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S'il déclare ne plus mettre son nez rouge depuis qu'il est évêque, Monseigneur Yves Patenôtre (Archevêque de Sens et d’Auxerre et Evêque de la Mission de France) a gardé sa valise de clown. Un personnage qui le fait vibrer depuis l'enfance et dont il a longtemps revêtu l'habit, alors qu'il était prêtre. « Son clown » à lui, c'est l'auguste, le perturbateur qui déstabilise le « clown blanc » en faisant des pitreries et en le singeant.

J'ai commencé à m'intéresser au clown car il me permettait de ne pas être trop moi. Le clown est une sorte d'exutoire, c'est lui qui prend les coups... comme le Christ qui a pris sur lui la misère du monde et a dû mourir avec ce manteau rouge qu'on lui avait jeté. J'ai toujours été frappé par les Miserere de Rouault : on y voit des visages d'Arlequin et de Christ humilié. Sous l'un des Arlequins, un peu grave, un peut triste, il est écrit : « Qui ne se grime pas ?». On voudrait toujours être un autre, apparaître autre... pour échapper à soi, à la réalité.

Si le clown se grime, pourtant, ce n'est pas pour se cacher mais au contraire pour être homme et femme à la fois, représenter l'humanité dans son ensemble. Le clown n'est ni jeune premier ni vieillard, il est tous et autre en même temps. Il échappe aux cadres, il sera toujours insaisissable et imprévisible, poète... Quand j'entends un clown jouer du saxophone, j'ai les larmes aux yeux tant il donne des notes que l'on croirait tout droit sorties du coeur de l'homme.

J'aime les clowns car ils me font rejoindre le côté dérisoire de la vie, abracadabrantesque. Ils nous ramènent à l'humilité, l'humus, la terre, la mort. Quand on réussit à rire du dérisoire de la vie, on est sur le bon chemin ! Ce chemin d'humilité c'est celui du Christ qui nous met dans sa vérité. Ainsi, le clown est grave car il rejoint la gravité de notre finitude. Mais il la prend sur lui de manière un peu dérisoire et par le rire, il ouvre l'Espérance.

Par ailleurs, il n'est jamais  vulgaire. Il nous invite à redevenir des enfants comme Jésus laissait venir à lui les petits enfants. Le Mystère des portes du Royaume de Jésus est qu'elles s'ouvrent devant ceux qui ont gardé un coeur d'enfant. Le clown nous pousse dans nos retranchements, nous déstabilise comme la parole d'Evangile qui nous arrive dessus et nous interpelle en voulant nous rendre autre et meilleur. La force de la parole imprévisible qui est celle du clown et du Christ est qu'elle touche le coeur de l'homme. Quand le Christ arrivait, lui aussi ébranlait toutes les certitudes, il était souvent question et interrogeait sans cesse. Le Christ aussi avait de l'humour ! Au sens où l'humour c'est l'humilité mêlée à l'amour.

Le clown influence ma manière d'être prêtre. Je fais sérieusement ce que j'ai à faire mais sans me prendre au sérieux. Je crois que le clown nous ouvre au Christ car il nous permet de retrouver l'étonnement et la perméabilité du coeur.

Marie-Lucile Kubacki

 

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