« Suivre Jésus Pauvre », par Michel BESSE, prêtre et volontaire d’ATD Quart Monde à Bangui

Michel Besse a 50 ans. Il est prêtre, volontaire d’ATD Quart Monde à Bangui (République Centrafricaine) et « relié » à notre équipe Mission de France d’Evreux. Ce témoignage a été donné le dimanche 20 février 2016 lors d’une rencontre chez les Petites Sœurs de Saint François d’Assise de Bangui, en même temps que celui d’une petite sœur Franciscaine Togolaise et celui d’un frère de Charles de Foucauld de Centrafrique.

Jésus Personne Vivante

Jésus est une personne vivante d'aujourd'hui. Une personne agissante. Une personne priante. Il a dans sa façon de nous voir vivre, de faire avec nous nos activités, de prier à nos côtés, une familiarité de tous les jours.

Dans l'évangile selon Jean il dit : « Mon Père travaille, et moi aussi je travaille ». Il dit cela de son Père du Ciel, mais il l'a appris de son père de la terre, dans l'atelier de Nazareth. Il ajoute : « Ce que mon Père m'a enseigné, moi aussi je le partage ». Il a appris de sa mère à ne pas garder pour lui, comme quand elle l'emmenait, dans son ventre, vers chez Elisabeth.

Jésus, dont les évangiles tracent le portrait, est un vivant d'aujourd'hui qui invente des façons de

vivre avec nous, et souvent basées sur la familiarité, le travail, le partage.

Jésus est bien un travailleur, un partageur, un priant, un agissant dans la vie ordinaire.

Jésus Personne Ordinaire

Pour moi, la pauvreté de Jésus c'est qu'il est ordinaire, et non « extra-ordinaire ». Il me semble que pour lui aujourd'hui ce doit être une pauvreté car bien des fois nous l'attendons comme guérisseur, puissant, miraculeux, vengeur, juge, etc.... toutes ces choses qui « sortent de l'ordinaire ». La Pauvreté de Jésus, ce doit être de rester là, avec nous, à nos côtés, et nous qui le cherchons ailleurs, sans le voir.

Comme disait St François bien tristement : « L'amour n'est pas aimé ».

Pour suivre la pauvreté de Jésus, je cherche donc à le trouver dans la vie ordinaire. C'est cela qui m'a porté à revenir à la vie diocésaine, après quelques années dans la vie consacrée en congrégation. Je continue de « vouer » les conseils évangéliques, mais c'est de retour dans l'ordinaire de la vie séculière.

Je suis accueilli par le diocèse de la « Mission de France », qui s'inspire d'une laïque, Mme Madeleine Delbrêl, qui a vécu sa foi en pleine ville incroyante au XXème siècle, et d'un ermite, Fr Charles de Foucauld, qui a vécu sa foi en frère universel dans le désert en dialoguant avec ses amis musulmans. Ce diocèse a recueilli et rassemblé et soutient encore aujourd'hui la forme de vie sacerdotale qu'on appelle les « prêtres-ouvriers ». Ils portent au cœur de l'eucharistie la vie ordinaire de tant de personnes pour qui les religions sont une chose étrangère, mais qui trouvent avec ces missionnaires « ordinaires » des occasions de dialogue. Par ailleurs, l'église de France demande à ces prêtres-ouvriers de réveiller la vie des autres diocèses en les ouvrant au dialogue avec l'incroyance.

Ce choix s'enracine pour moi dans la suite de la pauvreté simple de Jésus : lui qui a choisi d'être ordinairement avec nous, et qui connaît du dedans ce qu'il y a dans le cœur de tant d'hommes et femmes qui l'ignorent.

Détruire la Pauvreté

Un autre choix est celui de mon métier. Je suis aujourd'hui un « travailleur aux relations humaines » : c'est comme cela que le fondateur d'ATD Quart Monde, le Père Joseph Wresinski, décrivait la manière de travailler des volontaires-permanents de ce Mouvement. Unis à des militants (personnes connaissant actuellement ou il y a quelques années la grande pauvreté et l'exclusion sociale), à des amis (personnes qui ne sont pas dans la misère mais veulent que la société regarde autrement la réalité de l'exclusion et la détruise), les volontaires-permanents sont environ 400 dans le monde, et soutiennent les actions de ce Mouvement, pour que la pensée, les savoirs, et les propositions des très-pauvres puisent atteindre le reste de la société. Cela consiste à organiser des actions qui permettent la rencontre et le partage des savoirs entre personnes vivant la misère et d'autres citoyens, mais aussi créer et former avec d'autres instances des outils qui serviront à détruire la pauvreté.

Actuellement en République Centre Africaine, je suis dans l'équipe avec Froukje, avec trois grands chantiers : la « recherche-action sur l'éducation » qui durera deux ans, la formation d'acteurs de citoyenneté, et enfin la création d'un nouveau métier en République Centre Africaine : « médiateur-médiatrice sociale et culturelle ».

Ce choix est fait par le Mouvement. Moi aussi je suis dans ce choix comme volontaire-permanent. Mais comme croyant, comme baptisé, comme prêtre-ouvrier, je trouve dans cette action ma place dans l'atelier de Nazareth. Je suis un apprenti au milieu des apprentis « médiateurs-médiatrices », et cela me remet comme Jésus qui est apprenti de son père terrestre Joseph le charpentier, et apprenti de son Père Céleste qui est le créateur.

Je crois que cela me porte à être un ami ordinaire de Jésus, dont la pauvreté est d'être un vrai-homme ordinaire, et un « Vrai-Dieu ordinaire ».

Le symbole franciscain que j'ai connu depuis mon enfance, dans le couvent des Capucins de ma ville, c'était la croix, avec deux bras crucifiés : l'un, le bras de Jésus ; l'autre, le bras de St François. Je l'ai toujours compris comme « la Croix de Tous les Jours », dont parle l'évangile (« Celui qui veut me suivre... « ). « Tous les Jours », c'est aussi le sens que je donne à la vie « Ordinaire » que cherchent les prêtres-ouvriers. Je confie donc à la prière franciscaine ma vocation de prêtre de la Mission de France, et mon métier de Volontaire-permanent.

Je remercie particulièrement les Petites Sœurs de St François de m'avoir donné cette occasion de partage.

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