Dimanche 2 décembre : la première lumière de « l’Avent »
29 nov. 2012
L'Avent : temps d'attente, de préparation, de conversion.
Quand nous parlons de conversion, nous pensons spontanément à des choses que nous devons faire pour nous approcher de Dieu. Les pénitents de Jean le Baptiste lui demandaient : "Que devons-nous faire ?" Et il leur indiquait bien concrètement ce qu'ils avaient à faire pour éviter la colère de Dieu et le châtiment. (Lc 3, 10-14)
En sortant des eaux du Jourdain, Jésus, lui aussi, se met à appeler à la conversion, mais c'est un appel différent et tout nouveau : “ Convertissez-vous, car le Royaume de Dieu s'est approché ”. (Mc 1, 14) Quelle heureuse surprise ! La grâce, l'amitié de Dieu, le pardon sont là offerts, il ne faut pas les obtenir, il faut les accueillir. Jean le Baptiste faisait encore de la repentance une condition à la venue de Dieu. Jésus apporte un pardon libéralement offert, une amnistie universelle. Dans son Royaume, le passé ne compte plus, et désormais il n'y a plus qu'un seul péché impardonnable : celui de ne pas accepter et accueillir le pardon offert par pure grâce. L'ordre ancien est totalement renversé au point que les derniers sont maintenant premiers et les premiers, derniers. Heureux le pécheur qui accueille le pardon, mais malheureux le juste qui le refuse parce qu'il n'en a pas besoin. Le règne du jugement cède la place au règne de la miséricorde. Le Temple ne sera plus dorénavant le lieu de l'expiation et des sacrifices, mais la maison du Père où ses enfants vivent et chantent sa miséricorde. Le régime de la peur recule devant la stratégie de l'amour.
L'Évangile opère une révolution totale et définitive de la vision de Dieu et de l'homme et de leurs rapports, révolution analogue à celle de Copernic qui ne fit plus tourner le soleil autour de la terre, mais la terre autour du soleil. Depuis les temps anciens, la religion était vécue comme l'effort de l'homme pour s'approcher de Dieu. Dans le Royaume qu'annonce et inaugure Jésus, c'est Dieu qui s'approche de l'homme, gratuitement, sans conditions et sans limites. La conversion de Jean partait d'en bas (l'eau), la conversion au Royaume vient d'en haut (l'Esprit Saint et le feu). (Mc 3; Lc 3, 16)
Dieu vient et nous prévient, non pas avec un jugement et un châtiment, mais avec une grâce toute nouvelle. Toute la nouveauté de la Bonne Nouvelle est là. L'attitude fondamentale pour entrer dans le Royaume de Dieu n'est donc pas une disposition à agir, mais à accueillir, non pas à faire, mais à se laisser faire. Notre croissance spirituelle ne se déroule pas au gré de nos efforts, mais "au gré de la grâce de Dieu".
Cette attitude nouvelle, nous la trouvons, à l'aube même du salut nouveau, dans la Vierge Marie qui accueille la grâce et la rend. Elle ne dit pas : « Je ferai ta volonté, mais qu'il me soit fait selon ta parole. » Et son deuxième mot est le chant nouveau du Royaume, le Magnificat. Nous retrouvons cette attitude également chez les grands maitres spirituels et en particulier dans la spiritualité d'Ignace de Loyola. Nous savons la place centrale qu'y tient l'examen. Mais ce n'est pas un examen de conscience où je m'interroge sur ce que j'ai fait ou pas fait, mais une prière où je me place devant le Seigneur avec la question : Que veux-tu faire en moi, pour moi et par moi en ce moment ?
Voilà une bonne question pour ce temps de l'Avent et pour toute la vie. Car toute notre vie est appelée à être un Avent. Demandons-nous alors comment nous pouvons découvrir concrètement dans notre vie ce que le Seigneur veut y faire et est en train d'y faire ?
