La 11ème « Nuit des Veilleurs » aura lieu à l'église Saint Jean-Baptiste de VERNON (Eure) vendredi 24 juin 2016 à 20H3O

« Qu’as-tu fait de ton frère, l’étranger ? »

Le thème que nous proposons à la méditation à l'occasion de la 11me Nuit des Veilleurs de l'Acat (juin 2016) est celui de notre responsabilité, comme chrétiens et comme militants, dans l'accueil de l'étranger qui vient résider dans notre pays... C'est un sujet d'actualité (bien qu'il ne soit pas nouveau), mais ce n'est pas un sujet facile à traiter ! Nous parlons presque chaque jour de ces réfugiés qui ont fui leur pays dans des circonstances dramatiques, le plus souvent au péril de leur vie.

Nous parlons aussi beaucoup de ces « étrangers » qui se sont installés dans notre pays pour toutes sortes de raisons, économiques, politiques, familiales, etc., ces raisons que nous jugeons souvent un peu rapidement bonnes ou mauvaises. Notre attitude n'est pas toujours exemplaire dans ce domaine...

Nous parlons aussi beaucoup de ces hommes et de ces femmes qui ont une autre religion et qui vivent dans notre pays, et ce débat est loin d'être apaisé. Il est parfois même très virulent à l'égard de ceux que l'on continue de regarder comme des « étrangers », bien que la plupart d'entre eux soient français... Enfin, nous parlons d'autant plus des « immigrés », si des événements dramatiques se produisent comme les attentats de ces derniers mois dans plusieurs pays du monde.

Quand nous ouvrons la Bible, nous observons que les mouvements migratoires ont marqué le peuple de Dieu tout au long de son histoire. Commençons par méditer ce passage du Lévitique (19, 33-34) qui affirme implicitement le droit que possède l'étranger de s'installer dans un pays qui n'est pas le sien.

« Quand un émigré viendra s'installer chez toi, dans votre pays, vous ne l'exploiterez pas cet émigré installé chez vous, vous le traiterez comme un indigène, comme l'un de vous ; tu l'aimeras comme toi-même ; car vous avez été des émigrés dans le pays d’Egypte. »

Les migrations sont dans leur principe un phénomène naturel et un droit. Dieu a fait la terre pour tout homme et pour tous les hommes.

Le commandement prescrit d'abord le respect dû à tout homme. La condition d'immigré fragilise, elle ne doit pas conduire à l'asservissement. Dieu met ainsi en garde son peuple contre une tentation si répandue. Ceci rappelé, aussitôt, ce commandement élémentaire et purement négatif se mue en commandement d'amour et en une affirmation des droits de l'émigré. L'émigré devient figure du prochain qu'il nous faut aimer comme nous-mêmes. La règle d'or est sous-jacente à ce commandement. Ce que nous voudrions que les autres fassent pour nous, nous devons le faire pour les autres. Et cette recommandation prend d'autant plus de force que la réciprocité n'est pas une hypothèse, elle est au cœur de la mémoire du peuple élu : « vous avez été des émigrés dans le pays d'Egypte ».

Le commandement du Lévitique demeure impératif pour nous. Nous sommes tous fils spirituels du peuple hébreu, nous sommes tous devenus fils d'Abraham par l'adoption divine manifestée par la plongée dans les eaux du baptême. Nous ne devons pas oublier que nous sommes les héritiers d'Abraham et que nous pouvons un jour être appelés, comme il l'a été, à laisser là notre terre pour partir où Dieu nous appellera :

« Le Seigneur dit à Abram : pars de ton pays, de ta famille et de la maison de ton père vers le pays que je te ferai voir. Je ferai de toi une grande nation et je te bénirai. Je rendrai grand ton nom. Sois en bénédiction. Je bénirai ceux qui te béniront, qui te bafouera je le maudirai ; en toi seront bénies toutes les familles de la terre ... » « Ils partirent pour le pays de Canaan. » (Genèse, 12, 1-5.)

Nous ne devons jamais oublier que comme Abraham, les circonstances peuvent nous appeler à partir pour une terre nouvelle. Il nous est donc impossible de négliger le commandement d'aimer l'étranger comme notre propre frère.

