Egypte: sanglant échec
16 août 2013
L’Égypte s’enfonce dans la violence. Le nombre de victimes (plus de 500), à la suite de l’assaut donné par les forces de l’ordre contre les partisans du président Morsi, renversé le 3 juillet dernier, éclaire d’un jour inquiétant la prise de pouvoir par les militaires, malgré leurs promesses de préparer rapidement la transition vers un pouvoir civil démocratique. La peur que suscite en Occident l’idéologie des Frères musulmans avait conduit à accueillir favorablement leur éviction du pouvoir, alors qu’ils y avaient été portés par la voie électorale. De nombreux Égyptiens, au travers de manifestations répétées, semblaient attendre cette issue, encouragée à la fois par les responsables musulmans d’Al-Azhar et le pape copte. Et le prix Nobel de la paix Mohamed El Baradei – aujourd’hui démissionnaire – apportait sa caution morale à l’entreprise.
Les nouveaux dirigeants étaient pourtant incités à ne pas exclure les Frères musulmans du jeu politique, parce qu’ils ont le soutien effectif d’une partie du peuple. L’exemple algérien était là pour mettre en garde contre la tentation d’éliminer par la force les islamistes. La violence dirigée contre eux les transforme en martyrs et nourrit de nouvelles vocations. Mais l’arrestation de Mohamed Morsi et de nombreux responsables de la confrérie, leur procès imminent et le bilan sanglant de la journée de mercredi montrent que l’avertissement n’a pas été entendu.
Les Occidentaux, qui avaient commenté avec modération la prise de pouvoir militaire, haussent le ton désormais, pour ne pas paraître complices. Le chaos syrien, les tensions en Tunisie, les incertitudes libyennes renforçaient leur souhait d’un point d’appui solide à reconstruire en Égypte. Cet espoir se disloque. Les Égyptiens, eux, risquent de se déchirer, à la recherche de boucs émissaires (les minorités chrétiennes coptes redoutent d’en faire les frais). Ils avaient voulu sanctionner la gestion de Morsi, autant pour son échec économique que pour ses choix politico-religieux ; la perspective d’un redressement de leur pays, que fuient les touristes et peut-être les bailleurs de fonds, s’éloigne encore un peu plus. Les forces de paix et de dialogue, en Égypte et ailleurs, ne doivent pas baisser les bras : il y a urgence.
Dominique Quinio