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Dimanche dernier, on lisait Matthieu au chapitre 3 : “Tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu… qui ne s’éteint pas.” C’était Jean-Baptiste qui annonçait la manière forte. Aujourd’hui, le même Jean-Baptiste a envoyé ses amis enquêter sur Jésus et il est sûrement surpris : au lieu de condamner les pécheurs au supplice éternel avec “le feu qui ne s’éteint pas”, Jésus ouvre les bras à toute détresse, il guérit, il pardonne. Même qu’il appelle des pécheurs à travailler avec lui et qu’il mange à leur table. Jean Baptiste avait annoncé la vengeance de Dieu, et c’est la miséricorde qui est offerte.

Dans la première lecture, au chapitre 35 d’Isaïe, on entendait aussi des mots terribles comme vengeance ou revanche de Dieu. Mais dans le contexte du message d’Isaïe – Israël a trahi l’alliance de Dieu et a subi la déportation – quand Dieu prend sa revanche, ce n’est pas en punissant son peuple mais en le faisant revenir d’exil. La vengeance de Dieu c’est la revanche de la bonté sur la haine, de la paix sur la violence, de la libération sur l’esclavage, de la lumière sur les ténèbres, de la vie sur la mort, la revanche du pardon sur le péché. La grande revanche de Dieu par rapport à l’humanité qui le trahit et le rejette, nous allons la fêter à Noël : il vient vivre avec nous et donner sa vie pour nous en la personne de son Fils, Jésus-Emmanuel.

Véritable épreuve pour Jean-Baptiste qui attendait une manifestation de justice éventuellement par la force, ne serait-ce que pour le sortir de sa prison. Eh bien non ! Jean Baptiste ne prendra sa vraie stature que lorsqu’il envisagera d’être libéré de sa captivité non pas par un Dieu tout-puissant, mais par sa propre mort en communion à la mort prochaine de Jésus sur la croix. C’est comme ça qu’il sera le précurseur. Le vrai Libérateur est celui qui consent à tout perdre, même le pouvoir divin, pour instaurer un Royaume nouveau, celui où règne la puissance de l’amour.

Car les signes du Royaume de Dieu ne sont jamais violents. Ils sont discrets, cachés. Ils passent facilement inaperçus. Le vrai Dieu, celui de Jésus, ne se manifeste jamais par des attitudes fracassantes, mais par des gestes qui sauvent : un respect de tout être, et un pardon généreusement offerts. Le Messie est bien là, la libération a bien commencé. Mais le seul signe que le Règne de Dieu est commencé, c’est qu’il y a de l’amour. Nous ne devons pas attendre d’autre signe.  C’est sans doute pour ça que Jésus ne répond pas à la question – “Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous attendre ?” – parce que la réponse n’est pas en paroles.  Le signe que Dieu est là n’est pas une explication. Dieu est là quand il y a de l’amour.

«Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ?»Normalement, après 2000 ans de christianisme, la question ne se pose plus : les chrétiens savent que Jésus est bien celui qui devait venir ! Ce Jésus de l’évangile et du caté, des célébrations et de la prière, il est bien celui qui devait et qui doit venir ? Oui sans doute ! Mais est-ce qu’on ne l’aurait pas un peu déguisé et  arrangé à notre sauce de riches de monde industrialisé ? Est-ce qu’on n’aurait pas fabriqué un Jésus confortable qui ignore souvent les plus pauvres ? Est-ce qu’on ne l’aurait pas façonné à notre image d’hommes blancs, à la mesure de nos besoins économiques et de nos modèles sociaux ?

En réalité, ce Jésus qui vient est sûrement infiniment plus que celui que nous avons reçu. Celui qui frappe à notre porte est toujours autre que celui que nous avons accueilli. Des contemporains de Jean-Baptiste attendaient un nouveau David qui remettrait debout la nation juive. D’autres espéraient un Messie puissant qui prononcerait le jugement de Dieu. Jésus vient. Et il n’est ni l’un ni l’autre. Et il répond aux messagers de Jean : “Allez lui rapporter ce que vous entendez et voyez !” Entendre encore. Voir encore ! Nous avons toujours à accueillir un Jésus autre que celui que nous avons souhaité rencontrer. Jamais le même, toujours nouveau, sans cesse à redécouvrir. La joie de la foi est là, tous les jours, dans les yeux étonnés qui regardent vers Noël, l’enfant qui vient.

Église d’aujourd’hui, es-tu la communauté d’amour de Jésus et de sa Bonne Nouvelle aux pauvres ou devons-nous attendre une autre Église ?

Robert Tireau, Prêtre du Diocèse de Rennes

 

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