benoit xvi benediction

Au moment du départ de Benoit XVI je vous propose ce « coup de cœur » d’une femme jeune, journaliste, Grenobloise, blogueuse et connue sous le pseudonyme « Le petit chose ». Elle découvre « la foi et l’Eglise catholique » !

« Cher Benoît,

Tu m’as bluffée. Plus je lis sur ta renonciation, plus je suis abasourdie. Tu es au sommet… et tu laisses tout. Pour un chapelet et quelques livres. Avec un si beau pied de nez aux médias du monde entier ! Sans rire, annoncer ton renonciation en latin, un jour férié en Italie, lors d’une audience quelque peu confidentielle, en lisant une déclaration en latin, vers midi, c’était osé. Oh ça ne change pas trop des moments forts de ton pontificat. A croire que tu refuses d’entendre que le lundi est un jour de congé pour les prêtres – qui sont débordés le dimanche et qui doivent assurer le service après vente de tes annonces du samedi (souvenir d’une levée d’excommunication). A croire que tu ne veux pas te soucier que toutes les revues hebdomadaires bouclent le mardi midi et que les journaux quotidiens finissent leurs conférences de rédaction vers 10 heures. A croire que tu testais si quelqu’un écoutait réellement ce que tu disais…

Tu auras été mon pape. Et tu le resteras à jamais. Pour Jean-Paul II, je n’avais pas encore la foi. Je n’ai pour l’instant connu que toi. Je n’aurais jamais été proche de toi. Je n’aurais que rarement était en prière en même temps que toi. A vouloir trouver sa voie toute seule, on en oublie ce petit homme en blanc dans sa vieille ville italienne. Pardon, vaticane. Mais tu as façonné ma foi, sans le savoir. Je ne suis qu’un petit chose dont le coeur spirituel a grandi en écoutant tes appels à la lutte contre le capitalisme ; dont la quête religieuse a avancé sur les chemins de Dieu, un pied dans la foi, un pied dans la raison, le cerveau sur les épaules, à quelques centimètres du palpitant. Et c’est un peu ta faute.

Ton élection, je l’ai vécue de loin, dans les contrées anglicanes du Pays de Galles. Sur mon lit aux draps à fleurs – les moins chers – je m’étais installée devant mon ordinateur qui retransmettait une radio quelconque. Toutes parlaient déjà de toi. Un commentateur éminent a alors dit : « On connait Joseph Ratzinger, mais on ne sait pas qui sera Benoît XVI. » Il n’était pas plus convaincu que moi que tu ferais des révolutions. Avant d’ajouter : « N’oublions pas que pour ce poste, unique au monde, parfois, la fonction fait l’homme. » Espérance possible donc, alors que les journaux se déchiraient sur la véracité de ton passé – « nazi », pas « nazi », je découvrais quant à moi le point Godwin avant l’heure.

Ce que je retiens de toi est entièrement lié à mon histoire avec toi. D’autres commentateurs sauront décrypter : l’histoire, l’ecclésiologie, la psychologie, la géopolitique et l’administrationisme de ton passage sur le siège de Saint Pierre.

Durant ces années où tu te baladais en blanc – et parfois en rouge très rouge – ma première épreuve de foi m’a frappée comme un coup de tête bien cadré sur l’arrête du nez. Le genre qui te fait exploser l’ossature, celle-ci se répandant dans ton crâne. Le scandale de la pédophilie dans l’Église américaine, avec ses ramifications mondiales, avait de quoi secouer même les ailes de l’Esprit Saint. Tes hommes avaient fait le pire qui existe sur Terre. A un moment, l’insupportable s’est immiscé dans mes tripes : mais bon Dieu, qu’est-ce que t’as foutu ? mais bon Père, qu’est-ce que tu fous ? Tu as abandonné ton bonnet ridicule, tu as posé tes genoux à terre, tu t’es fait humble devant les victimes, tu t’es fait dur devant les coupables. Là où ton prédécesseur avait fermé les yeux. Oh on ne chasse pas les démons du passé – et du présent – en un coup de balai. Mais sans la volonté de faire le ménage, la poussière n’était pas prête de bouger.

J’ai aimé tes propos hors tempo vis-à-vis des médias, ce côté gauche de ton conservatisme (ha ha). A l’heure du média roi, tu t’es presque fait anarchiste. Et la journaliste que je suis a pesté… mais a bien dû reconnaître que tu avais compris l’essentiel : en sortant des cases, tu te jouais d’elles. Peut-être aurais-je aimé louer le timing adéquat et la mise en scène parfaite d’un pape qui aurait fait briller les yeux des non croyants. Quel star ce pape, auraient-ils murmuré (ils ne l’auraient jamais dit trop fort). Mais tu as préféré un chemin que j’adore : celui du poil à gratter. Ça démange, ça dérange, ça titille… ça fait avancer les choses. Un adepte du dialogue interreligieux m’avait dit un jour : « Il y a eu le discours de Ratisbonne. Et un scandale a éclaté. Les unes des médias ont explosé. Mais quelques mois plus tard, les 138 et quelques imams et leaders musulmans du monde entier qui foulaient les pierres de la Cité vaticane n’ont pas affolé les flashs et les caméras… Pourtant, c’était la première fois qu’une telle rencontre avait lieu. » Pas assez de sang sur les murs du plus petit Etat du monde pour exciter mes confrères.

L’encre a coulé quand tu as parlé de préservatif. Combien se rappellent aujourd’hui que tu es le premier pape à avoir utilisé le mot ? Combien se souviennent de tes Lumières du monde, la seule fois où un homme de ton rang dans l’Église a justifié l’utilisation de cet objet ? J’ai toujours compris ton raisonnement derrière, bien plus complexe que « la capote c’est mal ». J’ai toujours triché avec ce raisonnement sans arriver à le confesser j’avoue.

Pendant huit ans, tu as évité avec brio d’affronter la politique interne de l’Église. Qui suis-je pour juger, moi qui ai toujours détesté les tactiques techniciennes et les potins de pouvoir ? Je mets ça sur la to-do-list du futur toi.

Tu pars donc. Pas trop loin certes. Et je ne peux m’empêcher de penser que tu t’effaces au moment où l’Église accueille discrètement une petite nouvelle. Elle se cache encore derrière les poteaux de la nef, elle se fait discrète, elle n’est pas encore sûre de savoir si elle est au bon endroit. Pendant ces années où tu luttais pour te convaincre que tu étais vraiment pape, elle luttait pour se convaincre qu’elle n’était pas catholique. Et cette petite sœur chère à mon cœur se met à me poser des questions sur l’Église le jour où tu redeviens un fidèle parmi les autres. Malgré nos liens du sang, nous n’aurons pas le même Saint Père. Mais t’inquiètes pas, je lui raconterai toutes les colères que tu as provoquées, toutes les passions que tu as fait naître, tous les débats que tes propos ont amenés.

A Dieu Benoît. Rebonjour Joseph »

 

Lien à la Source

 

Retour à l'accueil