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Noël, dans un peu plus de deux semaines. Comment y préparer nos cœurs ? Les textes de ce dimanche nous suggèrent  pour cela d’accepter de passer par le désert.

              Saint Luc  met sur le devant de la scène tous les responsables politiques et religieux du moment. L'empereur romain Tibère, son représentant en Judée, Ponce Pilate, Hérode, prince de  Galilée et d'autres petits rois des provinces voisines. Et aussi les autorités religieuses, Anne et Caïphe. Face à ce décor des puissants qu'on imagine sous les brocards et les chapes dorées, dans les palais et dans le Temple ou les synagogues, un homme, tout simple, Jean. Il vit dans le désert. Et c’est dans le désert que la Parole de Dieu lui est adressée.  Pas dans le Temple, ni dans les palais, mais dans le désert car c'est sans doute là que la Parole de Dieu pouvait être le mieux entendue.

              Il nous faut nous aussi aller dans le désert pour entendre ce que Dieu veut nous dire pour bien fêter Noël.

              Mais, quel désert ? Le désert où nous pourrons entendre Dieu nous parler est en nous. Le désert, synonyme de silence. Aller dans le désert, c'est d’abord faire silence, pour réfléchir. Silence essentiel, absolument indispensable.

             Vous le savez bien vous, qui, en rentrant des courses ou du travail, entrez dans le calme  d’une église pour y poser un moment vos sacs et vos soucis et aussi pour dire votre tendresse et votre confiance à  Dieu.

             Jean-Louis Étienne, un explorateur qui a passé des mois sur son traîneau seul dans le désert glacé de l'Antarctique a dit à son retour : « Nous sommes trop sollicités dans ce monde qui va trop vite. Nous ne prenons pas le temps de nous arrêter, de faire silence pour qu'enfin nous puissions nous poser la question de savoir si la vie que nous menons est bien accrochée à l'essentiel. » Et il a ajouté cette confidence: « C'est dans cette solitude du désert glacé que Dieu a resurgi dans ma vie, après avoir été longtemps caché derrière un paravent de 'bondieuseries'. »

            Il faut faire des moments de désert, si l'on veut rester un homme, une femme, dans le tourbillon de la vie, et si l'on veut rester croyant. Il faut descendre de temps en temps, comme on l'a joliment écrit, dans la « crypte » de son cœur. Noël, c'est la visite de Dieu dans nos cœurs. Si nous ne sommes pas chez nous, la rencontre n'aura pas lieu          

            Il y a  des déserts que l'on subit : cette maman de trois enfants qui reçoit les mauvais résultats d'une analyse de sang, paniquée à la perspective d'une récidive de cancer : « Où est Dieu, que fait-il ?... J'ai l'impression qu'il se tait dans ce désert que je traverse ! »

           Dieu est-il dans le désert terrible de la maladie ? … dans le désert brûlant de la mort ? Parle-t-il dans le désert glacial de la solitude ou le désert aride du chômage ou de la vieillesse ?

           Le Dieu qui s'est fait l'un d'entre nous, Jésus, dont nous allons célébrer la naissance humaine est venu nous dire qu’il est avec nous tous les jours, même dans les pires moments. Comme le dit fort bien un poète brésilien : « J'ai fait un rêve. Je cheminais sur la plage, côte à côte avec le Seigneur. Nos pas se dessinaient sur le sable laissant une double empreinte. Puis, me retournant,  j'ai imaginé que tous ces pas représentaient tous les jours de ma vie. Mais, je remarquai qu'en certains endroits, au lieu de deux empreintes, il n'y en avait qu'une. Les traces à l'empreinte unique correspondaient aux jours les plus sombres de mon existence, jours d'épreuve, jours intenables. Je fis ce reproche au Seigneur: Tu nous avais promis d'être avec nous tous les jours, pourquoi m'avoir laissé seul aux pires moments de ma vie ? Et le Seigneur m'a répondu : « Les jours où tu ne vois qu'une trace sur le sable, ce sont les jours où je t'ai porté. »  Voilà une bien belle manière de dire sa Foi.

            Malheureusement, il y a beaucoup de gens qui traversent leur propre désert sans savoir que Quelqu'un peut les y accompagner. Le Christ nous envoie le leur dire. Nos paroles risquent de provoquer la révolte ou la dérision. Nos actes sont autrement parlants.

            Un habitant d’un hameau perdu dans la campagne frappe un jour à la porte du presbytère de la ville voisine. Il est venu dire sa  misère et surtout son horrible solitude. « Je ne connais absolument personne, je ne supporte plus de n'exister pour personne. »  Le prêtre l'a écouté. L'homme est reparti, peut-être un peu apaisé. Or, le samedi matin, le prêtre reçoit une lettre : « C'est trop tard, je n'en peux plus, vous ne me verrez plus, je vais me supprimer. »

            Le lendemain dimanche, après les messes de la matinée, le prêtre va déjeuner dans une famille amie, Il lit la lettre à ses hôtes. « Comment tu n’es pas allé le voir ? On ne peut attendre : il faut y aller tout de suite. » Les voilà partis tous les trois. Ils ont sonné à la porte : pas de réponse. L'homme était là pourtant. Il a fini par ouvrir, le regard absent, le dos voûté, le pas trainant, muet ou presque. Ses visiteurs  ont apporté le pot au feu prévu pour le repas de midi. L'homme petit à petit a cessé de regarder le sol et la boite de médicaments à côté de son lit. Il a même souri. Il a su qu'il n'était plus tout seul. Les larmes lui en sont venues aux yeux.

            Ce jour-là, ces chrétiens ont ouvert le chemin du Seigneur dans le désert qu'un de leurs frères traversait.

             Roland Chesne, prêtre à Vernonnet (Diocèse d’Evreux)

 

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