Henri Caffart, prêtre ouvrier exorciste
21 janv. 2011
La France compte une centaine de prêtres exorcistes, soit un par diocèse. À 78 ans, le père Caffart, lui, se cherche un remplaçant.
PORTRAIT
Depuis dix-huit ans, Henri Caffart est le prêtre exorciste du diocèse d'Arras. Il ne porte pas de croix, et se balade sans goupillon ni eau bénite,
« pour tromper l'ennemi » s'amuse-t-il. Portrait d'un prêtre ouvrier militant syndicaliste au parcours atypique, devenu « psychiatre du bon Dieu », loin du film de William Friedkin... qu'il s'est
imposé de voir.
Casquette de marin vissée sur le crâne, regard serein et voix apaisante, le père Caffart passe pour un homme de son âge : 78 ans. Avec la sagesse
qui va avec, la malice en plus. « Vous vous attendiez à quoi ? À la soutane noire, au col romain et au crucifix ? », plaisante-t-il d'emblée. Ravalés, les clichés vus et revus du film
L'Exorciste. Oubliée aussi, la charge éponyme de l'Église. Il convient de parler du service diocésain Saint-Irénée, « du nom de l'évêque de Lyon au IIe siècle, réputé pour son esprit conciliateur
et d'apaisement dans les discordes », souligne le père Caffart.
Écouter, rassurer, faire découvrir à chacun ses richesses intérieures, voilà la mission confiée au père Caffart par l'évêque Derouet, en 1992. Pour
ce faire, rompant avec la tradition, il s'est entouré d'une équipe d'une vingtaine de personnes, dont deux diacres permanents. Qui a reçu cent soixante personnes l'an dernier. « Parmi elles, j'en
ai vu un peu moins de cent », note-t-il. Car le service fonctionne en trois temps. Les personnes laissent d'abord un message sur le répondeur téléphonique. Ensuite, elles rencontrent deux membres
de l'équipe. Puis, seulement, si elles le désirent, s'entretiennent avec le prêtre.
Dans ce dernier cas, le père Caffart se présente et retrace sa vie atypique (lire ci-dessous). Écoute la personne. Ne rompt pas les silences. Et
prie - « nous ne sommes pas deux, mais trois dans mon bureau, avec le Seigneur. » À la fin de l'entrevue, qui peut durer plusieurs heures, une poignée de main est échangée. « Leurs démons ont
disparu. Pas avec moi, non. C'est eux qui font disparaître cette fausse logique du mauvais sort. » L'homme dit n'avoir aucun don : « Ma seule autorité vient de l'évêque. » On est bien loin des
voyants, mediums et autres cartomanciennes, qui adressent parfois au service Saint-Irénée leurs visiteurs - « ils disent que je suis plus fort qu'eux... », commente le père Caffart. Qui évoque
une communication spirituelle, une force de foi venant à bout des souffrances, sûrement pas venues du démon, « une non-personne », mais de pulsions partagées par tous.
Phénomènes inexpliqués
Qui sont-ils, ceux qui viennent le consulter et se décharger de fardeaux devenus trop lourds à porter ? « Des gens écrasés par une suite de
malheurs, que ce soit au niveau du travail, de la santé, de heurts ou suite à un ou plusieurs décès dans leur entourage, reprend le père Caffart. Ils établissent entre les faits une sorte de
logique subjective. Et se disent alors qu'on leur a jeté un sort... » Tous les milieux sont représentés, de l'ouvrier au médecin, croyants ou non. Avec une surreprésentation des
femmes.
En dix-huit ans, le père Caffart a entendu beaucoup de choses farfelues. Et six ou sept cas sérieux de phénomènes paranormaux, inexpliqués, dont il
n'a pas été témoin, comme ces bruits de vaisselle cassée. « Cela existe dans des lieux où il y a eu un suicide, un meurtre, un viol ou des tortures, comme si la maison en question ressentait
encore ces éclaboussures de violence », note-t-il. Étonné que ces phénomènes existent. Et encore plus surpris qu'ils aient disparu après sa venue, sa prière et sa bénédiction.
PAR PERRINE DIÉVAL
COMMENT DEVIENT-ON EXORCISTE ?
Dix-huit ans plus tard, Henri Caffart (78 ans) en sourit encore. Il se souvient du moment où son évêque lui a proposé de devenir exorciste du diocèse. « J’ai eu la même réaction que vous, exorciste, pour moi, cela évoquait le Moyen âge. » Singulier au regard de son parcours ancré dans la société. Ordonné en 1958, il a été prêtre ouvrier (chauffeur poids lourds) de 1966 à 1990. Il a aussi été syndicaliste CFDT, délégué du personnel et juge aux Prud’hommes. Et encore, visiteur dans les prisons et une activité au sein du Mouvement « Vie libre » (lutte contre l’alcoolisme).
« Je ne me voyais pas du tout devenir prêtre exorciste. » Il demande néanmoins un temps de réflexion pour examiner la question. Pour se renseigner aussi. « J’ai regardé le film », sourit-il. Plus sérieusement, il va aussi se documenter, rencontrer des confrères. « J’ai consulté 33 personnes ». Pas forcément des hommes d’Eglise, d’ailleurs. Il acceptera finalement la mission et suivra une formation en psychologie et psychiatrie de deux ans avec les aumôniers de l’hôpital Sainte-Anne à Paris