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Des Sadducéens viennent interroger Jésus, pour le piéger. Contrairement aux pharisiens, ils ne croient pas à la résurrection des morts. Ils inventent un cas d'école, frisant l'absurde : une veuve sans enfant qui a pour époux, successivement les six frères de son défunt mari qui meurent en la laissant sans enfant : « Si un homme a un frère marié qui meurt sans enfant, qu'il épouse la veuve, pour donner une descendance à son frère. » Cela permet aux Sadducéens de poser, avec ironie, la question : «A la résurrection duquel d'entre eux sera-t-elle la femme, puisque les sept l’ont eue pour femme ?» Pour eux, la résurrection est imaginée comme le prolongement de notre monde, un présent où se retrouveraient côte à côte les sept maris : quel imbroglio ! Nous avons bien envie d'en rire ! Mais ne faut-il pas plutôt interroger nos représentations de l'au-delà? Une femme de mon voisinage était tourmentée à ce sujet, elle avait épousé un veuf. Comment ça se passerait là-haut pour elle et l'autre épouse ? N'avons-nous pas un peu de cette façon de penser sadducéenne en nous quand nous espérons retrouver les êtres chers disparus comme nous les avons aimés de leur vivant? Nous rêvons de reprendre (en mieux) la relation affective, une relation exclusive, la nôtre. Et pourtant, nous sentons confusément et douloureusement que c'est là que nous avons à consentir à une perte.

Jésus répond aux Sadducéens : «Les enfants de ce monde se marient. Mais ceux qui ont été jugés dignes d'avoir part au monde à venir et à la résurrection d'entre les morts ne se marient pas car ils ne peuvent plus mourir: ils sont semblables aux anges, ils sont fils de Dieu puisqu’ 'ils sont fils de la résurrection. »

En ce monde, nous avons l'expérience d'une survie assurée par la descendance : les humains sexués, hommes et femmes, par leur union, mettent au monde des fils et des filles qui, à leur tour, engendreront. C'est la grande affaire de nos existences : assurer la survie de l'humanité, perdurer. Les « fils de la résurrection » ne sont pas dans cette nécessité «car ils ne peuvent plus mourir» : non seulement, ils n'ont pas à transmettre la vie, mais ce sont eux qui la reçoivent de Dieu. Quel retournement ! Ce sont eux les vivants à jamais : ils sont « fils de Dieu».

« Ceux qui ont été jugés dignes d’obtenir (d'atteindre) l’autre monde, ne se marient pas ». Il ne s'agit pas de refuser, négliger la procréation, la chaîne humaine serait vite interrompue ! La nouvelle filiation est le fruit d'un jugement, d'une séparation. Dans les Evangiles, dès qu'il est question de jugement, la séparation n'est pas entre des humains qui seraient les bons, les purs, les choisis, et les mauvais de l'autre côté ; elle traverse chacun. Il nous est révélé qu'il y a une part ou une dimension des hommes qui est fruit de la vie de Dieu, qui est sa descendance. Ce qui est fils, fruit de la résurrection est caché et pourrait passer inaperçu dans l'agitation du monde. Mais cela touche à l'essentiel, à la vérité de ce que nous sommes et qui nous échappe le plus souvent. Cette résurrection n'est pas seulement pour après notre mort, elle est à l'œuvre dans nos vies, elle se révèle chaque fois que l'épreuve de vérité nous dessaisit de nous-mêmes. « Que les morts doivent ressusciter, Moïse lui-même le fait comprendre dans le buisson ardent, quand il appelle le Seigneur "le Dieu d'Abraham, le dieu d’lsaac, le Dieu de Jacob". Il n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants; tous en effet vivent pour lui.»

Etre vivant, c'est vivre de ce lien avec ce Dieu qui leur parle. Vivre en fils et filles de la résurrection, c'est vivre de ce lien à la Parole vivante, cette Parole qui vient féconder notre chair; c'est dans la promesse de ce Corps du Christ que tous vivent. Toute la création l'attend, y aspire, dit Saint Paul, mais elle «gémit dans les douleurs de l'enfantement»

 

Malou LEBARS

Témoignage Chrétien

N° 3561 DU 7 NOVEMBRE 2013

 

 

 

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