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Le Service pour les relations avec l'islam (SRI) tiendra sa prochaine session de formation à l'islam du 4 au 11 juillet à Issy-les-Moulineaux. Une invitation à « Connaître et rencontrer les musulmans » et à dépasser les peurs réciproques. Interview du P. Christophe Roucou, directeur du Service pour les relations avec l'islam.

A qui s'adresse la session que vous proposez chaque année au début de l'été ?

Cette session de formation proposée par le Service pour les relations avec l'islam réunit des
prêtres, des laïcs, des séminaristes et des religieuses venus de toute la France. Elle est ouverte aussi aux jeunes femmes chrétiennes, épouses de musulmans, qui veulent découvrir la tradition de leur mari.
L'édition 2010 est intitulée "Connaître et rencontrer les musulmans". Elle se décompose en deux temps. Le matin, les cours abordent les différents aspects de l'islam : son histoire, ses
dogmes, son droit, sa morale... L'après-midi propose d'abord des échanges d'expériences, puis un temps d'apport sur les enjeux spirituels, pastoraux et théologiques de la rencontre entre chrétiens et musulmans. Enfin, le soir, des rencontres de personnes engagées dans le dialogue islamo-chrétien : couples mixtes, prêtres Fidei Donum. Nous serons aussi accueillis à la mosquée Ad da'wa, à Paris.

Pourquoi avoir choisi le thème de la connaissance et de la rencontre ?

La session a pour ambition de donner à découvrir l'islam tel qu'il est et non pas tel qu'il peut être perçu et présenté par les médias, notamment télévisés.
Dans le contexte actuel, l'islam a une image négative. Il est abordé à partir de clichés ou de points qui touchent une minorité. La question du voile intégrale existe mais de là à ce qu'elle occupe la société française pendant plus d'un an... Tant qu'on ne connaît pas soi-même des musulmans, on ne dispose que des idées véhiculées par les différents médias qui poussent souvent à la caricature. Toutes les femmes musulmanes ne portent pas le voile, tous les musulmans ne sont pas polygames.
Dans ce contexte, les catholiques doivent favoriser la rencontre avec les musulmans. Nos différences de foi et de doctrine ne doivent pas nous empêcher de nous parler et de nous entendre. Apprenons à nous connaître et à nous rencontrer. Il faut dépasser la peur.
De nombreuses initiatives pour les relations chrétiens-musulmans existent partout en France. Pour progresser, il nous faudrait construire des actions communes avec les musulmans. Cette nouvelle étape est plus compliquée car, s'ils se disent citoyens français, certains de nos amis musulmans ont du mal à prendre de la distance par rapport à leur pays d'origine. Par exemple, pourquoi des « sans papiers » occupent-ils des églises plutôt que des mosquées ? Des responsables musulmans me répondent que cela renforcerait l'idée qu'ils ne sont pas de bons citoyens et poussent les personnes vers l'illégalité.

La session intervient après les nombreux débats et polémiques liés de près ou de loin à l'Islam qui ont agité la société française ces derniers mois... Quel regard portez-vous sur cette situation ?

Les questions du voile intégral ou les débats sur l'identité nationale participent à une stigmatisation des musulmans et peuvent renforcer une islamophobie. On a toujours l'image du musulman étranger, mais la majorité des musulmans vivant en France sont français. Tout ce qui va dans le sens d'une communautarisation du fait des médias mais aussi des musulmans eux-mêmes est inquiétant.
Un besoin identitaire se fait sentir, il faut en tenir compte. Mais ce besoin identitaire ne doit pas nous séparer davantage. La laïcité nous donne la chance de vivre ensemble sans être d'abord identifiés par notre religion.
Concernant le niqab («burqa » dans les medias), tous les responsables religieux disent qu' il s'agit d'une minorité de musulmans qui interprètent ainsi l'islam et décident, par provocation, de se mettre à l'écart de la société. Le problème tient à l'amalgame qui a été fait avec l'islam. En pointant le projecteur sur eux, on leur rend service.

Nourrissez-vous des craintes ?

Depuis des mois, certains médias ou certains politiques ne cherchent qu'à attiser la peur chez nos concitoyens, et parmi eux nous constatons que des catholiques sont touchés. Dans cette atmosphère, il est très difficile de dépasser les peurs et d'établir d'autres relations. On sent une montée du racisme et un certain rejet de l'islam dans la société française. Les musulmans modérés se trouvent dans une situation difficile. Nous avons intérêt à encourager les démocrates et les personnes ouvertes.
A la mi-septembre, en même temps que la fête de fin du Ramadhan, il y aura le vote de la loi sur le port du voile intégral. Mais le 8 septembre sortira sur les écrans le film « Des hommes et des dieux », primé à Cannes, film qui évoque le chemin des frères de Tibhirine qui servaient dans un même mouvement Dieu et le peuple algérien au milieu duquel ils vivaient. Deux événements, deux réactions bien différentes : l'esprit de Tibhirine est aussi remis entre les mains des chrétiens de France !
 


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