vacances 2013

II faudrait mettre à profit les congés pour se désintoxiquer du bruit et écouter les leçons du silence.

Au détour d'une rue mouvementée, submergée par le tintamarre de la circulation, émerge encore parfois un insolite : « Silence. Hôpital ». Entre un discours et un coup de clairon devant le monument aux morts, on vous invite encore parfois à faire « une minute de silence » ! Le silence serait-il, aujourd'hui, réservé aux malades et aux morts ?

Il faut bien reconnaître que les espaces et les temps de silence se font de plus en plus rares. Flash d'informations dès le saut du lit. Course marathon pour se rendre à son lieu de travail. Grondement des machines ou bourdonnement des ordinateurs. Sonneries du téléphone. Rumeurs des cantines ou des restaurants. A nouveau bousculades sur les quais de banlieues ou du métro pour le retour chez soi. Télévision non-stop. Et ces « baladeurs » qui vous poursuivent jusque sur les plages des vacances ! ...

Sevré de silence, l'homme risque de vivre à la périphérie de lui-même ; ce qui n'est pas sans conséquences personnelles et sociales. De nombreux symptômes, plus ou moins graves, ont été analysés par les psychosociologues ou les éducateurs.

La fragilité et l'instabilité de l’individu déraciné de ses propres profondeurs rejaillissent nécessairement sur la vie des couples, des familles, des groupes sociaux.

Difficulté pour les enfants de se concentrer ; superficialité des relations ; consommation accrue de tranquillisants ou de somnifères ; inadaptation chronique ; agressivité à fleur de peau ; dépression. Dispersion ; recherche éperdue dans l'évasion, la drogue et les sectes...

Le désarroi ressenti par tant de nos contemporains manifeste que l'homme a probablement évacué une dimension essentielle de lui-même.
Comment être soi-même sans cultiver une certaine qualité de silence ? L'homme qui n'intègre plus le silence ne perd pas seulement un art de vivre, une qualité de vie mais une composante structurelle de son être profond. « Si j'étais médecin et si l'on me demandait ce que je conseille, je répondrais : faites silence, faites taire les hommes ! » disait Kierkegard.

Fort heureusement, de plus en plus de nos contemporains ressentent l'urgente nécessité pour leur propre équilibre de casser, de temps en temps, le rythme de ce tourbillon de la vie moderne. Il nous faut impérativement retrouver les bienfaits du silence. Ne pas attendre de «craquer » pour inventer, au moins périodiquement, une autre manière de vivre et faire de nos vacances un vrai temps de repos pour le corps et l'esprit. Première forme de désintoxication du bruit. Se libérer de la tyrannie de la télé. Retrouver la saveur de plaisirs simples.

Marcher le matin, quand la plage est encore déserte, sur le rivage de la mer.

Flâner dans les petits chemins creux de la campagne.

S'approcher à pas lents d'une source.

Admirer la délicatesse des nervures d'une feuille, l'habilité besogneuse d'une fourmi, la perfection d'une fleur.

Goûter le charme et l'humble pénombre d'une église romane dont il a fallu aller chercher la clé chez une voisine.

Se plonger dans le silence comme dans un bain qui régénère.

Non pas le silence absolu qui détruit l'homme. Pour être à mesure humaine, le silence doit être tissé de bruits discrets. La première étape de l'apprentissage du silence consiste souvent à réapprendre à apprivoiser ces mille et une petites notes qui composent la musique du silence. Ecouter la complainte du vent, le crépitement du feu, le chant de la cigale ou d'un oiseau, le murmure du ruisseau, les bruits familiers du village ou de la maison qui ne rompent pas le silence mais le tissent. Le silence est un apprentissage ou plutôt une rééducation de nos facultés d'attention.

Le silence est comme une note suspendue qui permet de mieux entendre celle qui précède et celle qui suit. Il prépare la qualité nos rencontres. Le silence est une école du respect. Respect de la création. Respect de l'homme...

Le silence est un pédagogue qui nous apprend à écouter. Ecouter la musique de la création, pour en saisir la secrète harmonie. Ecouter notre cœur, notre conscience pour mieux nous connaître et diriger notre vie. Ecouter les hommes pour nous enrichir de leur diversité et mieux les aimer. Ecouter Dieu, son Esprit qui parle en notre cœur. Celui qui ne sait plus écouter la musique de la création, ne saura pas écouter les autres et encore moins le silence de Dieu.

Ecouter, mais aussi sentir, toucher, retrouver le contact avec la matière brute. Pétrir de la terre. Caresser un caillou. Marcher pieds nus sur le sable. Piétiner les aiguilles de pin d'un sous-bois. Tout peut devenir école d'attention, de présence à la création, aux autres et à soi-même.

Le silence est une composante psychophysiologique de la personne humaine. Notre croissance, pour être harmonieuse, doit nécessairement se structurer dans deux directions complémentaires : l'extériorité et l'intériorité. L'homme ne devient lui-même que dans l'équilibre de ce double mouvement : extériorisation, relation aux autres, au monde, et intériorisation, recul, silence, réflexion. Un peu à l'image des mouvements alternés du cœur qui se contracte et se détend dans un battement régulier.

Michel HUBAUT, franciscain

 

 

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