Le président François Hollande et le pape François se sont rencontrés pour la première fois vendredi 24 janvier
24 janv. 2014
François Hollande et le pape François se sont entretenus vendredi matin au Vatican, une première rencontre délicate sur des sujets comme la fin de vie et l'avortement, alors que le président français se trouve en outre dans la tourmente sur sa vie privée. À son arrivée dans le palais pontifical, derrière le solennel cortège des "gentilshommes de Sa Sainteté", en redingote, M. Hollande, accompagné du président de la Maison pontificale, Mgr Georg Gänswein, semblait impressionné. Quand les deux François se sont serré la main, ils semblaient tous deux un peu crispés, même si M. Hollande a esquissé un sourire. "Saint-Père, je suis très heureux d'être accueilli ici", a dit M. Hollande en serrant la main du pape dans la salle du Tronetto.
Le pape, souvent très affable, avait une expression grave. Il a toutefois relevé, en recevant des mains du président un ouvrage sur saint François de Sales, célébré ce vendredi, "c'est notre patron !" et semblait plus détendu après l'entretien. Non loin de là, une bombe artisanale a explosé dans la nuit de jeudi à vendredi près de Saint-Yves-des-Bretons, l'une des églises françaises de Rome. Elle n'a fait que de légers dégâts matériels et, selon les enquêteurs, n'aurait pas de lien avec cette visite. Toutefois, par précaution, les mesures de sécurité ont été renforcées. Cette visite intervient à un moment délicat pour le président Hollande, dont la liaison avec Julie Gayet, une actrice de 41 ans, défraye la chronique. Mais il n'est pas d'usage au Vatican d'aborder des sujets d'ordre privé. Et la présence de la compagne de M. Hollande, Valérie Trierweiler, avec laquelle il n'est pas marié, n'était de toute façon pas prévue.
Le pape a reçu une "supplique" de 110 000 Français
L'entretien en tête-à-tête, qui a duré 35 minutes, devait être marqué par des convergences sur les crises internationales et la justice sociale, mais un désaccord profond sur les évolutions sociétales. Le chef de l'État socialiste avait souhaité rencontrer le pape, "grande autorité morale", qui peut être "utile" dans le règlement de la crise syrienne et du conflit israélo-palestinien. Défenseur de la laïcité et promoteur de projets sur le mariage pour tous et la fin de vie qui froissent l'Église, M. Hollande souhaitait aussi, selon l'un de ses conseillers, adresser "un message fort de dialogue et d'attention" aux catholiques, alors qu'il est impopulaire auprès de la majorité d'entre eux à l'approche des élections municipales et européennes. La loi autorisant le mariage homosexuel promulguée en mai 2013 avait mis des centaines de milliers de manifestants dans la rue, parmi lesquels nombre de croyants.
Plus récemment, des dispositions confortant le droit à l'avortement ont provoqué des crispations. Les projets sur le suicide assisté pour les malades en fin de vie, des réformes envisagées sur la famille, les conceptions en faveur de la promotion du "gender" (le sexe à la naissance ne détermine pas l'identité sexuelle) créent un malaise grandissant parmi les catholiques français. Selon l'Élysée, ces dossiers "ne devaient pas être au coeur" de la rencontre. "On sait bien que les positions sont divergentes, elles n'ont pas vocation à se rapprocher à l'occasion de cet échange, en particulier sur la question de l'avortement", dit-on. Mais, au Vatican, ces projets et débats suscitent incompréhension et critiques. Le pape François, à qui a été transmise une "supplique" de 110 000 catholiques français exprimant leur "malaise" face à la politique du gouvernement, devrait les aborder.
Plus consensuels, les questions de la protection des chrétiens d'Orient, les conflits en Afrique, le gaspillage des ressources alimentaires et la relance des efforts internationaux pour la protection de l'environnement - une priorité de Paris et du pape - ont sans doute été aussi abordés. Alors que Nicolas Sarkozy promouvait une "laïcité positive" tenant compte de "l'héritage chrétien de la France", M. Hollande compte bien rester dans ses habits de défenseur d'un autre type de laïcité, "pilier de la République". Le président, qui s'est fait accompagner de représentants engagés du monde catholique français, dont le père missionnaire Georges Vandenbeusch, récemment libéré au Nord-Cameroun et embrassé avec chaleur par le pape, devait rencontrer le secrétaire d'État Pietro Parolin et son "ministre" des Affaires étrangères, le Français Dominique Mamberti, avant de s'adresser à la mi-journée à la presse au Centre culturel Saint-Louis-de-France.