Brunin

À l’occasion de la sortie de son livre sur « la nouvelle donne » des familles, Mgr Jean-Luc Brunin, évêque du Havre et président du conseil Famille et société de l’Église de France, rappelle que le désir de réussir sa vie de famille est partagé par tous.

La famille, une priorité pour la société de demain

  « Il faut cesser de penser que l’Église ne s’intéresse qu’aux familles qui correspondent à un idéal »,  écrivez-vous dans votre livre (1). Pourquoi? 

  Mgr Jean-Luc Brunin: Parce qu’il n’y a pas un « modèle » de famille selon l’Église catholique, même si la famille fondée sur un couple marié et fidèle reste l’idéal d’épanouissement que propose l’Église!

 Comment l’Église peut-elle, à la fois,  « tenir compte de la complexité et de la diversité des situations »  et promouvoir  « une conception de la famille qu’elle tient de la Révélation chrétienne »  ? 

 Mgr J.-L. B.: Dans une société qui ne fait plus majoritairement référence à la tradition chrétienne, l’Église se trouve mise au défi de montrer concrètement, à partir de ce qu’elle reçoit de la Révélation, ce que signifie « faire famille » de manière équilibrante et épanouissante. Car les Français restent très attachés à l’idée de réussir la vie de famille , mais ils doutent que cela soit encore possible.

 Par quoi cette réussite passe-t-elle? 

 Mgr J.-L. B.: D’abord, par le cadre du mariage, en tant qu’il est le fondement de toute vie familiale et non pas simplement une ritualisation du sentiment. Cela passe aussi par une inscription dans la lignée générationnelle, face à la tentation de nucléarisation du couple. Enfin, cela passe par l’apprentissage de l’altérité, de la fraternité et de la gratuité. Des parents aiment leurs enfants d’un amour gratuit et cela permet à l’enfant de développer en lui ce que les générations antérieures ont accumulé de possibilités d’adaptation…

Cela dit, il y a toujours moyen de « faire famille » en dépit des divers accidents: échec conjugal, maladie, veuvage, perte d’un enfant, chômage… Ce qui est certain, c’est que ce désir est partagé par tous, pas seulement ceux qui confessent la foi chrétienne. C’est pour cela qu’il faut explorer le concept d’espace tiers entre la société et l’Église, un peu comme un « Parvis des gentils » pour les familles qui sont préoccupées par le sens de la vie.

 Comment verriez-vous la mise en œuvre d’un tel « Parvis des gentils » pour les familles? 

 Mgr J.-L. B.: Nous devons faire preuve d’imagination, mais déjà des réalisations existent dans certains diocèses: maison de la famille, journées des familles, récollections ouvertes aux parents et aux enfants, sans oublier les Associations familiales catholiques (AFC) qui, à travers leurs réseaux d’éducation pour parents, ouvrent des espaces de parole. Au Havre, quatre groupes AFC – pour les mères isolées, pour les pères et deux autres s’intéressant aux enfants et aux adolescents – font pleinement partie de la pastorale diocésaine, même s’ils attirent bien plus largement que les familles catholiques.

 Comment prêter une plus grande attention aux personnes séparées, divorcées, remariées  ? 

 Mgr J.-L. B.: Il faut pouvoir améliorer leur accueil ecclésial et leur accompagnement. Au Havre, nous avons lancé depuis un an un groupe de travail pour sensibiliser les communautés en ce sens et aider les personnes divorcées à continuer un chemin avec Dieu, sans se focaliser sur le fait de ne pas pouvoir accéder à la table eucharistique.

 Le ministre de l’éducation, Vincent Peillon, dans son livre  La Révolution française n’est pas terminée  (Seuil, 2008), écrivait que le  « rôle privilégié de l’école est de dépouiller l’enfant de toutes ses attaches prérépublicaines pour l’élever jusqu’à devenir citoyen ».  Comment comprenez-vous une telle déclaration? 

 Mgr J.-L. B.: Elle se fonde sur une conception qui relève du siècle des Lumières, à une époque où on réduisait l’homme à sa raison, qu’il fallait éclairer par l’instruction. Or, on ne devient un sujet libre qu’au cœur des appartenances diverses qui nous socialisent. C’est le but de l’acte éducatif, dont les parents demeurent les premiers responsables. Certes, l’école va apporter des compléments d’éducation, mais il y a des fondamentaux qui sont portés par la famille, car elle est la première communauté éducative et c’est là que l’on apprend, entre autres, à se respecter, à se supporter et à se pardonner.

 La note      Poursuivre le dialogue,  rédigée, après le vote du « mariage pour tous », par le conseil que vous présidez à l’intention des délégués diocésains à la pastorale familiale a été jugée trop tolérante par certains. Que leur répondez-vous? 

 Mgr J.-L. B.: Le dialogue n’est pas une stratégie mais une manière fondamentale pour les chrétiens d’habiter la société et de témoigner de la richesse que porte l’Évangile. Nous sommes dans un temps favorable pour promouvoir ce que la foi propose aux familles. Cela requiert de la part des chrétiens de s’interroger davantage sur ce qu’ils donnent à voir dumariage et de la famille.

RECUEILLI PAR CLAIRE LESEGRETAIN

(1) Les Familles, l’Église et la Société: la nouvelle donne, entretiens avec Christophe Henning, Bayard, 173 p., 16 €.

 

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