militaire et à son retour, il change de cap. « Pendant mes études déjà, j'étais déçu. Car on ne faisait pas de pratique, que de la théorie. C'est pourquoi j'ai décidé de passer un CAP de mécanicien d'engins de chantier, à Egletons. CAP que j'obtiens en 1977 et qui me permet ensuite d'être embauché comme mécano à Limoges, sur la construction d'un viaduc. » 
Un parcours plutôt banal jusque-là mais c'était sans compter sur la motivation du jeune Arnaud. Car pendant que les étudiants de fac se reposaient le week-end ou en vacances, lui, il avait intégré un groupe de formation universitaire à Limoges. « C'était une sorte de formation en alternance pour devenir prêtre. » Pendant onze ans, il a donc suivi cette formation, jonglant avec ses études, son service militaire ou son travail sur un chantier... « En septembre 1978, j'ai intégré le séminaire pour finir ma formation de prêtre. Pendant trois ans, j'ai donc étudié la théologie en région parisienne et en juin 1981, j'ai été ordonné prêtre. » Envoyé à Limoges dans la paroisse des prêtres-ouvriers, il intègre, fin 1983, la SOPCZ, une coopérative ouvrière, comme conducteur d'engins. « Selon la Mission de France, les prêtres sont envoyés pour ceux qui ne vont pas à l'église. Ils vivent au milieu des gens, partage les mêmes préoccupations. Quand la coopérative m'a embauché, personne ne savait que j'étais prêtre... La semaine, je creusais des tranchées et le week-end, c'était les jeunes, la messe, des baptêmes ou mariages. »

Au milieu des ouvriers
Au fil des ans, la véritable identité d'Arnaud Favart est dévoilée, provoquant de drôles de réactions : « Si tu n'avais pas travaillé comme nous dans les tranchées, nous n'aurions jamais connu de prêtres ! » se sont exclamés plusieurs de ses collègues. Tout au long de sa carrière au sein de la coopérative, le père Arnaud a effectué un véritable travail de lien social. Il crée une équipe de football, « permettant ainsi aux différents corps de métiers de se connaître. » Quand la coopérative a failli fermer, il était au coeur des négociations. « On m'a d'ailleurs proposé de passer chef d'équipe mais j'ai toujours voulu rester à la 'base” ! » Sur les chantiers, pas question de prosélytisme, mais de solidarité par le travail. « Une question me hantait : Dieu a-t-il sa place dans la vie du monde ? Est-il possible d'être chrétien en menant une vie ordinaire ? L'idée était d'être présent avec eux, leur montrer que les prêtres ne sont pas des gens à part, qu'ils sont exposés aux questions de société, comme tout le monde. »
En 1989, il quitte la coopérative pour Marseille, puis Pontigny dans l'Yonne pour se consacrer davantage à la jeunesse. En 1993, le père Favart est appelé à devenir aumônier national des Scouts de France. « Une grande découverte pour moi, à 40 ans ! ». Il devient ainsi le 'chef spirituel” de 70 000 jeunes. Au bout de trois mandats, le père Arnaud souhaite retourner en milieu rural. C'est ainsi qu'en 2003, il débarque à Boussac, dans la paroisse Sainte-Croix des deux Creuses qui s'étend de Boussac à Chénérailles, de Châtelus à Jarnages, et de Gouzon à Nouhant. « Cette paroisse couvre 48 communes et 54 clochers. Soit à peu près 19 000 âmes ! Quand je suis arrivé, il y avait trois autres prêtres et des religieuses très actives sur la paroisse. Aujourd'hui, mes plus proches 'collègues” sont à Guéret et Auzances... » Un véritable défi ! De quoi épuiser un homme seul « Aujourd'hui, les différentes équipes paroissiales s'organisent avec davantage d'autonomie. Je m'investis dans l'accompagnement et la formation des laïcs qui prennent des responsabilités : catéchisme, sépultures, baptêmes et mariages. » Un emploi du temps qui reste toutefois bien chargé. Car, on l'aura compris, Arnaud Favart n'est pas homme à rester en place. Tous les matins de 7 h 15 à 8 h 30 et les soirs de 17 h à 18 h 15, le père Arnaud est au volant de son bus scolaire. « J'ai en charge une des lignes du collège de Boussac, celle qui dessert Toulx-Sainte-Croix et Saint-Silvain-Bas-le-Roc.» Le mercredi après-midi, il troque sa casquette de chauffeur pour un survêtement et devient entraîneur de l'école de foot Nord-Est Creuse. Et le samedi, il prend part au groupe scout de France créé en 2006, à Boussac. Sans oublier ses écrits pour le journal paroissial ou des revues. Il y a dix jours, paraissait aux Éditions Presses d'Île de France son deuxième livre intitulé 'La route, la boussole et le pain”. « Les matinées, surtout celles d'hiver, sont plus disponibles pour l'écriture. Il m'a fallu tout de même six hivers creusois pour aboutir à ce nouveau livre. » Et quand on lui parle de son avenir, il s'exclame : « Quand on aime l'aventure, on n'imagine pas la fin, on rêve d'en poursuivre d'autres. La situation de la Creuse offre une perspective intéressante car la modernité bouscule le monde rural. Ici, il faut créer, réinventer à partir d'une situation nouvelle (54 clochers !) et d'une histoire avec une forte identité. Et tenter de dynamiser les petites pousses qui existent. De toute façon, ce n'est pas moi qui ai décidé de venir en Creuse. J'ai répondu à un appel. Si d'autres appels se présentent, j'y réfléchirai en terme de gens à rencontrer, de vie à partager, de peuples à découvrir, et pas en terme de carrière. » C'est certain, en Creuse ou ailleurs, chauffeur de bus ou éducateur, le père Arnaud continuera à célébrer la vie et à servir les Hommes, tout simplement... 
 
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