Homélie du Dimanche 1er mars 2015

Genèse 22, 1 … 18 ; Psaume 115 ; Romains 8, 31-34 ; Marc 9, 2-10

1ère lecture : De tous temps les hommes ont cherché à se concilier la bienveillance des divinités en offrant des sacrifices, jusqu’à des enfants dans des cultes cananéens. Abraham supposait que son Dieu était comme ça et, pour le satisfaire, il allait lui sacrifier ce qu’il avait de plus cher. Et Dieu préserve Isaac : il n’est pas Dieu de mort, mais de vie. Les rites sacrificiels, il n’en veut pas : Le sang des taureaux,… et des boucs je n’en veux plus. Apprenez à faire le bien,… faites droit à l’orphelin, prenez la défense de la veuve” (Isaïe 1, 11 et 17).

Évangile de la Transfiguration : Jésus a emmené trois amis sur le mont Thabor, ceux qui seront témoins plus tard de sa défiguration. Une heure de rude grimpée. On imagine Jésus en sueur, fatigué. Et voici que son humanité fragile s’éclaire d’une façon éblouissante, en présence d’Elie et de Moïse qui avaient été, eux-aussi, en leur temps, persécutés par leurs contemporains. La nuée aussi est là, qui disait la présence de Dieu pendant l’Exode, et puis une voix : “Celui-ci est mon Fils, le bien-aimé. Écoutez-le !” Transparence divine à travers le corps fatigué de Jésus. Une vision qui va aider les disciples à garder l’espérance. Jésus leur demande de ne pas en parler trop vite. Il sait combien nous pouvons nous laisser prendre aux pièges de l’apparence. Il sait ce qu’est la défiguration de l’homme. Lui-même passera par les humiliations et la mort. Nous aussi, nous ne voyons que trop l’homme défiguré : celui qui n’a plus rien, celui qui détruit sa santé par l’alcool et la drogue, celui qui voudrait tant exister et qui ne trouve ni oreille, ni regard. Et ce visage angoissé et fatigué, il est le nôtre si nous ne rencontrons pas des gens qui nous reconnaissent et nous aiment lorsque la maladie ou les conditions de vie nous épuisent.

A travers Jésus transfiguré, Dieu dit que la défiguration de l’homme n’est pas son état normal, ni son état fatal : nous ne sommes pas nés pour le trou noir de la tombe. “Nous avons été rendus participants de la nature divine”, dira saint St Pierre. Tout ce qui en nous est chair fragile doit devenir lumière. Nous sommes “Capax Dei”, dit Bernard Feillet. Dieu met en nous son amour pour que nous sachions aider sans humilier, combattre sans haïr, nous redresser quand nous sommes abattus. Si nous pouvons faire la fête, c’est parce que notre espérance tient malgré tout. La foi chrétienne n’est pas potion magique. Elle est accueil du don de Dieu qu’est Jésus. La transfiguration de Jésus entre dans notre mémoire qui, comme un semis, conserve les semences enfouies. Elle nous parle du bourgeon dont la promesse s’annonce. Elle est l’un de ces éclairs d’avenir qui déchirent les ténèbres de l’Histoire. Jésus s’est dressé contre tout ce qui écrasait les hommes. Les pouvoirs en place se sont ligués contre lui. Sa transfiguration est une éclaircie. Sa passion va suivre, implacable. Mais en descendant de la montagne il parle à ses disciples de sa résurrection. Et eux “se demandaient ce que voulait dire ressusciter”. Nous, nous ne savons pas trop ce que sera ressusciter. Mais nous croyons que les artisans de paix et les assoiffés de justice accueilleront de Dieu toutes les résurrections et les feront jaillir de leurs mains.

Pierre souhaite que ce moment dure le plus possible : “Dressons donc trois tentes”. On voudrait bien mettre la main sur Jésus et le garder. Mais justement, c’est ça qui n’est pas possible. “Soudain ils ne virent plus que Jésus seul avec eux.” Seulement un homme. La première transfiguration, c’est que Dieu se fait homme. Dieu transfigure à travers l’homme. La seconde transfiguration, c’est que Jésus ressuscite. La Vie désormais transfigure la mort. Les voilà donc retournant à leur quotidien. Jésus vient de leur apprendre que l’homme ne peut pas retenir un instant de sa vie. On est dans le temps de l’humain. Il faut redescendre de la montagne. Il faut y monter pour prier mais pas y rester. L’invisible est bien là mais au travers deSignes. C’est le temps du Sacrement. Le Père Saint-Macary disait : “Symboliquement, le Christ nous revêt d’un habit neuf, il nous fait émerger de l’eau du baptême pleins de vitalité, il nous donne sa lumière, il nous offre un pain pour nous réconforter, il nous fait prier, manger, faire la fête ensemble. Mais tout se passe dans le secret de notre cœur où nous accueillons ses paroles et où nous risquons nos existences dans un amour des autres reçus comme des frères. Pour chacun qui recevra le Corps du Christ dans un instant, ce sera selon son cœur. Mais je pense à ceux qui donneront l’eucharistie. Eux, ils peuvent déjà habiter leur don d’un visage transfiguré. Et ce brin de fraternité ouvrira la porte encore plus grande à la présence du ressuscité qui veut se donner à chacun pour le transfigurer.”

Robert Tireau, Prêtre du Diocèse de Rennes

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