benoit xvi benediction

Sous le titre « Un temps pour les chrétiens pour s’engager dans le monde », Benoît XVI a publié, jeudi 20 décembre, une tribune dans le grand quotidien économique britannique.

En voici la traduction.

« Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » fut la réponse de Jésusquand on l’interrogeait sur le paiement des impôts. Ceux qui l’interrogeaient, bien sûr, essayaient de lui tendre un piège. Ils voulaient le forcer à prendre parti dans le débat hautement politique à propos de la domination romaine de la terre d’Israël. Mais il y avait ici encore plus en jeu : si Jésusétait vraiment le Messie, alors il se serait certainement opposé aux maîtres romains. Aussi la question était-elle calculée pour l’exposer autant comme une menace pour le régime que comme un fraudeur.

La réponse de Jésus déplace habilement l’argument sur un plan supérieur, mettant subtilement en garde à la fois contre la politisation de la religion et la déification du pouvoir temporel, que contre la poursuite incessante de la richesse. Son auditoire avait besoin de se faire rappeler que le Messie n’était pas César, et que César n’était pas Dieu. Le royaume que Jésus était venu établir était d’un ordre radicalement supérieur. Comme il l’a dit à Pilate : « Mon Royaume n’est pas de ce monde ».

Les récits de Noëldans le Nouveau Testament sont destinés à transmettre un message similaire. Jésus est né au cours d’un « recensement de toute la terre » ordonné par César Auguste, l’empereur reconnu pour avoir amené la Pax Romana à toutes les terres sous domination romaine. Pourtant, cet enfant, né dans un coin obscur et lointain de l’Empire, allait offrir au monde une paix beaucoup plus grande, d’une portée vraiment universelle et transcendant toutes les limites de l’espace et du temps.

Jésus nous est présenté comme l’héritier du roi David, mais la libération qu’il a apportée à son peuple n’a pas consisté à tenir à l’écart des armées hostiles ; il s’agissait de vaincre pour toujours le péché et la mort.

La naissance du Christ nous pousse à réviser nos priorités, nos valeurs, notre mode de vie. Alors que Noëlest sans aucun doute un moment de grande joie, c’est aussi l’occasion de réflexion en profondeur, et même d’un examen de conscience. À la fin d’une année qui s’est traduite par des difficultés économiques pour beaucoup, que pouvons-nous apprendre de l’humilité, de la pauvreté, de la simplicité de la crèche ?

Noël peut être le moment d’apprendre à lire l’Évangile, d’apprendre à connaître Jésus non seulement comme l’enfant de la crèche, mais aussi comme celui en qui nous reconnaissons Dieu fait Homme. C’est dans l’Évangile que les chrétiens trouvent l’inspiration pour leur vie quotidienne et leur engagement dans les affaires du monde – que ce soit dans les Chambres du Parlement ou à la Bourse. Les chrétiens ne devraient pas fuir le monde, ils devraient s’engager avec lui. Mais leur engagement dans la politique et l’économie devrait transcender toute forme d’idéologie.

Le combat des chrétiens contre la pauvreté vient d’une reconnaissance de la suprême dignité de tout être humain, créé à l’image de Dieu et destiné à la vie éternelle. Leur travail pour un partage plus équitable des ressources de la terre vient d’une croyance que – comme gardiens de la création de Dieu – nous avons le devoir de prendre soin des plus faibles et les plus vulnérables. L’opposition des chrétiens à la cupidité et à l’exploitation vient d’une conviction que la générosité et l’amour désintéressé, tel qu’enseigné et vécu par Jésus de Nazareth, sont le chemin qui mène à la plénitude de vie. La croyance chrétienne en la destinée transcendante de chaque être humain révèle l’urgence de la tâche de promouvoir la paix et la justice pour tous.

Parce que ces objectifs sont partagés par beaucoup, une coopération plus fructueuse est possible entre les chrétiens et les autres. Toutefois, les chrétiens rendent à César seulement ce qui appartient seulement, non pas ce qui appartient à Dieu. Les chrétiens n’ont parfois pas été en mesure, à travers l’histoire, de se conformer aux exigences formulées par César. Du culte de l’empereur de la Rome antique aux régimes totalitaires du siècle dernier, César a essayé de prendre la place de Dieu. Quand les chrétiens refusent de se prosterner devant les faux dieux proposés aujourd’hui, ce n’est pas à cause d’une vision du monde archaïque. Au contraire, c’est parce qu’ils sont libres des contraintes de l’idéologie et inspirés par cette vision noble de la destinée humaine qu’ils ne peuvent se rendre complices avec rien de ce qui la mine.

En Italie, de nombreuses crèches sont installées avec les ruines d’anciens édifices romains comme décor. Cela montre que la naissance de l’enfant Jésus marque la fin de l’ordre ancien, le monde païen, où les demandes de César étaient pratiquement incontestées. Il y a maintenant un nouveau roi, dont le pouvoir ne repose pas sur la force des armes, mais sur la puissance de l’amour.

Il apporte l’espérance à tous ceux qui, comme lui, vivent en marge de la société. Il apporte l’espérance à tous ceux qui sont vulnérables aux aléas d’un monde précaire. Depuis la crèche, le Christ nous appelle à vivre comme des citoyens de son royaume céleste, un royaume que toutes les personnes de bonne volonté peuvent aider à construire ici sur la terre. »

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