La réponse se trouve de deux façons: en creux dans notre cœur et en plein dans la Parole de Dieu. Quelques exemples aideront à clarifier ce que j'entends dire par là.
Je cherche Dieu sans le trouver et j'en souffre. Je multiplie les efforts de prière et de lecture, et les bonnes actions, mais en vain. Je me sens de plus en plus loin de Dieu et creusé par ce désir irréalisable. Or, c'est précisément dans cette impuissance que le Seigneur m'attend pour changer mon regard et me faire comprendre que c'est lui qui me cherche, passionnément, amoureusement. Mon impuissance même et ma faiblesse deviennent paradoxalement une invitation et une occasion de convertir mon regard et de me laisser trouver par Dieu.
Paul disait : "Lorsque je suis faible, c'est alors que je suis fort." (2 Co 12, 10) Mon cœur est alors prêt à recevoir la Parole de Dieu qui peut réaliser en moi ce qui est impossible à l'homme. En relisant ou en écoutant des paroles trop bien connues, j'y trouverai un gout nouveau, une force et une lumière nouvelles, et une joie proprement évangélique. J'entendrai Dieu, dans le jardin des origines, appeler Adam qui se cachait (Gn 3, 9) et je me sentirai invité à sortir de mes propres retranchements.
Je verrai l'ange saluer Marie et, avec elle, j'apprendrai à répondre : "Voici ta servante, que tout se passe pour moi comme tu l'as dit". (Lc 1, 3a) Ma misère et mes errements feront de moi une brebis perdue et tourneront mon regard vers le bon berger qui bat les buissons pour la chercher. (Lc 15, 3-7) Quand j'accueille la Parole de Dieu en centrant mon regard sur le Dieu-qui-vient, elle devient pour moi lumière, force et joie.
Un autre exemple. Je voudrais aimer, mais je vais d'échec en échec et je finirais par me décourager et même par me détester. C'est alors que je dois lever le regard et tendre l'oreille pour
entendre les accents de l'amour de Dieu et m'en imprégner par la foi.
« Que tu es belle ma compagne, que tu es belle ! Tes yeux sont des colombes ! » (Ct 1, 15) « Avec une amitié sans fin je te manifeste ma tendresse » (Es 54, 8). « Voyez de quel grand amour le
Père nous a fait don, que nous soyons appelés enfants de Dieu et nous le sommes ! » (1 Jn 3, 1)
En somme, pour découvrir la conversion évangélique à laquelle le Seigneur m'invite en cet Avent, je dois essayer de reconnaitre quelle est, en ce moment, la faille, la blessure par laquelle le Seigneur veut faire couler en moi sa grâce de régénération : un pardon impossible à donner ou à recevoir ? Un échec que je n'arrive pas à accepter et à intégrer ? Une peur qui me paralyse ? Un sentiment de culpabilité qui m'écrase ? Ma difficulté à prier, et même à croire ? Et puis lever le regard pour découvrir que Dieu désire plus que moi ce dont j'ai besoin et qu'il espère que je me laisserai enfin trouver, aimer, pardonner, guérir, transfigurer, ressusciter.
Pour conclure, je voudrais vous offrir comme pique-nique pour la route de l'Avent trois petites règles pratiques pour vivre en enfant du Père à l'exemple de Marie : Devant les évènements de ma vie personnelle et dans le monde autour de moi, me rappeler toujours que Dieu est Père et que “ tout est grâce ” pour qui aime Dieu.
Devant les exigences de ma vie personnelle, communautaire et ministérielle, ne pas me demander d'abord “ Que dois-je faire ? ”, mais “ Que veut faire le Seigneur en moi, par moi et à travers moi pour les autres ? ” Devant mes faiblesses et manquements, ne pas me décourager, mais en profiter pour approfondir mon sens de l'humilité devant la grâce et m'abandonner à sa miséricorde.
Herman Bastijns Missionnaire d’Afrique (Père Blanc)