L’Église catholique maintient le cap du dialogue avec les musulmans
09 nov. 2012
Réunis à Lourdes en Assemblée plénière jusqu’au jeudi matin 8 novembre, les évêques ont entamé mercredi une réflexion sur les relations entre les catholiques et la deuxième religion de France
« Il ne se passe pas un jour sans que l’on m’interpelle sur le sujet : “et vous, que pensez-vous de l’islam ?” Tenez, encore l’autre jour, dans une rencontre avec des élus de gauche et de droite… » L’anecdote est de Mgr Yves Le Saux , évêque du Mans, mais elle pourrait être reprise par l’immense majorité de ses confrères.
En mars, lors de la précédente assemblée des évêques à Lourdes, la question du dialogue islamo-chrétien a suscité suffisamment d’échanges – parfois très vifs, raconte-t-on aujourd’hui dans les couloirs de l’hémicycle – pour conduire le cardinal André Vingt-Trois, président de la Conférence, à demander un état des lieux, quatre ans après que le thème a été évoqué. « La présence des musulmans en France est encore plus visible et, au plan international, les violences au Pakistan ou au Nigeria ont beaucoup marqué l’opinion », explique le P. Christophe Roucou , directeur du service national pour les relations avec l’islam (SRI).
C’est dans ce contexte que Mgr Michel Dubost, évêque d’Évry et président du Conseil pour les relations interreligieuses et les nouveaux courants religieux, intervenait mercredi matin 7 novembre devant l’assemblée plénière. Après des ateliers mercredi après-midi, le sujet doit faire, jeudi matin, l’objet d’une discussion entre les évêques.
« La France change, la présence musulmane nous questionne »
« Nous sommes tous acquis à ce que dit Benoît XVI sur le dialogue interreligieux, axe fondateur du concile Vatican II. Mais les réactions des uns et des autres diffèrent en fonction des situations auxquels ils sont confrontés », reconnaît Mgr Dubost. C’est pourquoi l’évêque d’Évry a tenu, mercredi, par son propos (intitulé Catholiques et musulmans en France), à lancer « une vraie discussion sur les enjeux du dialogue d’aujourd’hui ».
Il a d’abord dressé un portrait de la présence musulmane en France, en présentant avec lucidité les différents courants qui traversent les musulmans de France. De la majorité « qui témoigne d’une appartenance tranquille à sa tradition religieuse », à ceux qui vivent leur Islam « comme une enclave dans un environnement étranger », jusqu’aux « salafistes djihadistes, prêts à passer à l’action violente », minoritaires.
Pour autant, l’évolution de la présence musulmane en France, ainsi que les échos de la violence commise en terre d’islam à l’encontre des chrétiens, doit-elle conduire les catholiques à réviser leur attitude de dialogue ? La réponse de Mgr Dubost a été claire : « La France change, la présence musulmane nous questionne. L’Église en France traverse des moments difficiles. Mais notre espérance repose sur le Christ, et non sur le cours des temps. »
« Chacun a le droit à la vérité de l’autre »
Cependant, l’évêque francilien n’a pas fait mystère des reproches adressés par certains catholiques aux acteurs du dialogue islamo-chrétien, jugés parfois « masochistes, lénifiants et ignorants ». « Que faut-il entendre à travers ces critiques ? s’est-il interrogé. À mon sens, elles dénotent une réelle souffrance ou une peur, dont il convient de tenir compte. (…) Ces critiques manifestent aussi une réelle volonté de témoigner de la foi chrétienne… et des difficultés de ce témoignage. » Et Mgr Dubost de développer une éthique du dialogue, car « permettre aux fidèles de dialoguer, c’est leur permettre d’être fiers de leur identité chrétienne ».
À la sortie des travaux, Mgr Gérard Coliche, évêque auxiliaire de Lille, confirme : « Il nous faut poursuivre dans la voie du dialogue mais être stricts sur les conditions. » Mgr Dubost les a esquissées : « Que chacun écoute ce que l’autre dit de sa foi sans discuter, soupçonner, rétorquer. Cela est vrai même lorsque les musulmans ont des affirmations qui nous choquent, ou que nous pensons que nos affirmations peuvent les choquer. Chacun a le droit à la vérité de l’autre. »
Bruno Bouvet, à Lourdes