« Vous êtes du sel de terre », Homélie du dimanche 9 février 2014
08 févr. 2014
Il y aura bientôt des élections municipales et ensuite des élections pour le Parlement européen. La première lecture de ce dimanche, tirée du prophète Isaïe – 400 à 600 ans avant Jésus Christ ! - est certainement l'un des textes les plus percutants de l'Ancien Testament. Ce pourrait être un excellent programme à suggérer aux candidats, sans nous dispenser de l’appliquer nous-mêmes ! De plus, il bouscule peut-être nos idées sur Dieu et sur la religion. En tout cas, nous avons là la réponse à l'une de nos grandes questions: ‘’Qu'est-ce que Dieu attend de nous ?’’. Et, en fait de réponse, on ne peut pas être plus clair ! En quelques lignes, tout est dit. ‘’Partage ton pain avec celui qui a faim, recueille chez toi le malheureux sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement, ne te dérobe pas à ton semblable ‘’.
Dieu ne nous demande pas d'abord de faire de grands pèlerinages, de chanter de beaux cantiques, de faire de belles prières, - bien qu’il n’ait sûrement rien contre .... Mais à ses yeux, tout geste qui vise à libérer nos frères, à leur rendre toute leur dignité, à respecter le plus petit, vaut mieux que le jeûne le plus courageux. À bon entendeur, salut ! ou, comme dit Mathieu (13/9) Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende’’,
Venons-en à l’évangile pour tenter de dissiper un malentendu, au sens premier du terme. Le sel de la terre – on devrait dire, le sel de terre – c’est le sel gemme, extrait du sol, dans les mines de sel précisément, alors que le sel marin vient de la mer par évaporation, comme à Guérande par exemple. Le symbole est que les disciples du Christ sont issus de la terre, des ‘’terreux’’, des gens dans le monde, pas des extra-terrestres évaporés.
Vous êtes du sel de terre. En lui-même, le sel n’est pas bon. En grande quantité, il rend la terre stérile, la Mer Morte en est un exemple spectaculaire.
Dans la Palestine du premier siècle, le paysan qui voulait augmenter le rendement de sa terre mélangeait du sel au fumier pour engraisser la terre, en quantité raisonnable : trop de sel, et rien ne poussait; pas assez de sel, et aucune amélioration. Il fallait trouver la juste dose. Doser en homme sage, en cultivateur avisé. Sel de terre, sel de la sagesse.
Le sel n'est pas bon en lui-même, donc, mais il rend savoureux ce qu'il assaisonne. Beaucoup trop de gens trouvent que leur vie est fade. Je pense notamment aux personnes âgées qui n’ont plus d’avenir ou qui sont seules des journées entières. Mais comme disait le serpent au Petit Prince, perdu dans le désert, ‘’On est seul aussi chez les hommes’’. À nous de proposer à tous ceux et celles qui se sentent seuls au milieu du désert de leur vie, le sel de notre présence fraternelle, de notre parole apaisante, de notre écoute attentive, de notre amitié respectueuse. Demandez aux ‘’petits frères des Pauvres’’ comment ils s’y prennent. Beaucoup de nos frères en humanité attendent l'humble sel de notre existence pour retrouver le goût de vivre, le goût de croire, le goût d’aimer.
Il ne faut pas non plus que nous nous prenions pour des lumières. Il ne s'agit pas de se faire voir, de briller aux yeux des autres. La lumière n'attire pas le regard sur elle, mais sur ce qu'elle éclaire et illumine. Nous sommes chargés par le Christ de mettre en lumière tout ce qu'il y a de beau, de bon, de vrai en tout être humain.
L'actualité n’est pas faite que de ce que nous font voir les journaux télévisés. Elle ne regorge pas que de sang, de larmes et de haine. Des peuples se libèrent de l’oppression, ‘’des ennemis se parlent et font ensemble un bout du chemin’’ (prière eucharistique pour la réconciliation (2). Partout des femmes, des hommes luttent pour faire passer un peu de lumière dans les obscurités apparemment les plus profondes. Toutes celles et tous ceux qui font preuve d’amour, de générosité, de compassion sont dans le cœur de Dieu qui est la source d’une vie pleine de lumière. Etre lumière pour ce monde, c'est, à la suite de Jésus, faire voir que l’Esprit travaille au cœur des hommes (prière eucharistique pour la réconciliation (2), faire naître les lueurs de l’aurore, de l’Espérance au cœur de la nuit.
Nous sommes des ‘’terreux’’ qui croient au Ciel, nous pouvons donner du goût à la vie de nos compagnons de route, nous pouvons faire éclore la lumière dans l’obscurité de vies sans espoir.
Seigneur, donne-nous le goût et la force d’aimer et de Te faire aimer.
Roland Chesne, prêtre à Vernonnet, Diocèse d’Evreux