Journée de la femme : Quelle place pour les femmes dans d’Eglise ?
08 mars 2012
Championnes de l’engagement ecclésial, premières sur le terrain, elles n’ont guère de visibilité aux postes de décision. À Rome comme dans les diocèses.
Femme dans l’Église catholique : une évidence, un
tabou, un état difficile à vivre, une réalité à faire évoluer ? Après une histoire pleine de malentendus, l’Église a confirmé, avec Jean Paul II (Mulieris dignitatem, 1988), qu’elles
étaient d’égale dignité avec les hommes. Les femmes forment la majeure partie des catholiques pratiquants. Elles sont aussi les championnes de l’engagement ecclésial. Outre qu’elles assurent le
quotidien de la vie paroissiale, elles constituent en France 90 % de l’effectif des laïcs envoyés en mission par leur évêque, et assurent donc aussi la majeure partie du travail pastoral,
dans les diverses aumôneries (santé, prison...) ou dans les services diocésains.
En dépit de ces faits, les femmes n’ont guère de visibilité dans l’Église : ni dans le culte, puisque seuls les hommes peuvent être ordonnés, ni dans le gouvernement de
l’institution, prioritairement dévolu aux ministres ordonnés. L’Église ne se différencie pas, sur ce point, de la société civile : les femmes sont sous-représentées dans les instances de
décision. Étrange paradoxe et miroir déformant de la réalité du terrain.
Si le code canonique, publié en 1983 suite à Vatican II, a autorisé les laïcs, donc les femmes, à « collaborer » au pouvoir de gouvernement, ce pouvoir reste, dans
sa définition, aux mains de ceux qui ont « reçu l’ordre sacré ». Ainsi, les femmes ont pu faire leur entrée dans un cinquième des conseils épiscopaux français, ou à la curie romaine,
mais toujours sous la direction d’un évêque. Nommée par Benoît XVI numéro 3 du conseil pontifical Justice et paix, l’Italienne Flaminia Giovanelli a ainsi accédé, en 2010, au plus haut
poste possible.
Les femmes sont aussi exclues des processus de décision théologique de l’Église catholique, qui relève de la collégialité des évêques. Dans les synodes, elles ne peuvent qu’être
invitées à titre d’expert ou d’auditeur. Un manque déterminant, selon la théologienne féministe américaine Joan Chittister : « Aucune femme ne peut se sentir pleinement réalisée au sein
de l’Église, car nous ne sommes pas théologiquement actives. » Aussi longtemps que les femmes seront absentes « dans les ministères, dans le développement de la doctrine et des
documents, nous aurons un monde qui ne voit que d’un œil », ajoute-t-elle.
La question des femmes pose donc celle plus large de la place des laïcs, toujours précaire. D’autant qu’on constate aujourd’hui une recentralisation sur le prêtre, une
revalorisation du diacre, et une tendance à la recléricalisation des postes à responsabilité. Précédemment confiée à deux femmes, la communication de la Conférence des évêques de France, par
exemple, est revenue en 2009 dans le giron d’un prêtre, Bernard Podvin. Une tendance qui ne peut concerner « que les fonctions symboliques », étant donné « la baisse continue du
nombre de prêtres », tempère la sociologue Céline Béraud.
Les symboles, néanmoins, ne sont pas sans effet sur la réalité. D’après Monique Baujard, seule femme à diriger l’un des services de la conférence épiscopale (Famille et société),
ce sont d’abord les fidèles, et avec eux toute la société, qui se fixent sur la figure du prêtre et peinent à reconnaître la légitimité des laïcs. « Il reste à combattre l’idée selon
laquelle toute responsabilité un peu importante est indissociable de l’ordination. Ce qui qualifie pour un service, ce sont les compétences. Il serait dangereux de penser que le pouvoir de
l’ordre pourrait s’y substituer », affirme la théologienne Véronique Margron.
Les religieuses, qui sont des laïques (non ordonnées), ont assuré une sorte de transition et ouvert la voie aux autres femmes. Mais un certain nombre de
secteurs, souvent liés au droit canonique, restent très cléricaux par tradition. Bénédicte Draillard, par exemple, fait partie des quelques femmes, en France, à avoir été nommées juge auditeur
(l’équivalent du juge d’instruction) au sein d’un tribunal ecclésiastique. « Nous siégeons à trois, mais comme les clercs doivent avoir la majorité, une femme juge se retrouvera toujours
avec deux prêtres, donc deux hommes », fait-elle remarquer. Peu de femmes également au poste de chancelier diocésain, garde des sceaux de l’évêque chargé de veiller à la canonicité de ses
décrets.
[…]
De la visibilité de la femme dans l’institution dépend sa place dans la société tout entière. Et, à l’échelon de l’Église universelle, ce n’est pas sans implication. Car le rôle social, caritatif, familial et professionnel des femmes chrétiennes est incontournable. Ce qui a été souligné en 2009, dans les documents de travail du synode pour l’Afrique : « Le rôle des femmes serait plus efficace si l’Église famille leur confiait une mission plus visible ou les impliquait de manière plus franche, car elles humaniseraient bien davantage les sociétés africaines. »