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Cet anniversaire, en faisant mémoire de la personnalité singulière du pape Jean met en lumière une véritable parenté avec l’actuel pape François.

Le 3 juin 1963, le pape Jean XXIII s’éteint dans sa chambre du troisième étage du palais pontifical. On dira qu'il a expiré sur Vite missa est de la messe qui était célébrée pour lui sur la place Saint-Pierre. Nous sommes au soir du lundi de Pentecôte une coïncidence remarquable pour ce pape qui avait tant désiré une nouvelle Pentecôte pour l'Eglise et qui avait vu le début de sa concrétisation à travers la réunion de la première session du concile de Vatican II qu'il avait convoqué cinq ans plus tôt. Le décès de Jean XXIII fut un événement mondial vécu en direct. Le dominicain Yves Congar écrivit dans son journal : « Tout le monde a eu le sentiment, en Jean XXIII, de perdre un père, un ami personnel, quelqu'un qui pensait à lui et qui l'aimait. » En effet, le monde entier pleura ce petit homme sans grâce et sans allure qui avait su être pleinement le papa. Cette unanimité sidéra la Curie romaine qui ne comprenait pas comment ce brave homme qui avait fort peu les usages altiers d'un souverain Pontife et qui avouait volontiers - peut-être avec un peu de coquetterie - ses lacunes en théologie, pouvait avoir conquis tant de cœurs.

Transition ?

Élu à 77 ans comme un «pape de transition», Jean XXIII fut, très au-delà des espérances de ce que ceux qui l'avaient élu, l'artisan de la transition. Il fit passer le catholicisme d'une logique de forteresse assiégée à une culture de dialogue et d'ouverture au monde. Pourtant, au cours de son pontificat, il lui arriva bien des fois de décevoir les espoirs de ceux qui attendaient des changements. Au point que certains parfois le jugèrent durement. La relecture historique montre que Jean XXIII, sous ses airs de « grand-père de tout le monde», était un redoutable stratège. Du tournant qu'il souhaitait faire prendre à L'Église, il n'avait rien révélé avant son élection. Les Français qui avaient gardé le souvenir de sa stricte obéissance à Rome au moment de l'affaire des prêtres ouvriers (1953) n'en attendaient pas grand-chose. Et son savoir-faire de diplomate, face à la Curie laissa souvent croire qu'il ne savait pas trancher. Toute ressemblance avec la très récente et très surprenante élection d'un nouveau pontife n'est pas totalement fortuite. Certes, l'histoire ne se reproduit pas et Jorge-Maria Bergoglio n'est pas Angelo Roncalli. Cependant, l'affirmation d'un nouveau style papal, une façon de parler que tout le monde comprend et qui fait hausser les épaules aux amateurs de hauteurs théologiques, la volonté de ne pas «faire le pape», mais de rester soi-même, voilà, à cinquante ans de distance, des traits bien communs. Reste à savoir jusqu'où ira le pape François. Si l'on en juge par une série de propos récents, et en particulier sa prise de parole à Saint-Pierre de Rome devant les évêques italiens, il semble que le pape argentin soit beaucoup moins diplomate que ne le fut Jean XXIII. Il est vrai aussi que François a l'avantage d'être instruit pas l'expérience. Il sait le poids des habitudes, en particulier des mauvaises, et la tendance de l'Eglise catholique à se préoccuper d'abord d'elle-même. Prêtre ordonné dans l'espérance qu'avait fait naître le Concile, il sait quels espoirs ont été déçus. Il rêvait d'une Eglise servante de l'Évangile, il voulait annoncer Jésus-Christ jusqu'aux confins, aux extrémités de la terre (pour l'Argentin qu'il était, il s'agissait du Japon). Le pape qu'il est devenu est toujours avide de faire connaître Jésus. C'est la priorité qu'il donne à l'Église, quasiment contre elle-même, c'est-à-dire contre son nombrilisme. S'il est un point commun entre Jean et François, c'est que leur amour de l'Église est l'amour d'une Église qui sert Jésus-Christ en servant l'humanité.

Lumen Christi, lumen gentium. ..,«la lumière du Christ est la lumière des nations». C'est par ces mots que Jean XXIII avait inauguré le très important message radiophonique qu'il avait prononcé un mois avant l'ouverture du Concile afin de demander la prière de tous les catholiques. Lumen Gentium, ces mots sont ceux qui ouvrent la grande constitution conciliaire sur l'Église. Mais contrairement à ce que l'on croit le plus souvent, le texte demeure fidèle à la pensée du pape Jean. La première phrase de la Constitution dit: «Le Christ est la lumière des peuples», et ajoute que c'est : «la clarté du Christ qui resplendit sur le visage de l'Église». La nuance, mérite d'être soulignée. L'Église ne se prend pas pour la lumière, elle en est le miroir, elle a le devoir de la réfléchir. Jésus au centre ! Voilà ce qui unit Jean XXIII et François !

Christine PEDOTTI

TÉMOIGNAGE CHRÉTIEN

N° 3542 du 30 Mai 2013

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