Silence

 

Au moment où un débat resurgit à Evreux sur "l'inutilité" des Cerles de Silence, je vous propose ce texte de Georges CLEMENCEAU, Radical Socialiste, Laïc Anticlérical et Père de la Loi de Séparation de l'Eglise et de l'Etat (1905) :

 

"L'ART DE SE TAIRE

Souvent passe un regard, un regard soutenu
Tes yeux sur les yeux de l'autre
Deviner la signification de leur éclat
Lire le futur immédiat plus loin que la pupille
Vouloir dire beaucoup de choses, mais retenir son envie
Serrer les lèvres
Permettre que circulent les idées sans qu'elles sortent à l'extérieur
Augmenter l'espace entre les questions et les réponses
Laisser les muscles se dessiner sur le visage
Attendre un signe
Maintenir la respiration. Penser que l'autre aussi pense
Analyser, espérer
L'économie de paroles: une vertu qui n'est pas l'apanage des religieuses cloîtrées
Un jeu que pratiquent ceux qui savent faire les fous
Ceux qui comprennent que toutes les questions méritent une réponse
Que la solution n'est pas toujours d'ouvrir la bouche
Pourquoi tout dire ?
Pourquoi ne pas conserver en soi un peu de ce que l'on pense ?
Pourquoi ne pas convertir secret quelques unes des idées qui font leur apparition sans préavis, au moins avec l'illusion que le temps la mûrisse et la transforme en idée plus durable ?
pourquoi ne pas comprendre, au moins une fois , que la parole n'est pas aussi rapide que la pensée et que tout ce que l'on trouve dans l'esprit ne peut se convertir en paroles ?
Comprendre que l'on peut aussi parler par gestes
Que le silence…parfois devient un cri
On garde le silence dans les hôpitaux, les veillées funèbres, les actes solennels
On garde le silence par pudeur, par respect, par douleur
Apprendre à se taire sans autre motif que sa propre volonté
Se taire pour écouter
Se taire pour regarder
Se taire pour apprendre
Se taire pour se taire
Se taire pour convertir le silence en complice
Se taire pour savoir si un écho existe
Se taire parce que tout ce qui ne nous convient pas d'écouter, nous le disons à l'oreille, dans l'intimité d'une confession, avec le volume d'un cri, avec l'accent des grandes révélations.
Se taire pour comprendre que le silence est le masque des sons les plus beaux.
Manier le silence est plus difficile que de manier la parole "

Georges CLEMENCEAU

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