Centrafrique: Catherine Samba Panza, battante et femme de dialogue
23 janv. 2014
Catherine Samba Panza, 59 ans, qui a pris ses fonctions de présidente de transition jeudi à Bangui, est – sous des dehors avenants – une femme de caractère mais aussi de dialogue, entrée en politique il y a dix ans, déjà pour réconcilier des Centrafricains divisés par un coup d’Etat.
Première femme à occuper ce poste en Centrafrique, elle a été élue lundi par le parlement provisoire pour succéder à Michel Djotodia et a prêté serment serment jeudi devant la Cour constitutionnelle provisoire lors d’une cérémonie au palais de l’Assemblée nationale.
M. Djotodia avait renversé le régime de François Bozizé en mars 2013 à la tête de sa coalition rebelle Séléka et a été contraint à la démission le 10 janvier, sous pression de la communauté excédée par son incapacité à arrêter les tueries entre chrétiens et musulmans.
Incarnation de la diversité
De par ses origines familiales, Mme Samba Panza – chrétienne mais qui ne met pas en avant ses convictions religieuses – incarne aussi la diversité de la population centrafricaine et la cohabitation jusque récemment sans problèmes majeurs entre des communautés de religions et d’origines différentes.
Elle est née le 26 juin 1954, au Tchad, de père camerounais et de mère centrafricaine. Après des études de droit des entreprises à Bangui puis à Paris, elle rentre en Centrafrique et y crée rapidement une société de courtage en assurances, dans un pays miné par la corruption et peu propice aux affaires. De là vient sans doute son « hostilité à la corruption », que soulignent ceux qui la côtoient.
Dans la capitale, on la décrit volontiers comme quelqu’un de « très rigoureux » qui ne « cède pas facilement aux injonctions du pouvoir », sous des apparences de femme douce, au visage rond et souriant.
Militante des droits des femmes et des victimes
« C’est quelqu’un qui vient du privé, qui bosse », explique une source occidentale dans la ville: « avec elle on aura vraiment une perspective de travail ».
Parallèlement à son activité professionnelle, elle s’engage dans le militantisme, au sein de l’Association des femmes juristes de Centrafrique (AFJC). Elle s’y bat pour promouvoir la présence des femmes à des postes qualifiés et les droits des victimes des violences dans un pays où coups d’Etat, rébellions, mutineries s’enchaînent depuis l’indépendance de la France en 1960.
Ce parcours de militante l’entraîne dans l’arène politique en 2003. La Centrafrique est alors encore en pleine crise après le renversement d’Ange-Félix Patassé par François Bozizé, lui-même renversé en mars par Michel Djotodia.
Pour calmer les esprits, M. Bozizé organise alors « un dialogue politique national ». Catherine Samba Panza est nommée à la vice-présidence de cette variante d’une conférence nationale.
Elle s’y illustre aux yeux des Centrafricains en réussissant le tour de force à réconcilier l’ancien président David Dacko (renversé en 1981 par un coup d’Etat du général Kolingba) et le Premier ministre de l’époque Abel Goumba, ennemis politiques jurés depuis l’indépendance.
Ce succès inattendu lui vaut d’être propulsée sous les projecteurs. Elle en retire aussi une connaissance très fine des arcanes de la classe politique de son pays et de ses incessants retournements d’alliances.
Pas le droit à l’erreur
Observatrice attentive et informée des années Bozizé, elle est dans la foulée de son renversement nommée maire de la capitale par décret du nouveau président Michel Djotodia.
Ou selon le titre exact, et comme ses prédécesseurs « présidente de la délégation spéciale de la ville de Bangui », avec pouvoirs de maire. Puisque depuis l’abolition du régime du parti unique, au tout début des années 90, il n’y a plus eu d’élections municipales en Centrafrique.
Mariée, mère de trois enfants, elle assiste – révulsée – au fil des mois, à la descente aux enfers de son pays qui bascule dans le chaos et les tueries de masse.
Déjà à la mairie, puis dès son élection lundi elle pousse milices chrétiennes anti-balaka et ex-rebelles Séléka au dialogue, recevant des représentants des deux camps.
Désormais à la tête d’un Etat ruiné et d’un pays dévasté par la haine et une crise humanitaire sans précédent, elle disait dès mardi à la presse qu’elle n’avait pas le droit à l’erreur: « j’ai mesuré les attentes que les populations ont mises en moi. Je me dis qu’il faut absolument ne pas décevoir ces attentes ».