Bapteme

Luc 3, 15-16.21-22

« Le peuple venu auprès de Jean-Baptiste était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n'était pas le Messie. Jean s'adressa alors à tous Moi, je vous baptise avec de l'eau; mais il vient, celui qui est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de défaire la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l'Esprit Saint et dans le feu. " Comme tout le peuple se faisait baptiser et que Jésus priait, après avoir été baptisé lui aussi, alors le ciel s'ouvrit L'Esprit Saint descendit sur Jésus, sous une apparence corporelle, comme une colombe. Du ciel une voix se fit entendre C'est toi mon Fils : moi, aujourd'hui, je t'ai engendré."»

 La rupture de Jean-Baptiste

Nous savons que ce sont les Églises qui ont écrit les Evangiles. Ceux-ci portent la trace des débats qui les ont traversées. L'un d'entre eux a concerné la place respective de Jean-Baptiste et de Jésus. Le sobre récit du baptême de Jésus en est un indice et peut être interprété à partir de là : il s'agit d'une sorte de catéchèse sur l'identité de Jésus. Peut-être est-ce vers le début de l'année 28 de notre ère que Jésus fait le déplacement de son village de Nazareth vers les bords du Jourdain pour rejoindre d'autres juifs venus recevoir le baptême de Jean-Baptiste. Jean est le fils de Zacharie, un prêtre qui officie au Temple et qui, à chaque fois qu'il y entre, doit se laver pour se purifier.

Qu'a-t-il pu se passer pour que Jean s'éloigne de l'horizon du site sacré de Jérusalem, rompe avec sa famille pour mener une vie d'ascète au désert et se mette à pratiquer un rituel baptismal ? Je ne sais pas. Mais la rupture est importante: le baptême donné par Jean l'est pour toute la vie et il a lieu en dehors du site religieux officiel. Ainsi le Temple et ses desservants n'ont-ils pas le monopole de la purification. En venant au Jourdain, Jésus se situe donc du côté de l'autorité de Jean-Baptiste et entérine son choix jusqu'à accepter un rituel charismatique qui excède les normes reconnues par les prêtres légitimes.

Il s'en montre en quelque sorte un héritier et un disciple. Mais le récit de Luc est dialectique : face à Jésus, le Baptiste refuse d'endosser l'autorité messianique et détourne le regard du peuple présent vers cet autre qui vient après lui. Deux signes d'humilité se croisent : Jean ploie devant un plus grand que lui, et Jésus reçoit le baptême d'un autre pour le pardon des péchés, solidaire en cela d'un peuple d'Israël qui n'a pas toujours montré une gratitude à la hauteur de la grâce de Dieu. Jésus est d'abord un homme quelconque, banalement immergé dans un peuple, une histoire, des coutumes. Il en partage aussi les attentes d'un messie, les espoirs d'un ordre tout autre. Il n'est ni prétentieusement contreculturel ni noyé dans les évidences régnantes.

 Un double passage

Ce baptême met en scène l'étrange place que Jésus vient occuper : il assume sa solidarité terrestre avec un peuple et est le voyant de l'ouverture de la voûte céleste, qui laisse passer une parole le mettant du côté de la seigneurie de Dieu. En fait ce baptême ressemble à un rituel d'intronisation royale. Cependant, cette royauté se déploiera selon le style de Dieu et non pas comme celui des monarques terrestres.

Dans la généalogie qui suit le récit du baptême, à part David, il n'est d'ailleurs question d'aucun d'entre eux. Après cette généalogie, Luc croque le décor des tentations de Jésus : celui-ci traverse et dépasse les fascinations diaboliques qui peuvent pervertir toute identité royale.

C'est en refusant les prétentions à être dominateur que Jésus accède à l'authenticité de la toute-puissance bienveillante et amicale de Dieu. A l'instar du Baptiste, il rompt ensuite avec son travail, avec la sédentarité villageoise, avec sa famille et débute son itinéraire d'annonciateur du Royaume de Dieu, en se présentant comme le porteur d'une bonne nouvelle pleine de bonté et d'espoir à ceux et celles qui attendent de dépasser le manque de richesses, de liberté, de vue. Le baptême de Jean aura été pour Jésus le double passage à l'identité du Fils de Dieu et à une autorité émancipatrice.

 Jean-Yves BAZIOU

TÉMOIGNAGE CHRÉTIEN

N°3522 du 10 Janvier 2013

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