Jésus aussi, au cours de son ministère public, reconnaît que les étrangers sont sujets de la tendresse de Dieu. Quelquefois ils donnent l'exemple dans leur manière d'y répondre : « Je vous le déclare, chez personne en Israël, je n'ai pas trouvé une telle foi » (Mt 5, 11) « Il ne s'est trouvé, parmi eux personne pour revenir rendre gloire à Dieu : il n'y a que cet étranger ! » (Lc 17, 10). Au pied de la croix, c'est un centurion romain qui reconnaît qui il est « Vraiment, cet homme était fils de Dieu » (Mt 27,54 ; Mc 15,29 ; Lc 23,47)

Jésus-Christ porte cette Loi à son accomplissement lorsqu'il déclare « Venez, les bénis de mon Père, recevez en partage le Royaume qui a été préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger ; j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire ; j'étais un étranger et vous m'avez recueilli ; nu, et vous m'avez vêtu ; malade, et vous m'avez visité ; en prison, et vous êtes venus à moi... » (Mt 25, 31-46) Nous ne serons pas jugés sur notre foi, nos pratiques et nos prières, mais sur l'amour partagé sans frontières, l'amour qui rejoint en priorité ceux qui en ont le plus besoin, l'amour pour tous les hommes, l'amour qui annonce le Royaume, l'amour qui, en somme, continue la mission de Jésus ici et maintenant.

L’Evangile de Marc nous annonce une terrible détresse, un ciel obscurci, la lune sans éclat, des destructions, des bouleversements de toutes sortes (Mc 13 ; 24-27). Voilà un avertissement qui a de quoi nous bouleverser. Ce passage de l'Evangile qui nous parle de « terrible détresse » est malheureusement d'une réalité toujours actuelle. Nous le savons, les plus pauvres et ceux qui souffrent en sont toujours les premières victimes. Nous chrétiens et membres de l'Acat, qui nous voulons être porteurs d'Espérance, nous ne pouvons pas rester indifférents. Un jour, la question nous sera posée :

Qu'as tu fait de ton frère, de ta sœur ?

Tel est l'autre que nous sommes appelés à écouter et à accueillir comme un ami et comme un frère que nous a donné notre Père commun ; l'étranger est celui qui nous parle de Dieu et à travers qui Dieu nous parle.

Le temps est favorable parce que l'urgence nous presse de regarder humainement, dans la foi, les situations qui défigurent la dignité de tous ces millions de personnes déracinées. Regarder humainement dans la foi la vie des migrants et des exilés, c'est accepter de porter attention aux blessures vécues par ces hommes, ces femmes, ces enfants . et elles sont nombreuses : le droit d'asile bafoué par des procédures expéditives, les liens familiaux brisés par des difficultés imposées, les arrestations, les reconduites aux frontières . A nos portes ils sont le signe des graves problèmes d'injustice, de pauvreté, de violence et de torture qui ne cessent de se développer dans de nombreux pays.

Et n'oublions pas aussi, ce 26 juin, à l'occasion de la Journée internationale de soutien aux victimes de la torture, toutes les victimes de torture et de mauvais traitement, les condamnés à mort, car toute personne humaine doit être respectée dans sa dignité. Quand les membres de l'ACAT interviennent pour ces personnes dépossédées de leurs droits, qui sentent leur impuissance, qui vivent avec la réalité de la souffrance et parfois de la mort imminente, nous apprenons le sens de la vie et la nécessité de venir à leur secours par l'action et la prière.

Les membres de l'Acat, que nous sommes, nous avons une place à tenir dans cette réalité difficile. Pour la trouver, pour la tenir cette place, nous avons besoin de nous laisser regarder par le Christ, de le laisser nous dire « Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces plus petits, qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait ! » (Mt 25, 40). Il nous faut faire plus qu'entendre cette Parole. Il nous faut nous mettre à la place de Jésus au moment où il l'a dite ; peser chacun de ces mots, imaginer ce qu'ils représentent comme engagement de sa part « l'un de ces plus petits, qui sont mes frères ». Nous avons à tenir cette place comme disciples de Jésus.

Nous avons la conviction que d'avoir à vivre en frères est un appel de Dieu. L'amour de Dieu sur le monde passe par l'immense effort de l'humanité tout entière pour vivre ensemble. Que les hommes se rencontrent, se reconnaissent dans leur dignité de créature de Dieu, progresse vers une communion d'amour.

Suzanne Roubeyrie

www.nuitdesveilleurs.com

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