Fête de Saint Pierre et Saint Paul – 29 juin 2014

Actes 12, 1-11 ; Psaume 33 ; 2 Timothée 4, 6-18 ; Matthieu 16, 13-19

Pierre n’est pas seulement un porteur de clés, il n’est pas seulement un concierge de paradis, il est d’abord un homme clé. Il est lui-même une clé. Dans la première lecture, il a même vu des portes s’ouvrir toutes seules devant lui, sans avoir à sortir un trousseau : l’ange et lui, « franchirent un premier poste de garde, puis un second, et parvinrent à la porte de fer qui donne sur la ville. D’elle-même, elle s’ouvrit devant eux ». Dans l’Évangile, il va recevoir les Clés du Royaume. Pourquoi lui ? Sans doute parce qu’il est celui qui a su voir plus que le visible en Jésus. Les autres ont cherché des réponses dans le passé. Ils ont fait de l’étiquetage. Qui est le Fils de l’homme ? C’est Jean-Baptiste ou bien Elie, ou bien Jérémie. Ils ont fait de l’étiquetage, du classement. Et quand une affaire est classée ! Lui, Pierre, voit le présent et l’avenir. Il voit l’invisible, le possible, le mystère de la personne. Il a le regard du respect, celui qui envisage au lieu de dévisager. Beaucoup veulent voir pour croire. Ici, c’est parce qu’il croit que Pierre voit plus loin. “Heureux es-tu” de voir l’invisible, dit Jésus. Avec des gars comme toi, l’Eglise ne craint rien.

Pas besoin de s’appeler Pierre pour être capable de ce regard ? Je repense à ce garçon de la campagne qui commençait l’école au temps où on labourait avec les bœufs ou les chevaux. Le petit fut longtemps seul dans son coin, ne disant pas un mot, jusqu’au moment où quelqu’un se mit à croire qu’il y avait en lui du possible à rejoindre. Après plusieurs essais, ce fut la bonne question : “Ton papa, il a un tracteur ?” Tilt. Le visage s’éclaire. Le mot clé a été trouvé. Le voilà reconnu. Il peut alors rencontrer, ouvrir un peu de son mystère. Je me souviens aussi cette famille où il y avait une grande fille handicapée. Un voisin racontait : “On n’osait pas aller chez vous.” Il n’avait pas trouvé la clé pour y aller. “Et puis on a compris ce que c’était pour vous que la vie avec tous vos enfants.” En fait, le plus souvent, la clé c’est quelqu’un : “J’était seule. Cécile m’a introduite dans un club. Maintenant, j’ai d’autre amis et je vis mieux.” Ils avaient été une clé les uns pour les autres. Tous on a vocation à être des clés, c’est à dire des médiateurs de la confiance et du respect.

Pierre croit. Il a confiance. Alors il devient celui contre qui la mort ne pourra rien. Il a les clés de la rencontre avec Jésus qui lui donne un nouveau nom et lui confie l’Eglise : “Tu es Pierre et sur cette Pierre, je bâtirai mon Église ; et la puissance de la mort ne l’emportera pas sur elle.” Son nouveau nom est très étonnant : la pierre, le rocher, c’est le nom que le peuple hébreu réservait à Dieu et aussi un des titres qu’on réservera au Messie, la pierre angulaire, rejetée par les hommes, mais choisie par Dieu. En lui confiant l’Eglise Jésus laisse clairement entendre qu’elle sera le rassemblement de gens contre qui la mort elle-même ne peut rien.

Aujourd’hui, c’est la fête de Pierre mais aussi celle de Paul, deux hommes aussi différents qu’on peut l’être. Tout semblait même les opposer :

- Pierre est un simple pêcheur, généreux et simple. Paul un intellectuel, passionné et audacieux.

- Pierre est rural. Paul citadin, citoyen romain de naissance.

- Pierre est un poltron qui se soigne. Paul un orgueilleux qui se corrige.

- Pierre est marié. Paul est célibataire ou peut-être séparé de sa femme.

- Leurs routes se croisent peu : Pierre est à Jérusalem et à Rome ; Paul parcourt en tout sens le nord-est du bassin méditerranéen. Leurs rencontres sont rares et à chaque fois ils sont en conflit.

- Pierre s’est spontanément porté vers les juifs devenus chrétiens et a organisé les premières communautés. Paul, lui, est devenu “par ordre du Seigneur” évangélisateur des païens. Tous les deux ont un grand amour pour le Christ. Pierre grandira, avec des hésitations et même un reniement, avant de craquer totalement : “Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime” (Jean 21, 17). Paul sera retourné sur son fameux chemin de Damas. Tous deux ont eu un regard qui voit l’invisible. Tous deux ont été de ceux qui osent, comme l’écrivait Luc Stein : “Il est grand temps de se rendre compte que le Royaume de Dieu est donné à ceux qui osent faire de chaque jour un nouveau temps de semailles, à ceux qui osent croire que l’amour est le seul défi qui en vaille vraiment la peine…”

Au fait, les professionnels du bâtiment, quand il parlent des fenêtres et aussi des portes, il disent : les ouvertures. Et si nos clés étaient des clés, non pas de portes, mais d’ouvertures !

Robert TIREAU, Prêtre du Diocèse de Rennes

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