Homelie du dimanche 23 avril 2017
22 avr. 2017Deuxième dimanche de Pâques – A – 23 avril 2017 Actes 2, 42-47 ; Psaume 117 ; 1 Pierre 1, 3-9 ; Jean 20, 19-31
“Moi, je suis comme Thomas, je ne crois qu’à ce que je vois”.
La phrase est passée dans le langage courant. Ça veut dire que beaucoup se reconnaissent dans ce Thomas hésitant. Moi, j’aime bien tous ceux qui doutent avec sincérité. Car ils ne sont pas indifférents, ils mettent toute leur honnêteté, leur intelligence et parfois leur grande culture dans la réflexion, et ils ne voient pas le moyen de croire. Mais ils donneraient quelquefois des leçons à des croyants qui n’ont guère réfléchi. En réalité, Thomas est aussi un bel exemple de croyant. Car la foi n’est jamais aussi solide que lorsqu’elle a surmonté le doute.
Il n’y a pas de foi chrétienne qui ne passe par l’hésitation. Avoir la foi, c’est avoir assez de lumière pour porter ses doutes. Thomas veut voir pour croire ! Voir pour croire ! Avez-vous réalisé qu’il est tout aussi vrai de dire : il faut croire pour voir.
Car on peut, grâce à la foi, apercevoir ce qui est invisible au premier abord. Et c’est par ce chemin que la confiance peut devenir plus forte que les doutes. “Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas !” Pourquoi une telle insistance ?
Peut-être parce que Jean écrit son Évangile vers la fin du 1er siècle. Une époque où beaucoup sont déjà tentés de regarder vers un Christ désincarné en oubliant qu’il a vécu un quotidien bien concret, qu’on l’a arrêté, qu’on l’a jugé et exécuté.
C’est peut-être pour ça que Jean a choisi un tel réalisme presque insoutenable, pour asséner que le Fils de Dieu a “pris chair” fragile, qu’il a été affronté aux ténèbres de la vie et qu’il continue de venir vers nous en nous montrant les plaies de ceux qui donnent leur vie pour que naisse et grandisse la véritable humanité. Les premiers disciples ont cru en la Résurrection parce qu’ils ont rencontré vivant celui qui était mort. Nous sommes invités à la même expérience.
Alors où trouver aujourd’hui les signes qui nous permettront d’être témoins de la résurrection ? Je vous propose trois chemins :
1 – Une absence qui est présence. Jésus n’est plus là. Le tombeau vide dit que le Ressuscité ne se laisse enfermer ni dans nos églises, ni dans nos textes, même les plus officiels. Il ne se laisse accaparer par personne. Il est absent, ça veut dire qu’il est présent autrement : depuis le matin de Pâques, il est en route, tellement plongé dans l’humanité qu’on peut le prendre pour un jardinier ou un inconnu. Présence discrète, mais efficace, cette présence qui, depuis 2000 ans, agit en tous ceux-là dont l’engagement a permis qu’on ne désespère pas de l’humanité ! Quelqu’un disait un jour : “Pas facile de croire à la résurrection avec tout ce qu’on voit de négatif dans le monde. - Mais c’est l’inverse, s’écria un autre, sans la résurrection comment expliquer l’ardeur des témoins ? Et que tel timide devienne audacieux, et que celui qui a toutes raisons de se plaindre affiche de la joie ?”
2 – La trace des plaies de Jésus. Les cicatrices de la passion sont restées visibles dans son corps transfiguré : étonnante “marque de re-connaissance.” Thomas a pu les toucher, et nous aussi puisqu’elles continuent d’exister : nous les apercevons dans le corps souffrant de l’humanité. Elles sont les signes que la Passion du Fils de l’Homme n’est toujours pas achevée.
3 – Les témoins envoyés. Chaque apparition du Christ se termine par un envoi : “Allez annoncer ! – De toutes les nations faites des disciples ! – Comme mon Père m’a envoyé, à mon tour je vous envoie !” C’est bien dans la résurrection du Christ que la mission prend sa source. L’envoi est le signe que rien n’est fini. Jésus est vivant. Ce sont ses disciples qui sont enterrés, verrouillés à double tour, paralysés par la peur. La Bonne Nouvelle du Dieu Père qui aime doit être annoncée.
Cette mission naît du baptême. Louis Rétif disait : “Nous ne sommes pas baptisés pour être sauvés mais pour devenir des sauveurs.”
Et Véronique Margron, en parlant elle-aussi du jour du baptême : “On entre dans l’église enfants de Dieu, on en sort prêtres, prophètes et rois.” Si tout ça vous semble compliqué, je vous propose de vous laisser porter par la foi de la petite Lucile. Un adulte lui dit : “Je te donne un florin si tu me dis où Dieu habite”. Elle répond : “Moi je t’en donne deux si tu me dis où il n’habite pas.”