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Une semaine après la Pentecôte où nous avons reçu le don de l’Esprit, l’Église nous invite aujourd’hui à méditer sur le grand mystère de la Trinité.

Alors, Frères et Sœurs, nous pourrions commencer par un petit sondage ! Histoire de vérifier un peu notre degré de connaissance des 3 personnes de la Trinité…

Avouons que nous serions sans doute un peu embarrassés :

Le « Fils », nous le connaissons par le récit qu’en font les Évangiles ; nous connaissons ses gestes, ses paroles, son histoire au travers du témoignage de ses disciples et des 4 évangélistes…

Le « Père », nous nous en approchons un peu au travers de la Révélation biblique, mais il nous semble parfois plus« lointain » comme le vigoureux barbu sur son nuage peint par Michel Ange au plafond de la chapelle Sixtine !

Quant à « l’Esprit », il est bien souvent pour nous « l’inconnu de la Trinité » ! Un« anonyme » dont pourtant, le Christ nous informe qu’il est celui qui« nous guidera vers la Vérité toute entière

Cette idée que Dieu est Un en trois « personnes » est un grand mystère qu’aucun article de catéchisme ne peut totalement expliquer.

Un mystère n’est pas une énigme, façon « Da Vinci Code » qu’à force d’enquête, nous pourrions élucider.

Un mystère, c’est un langage qui tente de dévoiler l’indicible, de murmurer autrement ce que les mots peinent à dire…

Une proposition de « mise en route », une invitation au déplacement, à l’interrogation intérieure…

Voyez-vous, Frères et Sœurs, je crois que grandir dans la foi c’est prendre régulièrement le temps de nous interroger sur ce que nous disons et récitons lorsque nous proclamons notre foi.

Lorsque nous débutons nos prières et nos liturgies par cette formule à laquelle nous ne faisons bien souvent plus attention - « Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit »-, que disons-nous, que professons-nous ?

Ce n’est que progressivement que les chrétiens ont évoqué, pour parler de Dieu, la« Sainte Trinité ». Cette idée étrange que Dieu est à la fois Un et Trois…

Cette formule ne se trouve d’ailleurs pas explicitement dans les Évangiles, elle n’apparaît qu’au IIIème siècle.

Il s’agit alors de trouver « les mots pour Le dire », Lui, le Dieu d’amour en qui tout n’est que relation.

Il s’agit de trouver l’expression la plus juste – tout en sachant qu’elle n’épuisera pas la totalité du mystère - pour évoquer un Dieu tellement Amour qu’en Lui tout n’est que relation…

Sur la célèbre icône de Roublev, on découvre trois personnages attablés devant une coupe ; si nous regardons cette icône avec attention, nous constaterons que les yeux des trois personnes se croisent et se regardent continuellement… Belle prouesse artistique, et belle manière de dire que Dieu n’est pas « solitaire »mais éternellement « solidaire » !

Cette icône est comme une parabole de notre propre vie spirituelle : l’Esprit qui habite en nous, depuis la Pentecôte, depuis notre baptême, est comme le« regard » entre le Fils et le Père, comme l’énergie qui relie le Père et le Fils…

Notre vie chrétienne consiste donc essentiellement à ne pas faire obstacle, en nous, à l’échange d’amour entre les trois personnes de la Trinité.

Oui, Frères et Sœurs, croire, c’est veiller à ne pas nous mettre, nous et notre ego si encombrant, en travers du chemin de l’Esprit qui, en nous – et si possible avec nous ! – cherche à nous entraîner, à la suite du Christ, vers le Père.

« La Trinité, écrit le Père Maurice Zundel, cela veut dire que Dieu n’est pas quelqu’un qui se regarde et tourne autour de soi, qui se gargarise de Lui-même, mais au contraire Quelqu’un qui se donne… Dieu est une communion, une respiration d’amour… »

Notre tâche de croyant consiste donc à faire en sorte que cette « respiration »ne soit pas, en nous et par nous, étouffée.

En nous l’Esprit est souvent à l’étroit, il a besoin de se mettre à l’aise, de prendre de la place, de saisir fermement le gouvernail de notre existence…

J’étais dimanche dernier dans un minuscule hameau du massif de la Chartreuse. Nous y avons célébré la Pentecôte avec un ermite qui vit, la plupart du temps, en grande solitude. Cet homme a été prêtre ouvrier, membre de la Mission de France, engagé comme maçon dans de grands chantiers internationaux du bâtiment. Puis il s’est mis à vivre la nuit, à la rue, pendant plusieurs années aux côtés des Sdf de Paris. Puis un jour il a choisit de s’enfoncer plus avant dans la prière, le « grand silence », une solitude peuplée de mille visages. Sur un petit cahier, il écrit les noms et les histoires humaines, souvent blessées, qu’on lui confie.

Cet homme n’est pas un surhomme ni un super chrétien. Il a, comme vous et moi, ses limites. Mais il a choisi de laisser le grand vent de l’Esprit tendre la frêle voile de son existence…

Et nous, dans les vies qui sont les nôtres, que faisons-nous pour laisser de la place à l’Esprit ? Quels risques prenons-nous ? Quels déplacements consentons-nous ? Osons-nous « lâcher prise » et laisser l’Esprit prendre pour nous, avec nous et en nous, le « bon cap » ?

Saint Athanase d’Alexandrie, au IVème siècle utilise une image féconde pour tenter de dévoiler ce grand mystère de la Trinité: « le Père est la source, le Fils est le fleuve qui transmet l’eau, et nous buvons l’Esprit ».

Alors, Frères et Sœurs, ayons soif de cette eau-là !

Ecoutons l’appel vigoureux de ce nouveau pape François à la parole si libre et si réjouissante : ne devenons pas des « chrétiens insipides, des chrétiens de musée ! »

Amen. 

Bertrand REVILLION, Diacre 

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