Homélie du dimanche 1er février 2015 : « Viens chasser nos peurs »
31 janv. 2015Ils furent tous tellement saisis qu'ils se demandaient les uns aux autres : qu'est-ce que cela veut dire ?
Chers amis, aujourd'hui laissons-nous aussi saisir par le Christ et par la force de son amour qui vient libérer l'homme du tourment qui l'habite et qui l'enferme. Il nous arrive nous-mêmes d'être confrontés au surgissement du mal en nous ou dans la vie de nos frères. En effet, qui d'entre nous n'a pas ressenti dramatiquement, au plus profond de lui-même, cette sorte d'énigme que constitue le mal lorsqu'il s'empare d'un autre, à fortiori de nous-mêmes ? Le mal, lorsqu'il surgit avec cette sorte de brutalité dans notre vie, nous tient stupéfaits et résiste à toutes les tentatives d'explication que nous pouvons élaborer.
Dans le récit de ce jour, le mal s'impose là où on ne l'attendait pas. On était bien entre soi dans la synagogue. Jésus adressait son message de Bonne Nouvelle et son appel à se tourner vers Dieu qui n 'est qu'amour et pardon. Et voici que soudain, un homme tourmenté par un esprit mauvais se met à crier.
Un homme tourmenté... son cri vient peut-être nous rejoindre dans notre propre souffrance intérieure ; ce déchirement qui faisait dire à l'apôtre Paul : Le mal que je ne voudrais pas faire, je le fais ; le bien que j'aimerais faire je ne le fais pas.
Oui, nous le connaissons bien cet être humain qui ne trouve plus de paix en lui-même tant il est dominé par les réalités obscures qui l'habitent. Il est comme déchiré entre cette partie profonde de lui-même qui ne demande qu'à être aimée et cet esprit mauvais qui le domine et l'isole. Je pense à cet homme qui, dans sa cellule, faisait cette remarque : « Dans le fond, moi j'ai deux prisons : la première c 'est ma cellule avec la porte blindée et les barreaux aux fenêtres. Mais la deuxième, c'est la plus dure, c'est la haine que j'ai en moi. Comment je vais pouvoir m'en sortir ? »
Voilà ce qu'il faut entendre derrière les cris de l'homme tourmenté. Il crie parce que, dans son désordre intérieur, il n'est plus capable d'une parole qui ouvre à un échange avec l'autre.
Il crie et c'est l'appel de l'homme perdu qui, en Jésus, vient rejoindre dans le cœur de Dieu qui n'a qu'une passion : celle de l'homme sauvé, remis debout et libre pour aimer.
« Es-tu venu pour nous perdre ? »
Dans ce combat, il faudra bien perdre quelque chose. Je pense à toutes ces puissances qui gouvernent le monde. Amour de l'argent, culte de notre propre image, jalousie en face du bien que l'on voit chez un autre, culte du succès, course à la première place. Nous n'en finirons pas de dresser la liste des démons qui nous habitent. « Es-tu venu pour nous perdre ? » demande l'esprit mauvais. Remarquons le « nous ». Les esprits mauvais sont légions dira Saint Marc.
Mais oui ! Jésus est bien venu pour les perdre. Dès son départ de Nazareth, nous le voyons renoncer à la puissance qui lui permettrait de dominer le monde. Sa seule puissance, c'est celle de l'amour. Il n'a d'autre autorité que celle de sa vie donnée. C'est pour cela qu'il refuse la note de toute-puissance qu'évoque l'expression de l'homme tourmenté : « Tu es le Saint, le saint de Dieu. »
« Silence ! » dit-il. Et c'est désormais dans ce silence que cet homme jadis tourmenté va renaitre à la paix intérieure.
« Silence ! » Qu'est-ce que le Seigneur nous invite à faire taire en nous ?
Viens faire taire en nous Seigneur tout ce qui nous tourmente.
Viens chasser nos peurs. Donne-nous ta paix.
Cette semaine nous avons célébré le 70ème anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz. Comment ne pas évoquer Etty Hillesum et cette parole qu'elle adresse à Dieu : Il m'apparait de plus en plus clairement mon Dieu que tu ne peux pas nous aider, mais, que c'est à nous de t'aider et de défendre jusqu'au bout la demeure qui t'abrite en nous.
Louis DURET, Prêtre du Diocèse de Chambéry (Savoie)