Notre frère Jean-Marie en mars 2017 avec le "calice" que lui avaient offert ses camarades du garage Citroën de Saint Dizier (Haute Marne) lors de son départ

Notre frère Jean-Marie en mars 2017 avec le "calice" que lui avaient offert ses camarades du garage Citroën de Saint Dizier (Haute Marne) lors de son départ

Jean-Marie VERMELIN

Prêtre de la Mission de France

Décédé dimanche 24 mars 2019 au matin à Evreux

 

« Donnez-leur vous-mêmes à manger. »

Jean-Marie aimait le récit de la multiplication des pains, en particulier pour cet appel à donner à manger à ceux qui ont faim d’être accueillis et écoutés. Il s'était fait l'apôtre de l'hospitalité et de la convivialité de la toile cirée, loin des mondanités. Préparer la table pour les hôtes, amis fidèles ou de passage, invités surprises ou jeunes en mal d’écoute, le mettait en joie. Il en avait fait une priorité de sa vie et de son ministère.

 « Jean Marie a été comme un second père pour moi. Il a fait équipe à Alfortville avec mon père et marié mes parents, m’a baptisé et nous a marié. Enfant, j’ai passé des vacances à Marnaval, près de Saint-Dizier, avec ceux du quartier. J’ai été à Limoges, dans le Loiret, à Evreux pour des moments qui furent du pain béni. Dans la simplicité et la profonde affection qu’il nous témoignait, il m’a aidé à grandir et à devenir ce que je suis. »

 

            Deuxième d’une fratrie de quatre enfants, Jean-Marie est né le 6 mars 1931 à Lomme, dans la banlieue de Lille. Chti, fils de chti, mécano, fils de mécano, il a passé son brevet à Rochefort. Spécialisé dans la marque Citroën, il excellait dans les boites de vitesse, le réglage des suspensions ou des culbuteurs. Après une première année à Arras, il entre à Lisieux en octobre 1950, et poursuit le cycle de formation à Pontigny, entrecoupé par deux ans de service militaire en Allemagne. Il sera ordonné le 28 juin 1958 à l’abbatiale de Pontigny.

Il est envoyé comme vicaire à la paroisse d’Alfortville, avec Félix Lelubre comme curé. Manuel dans l’âme, il dépanne à tour de bras. Repéré comme le bricoleur universel, il aimerait bosser à temps partiel malgré l’interdit romain. Il finit par trouver quelques heures comme chauffeur-livreur. Il se lie facilement d’amitié et manifeste ses facilités d’entrer en contact avec les jeunes du monde ouvrier. Son allure naturelle, ses mots simples et plein de bon sens, mettent à l’aise toutes les familles qu’il rencontre dans sa responsabilité de vicaire.

En 1964, la Mission lui propose l’équipe de Saint-Dizier, en Haute-Marne, avec Norbert Cramatte, Jean Vampouille, puis Michel Claude quelques années plus tard. Ils habitent à Marnaval, en banlieue ouvrière de cette cité au riche passé sidérurgique, un haut lieu de la fonte d’art, de la mécanique agricole et berceau des crèmes glacées Miko. La cité du Vert-bois, zone sensible s’il en est, sera un des premiers grands ensembles bâti au milieu des années 50.  Jean-Marie travaille comme mécano automobile chez Citroën et fait partie de l’équipe responsable de la paroisse. Curé et mécano, c’est tout un. Pas de langage différent à la messe ou à l’atelier, au bistrot ou au baptême. Qu’il soit en bleu de travail ou en aube blanche, Jean-Marie donne de son temps et de son écoute. « Les réponses des sommités et des éminences m’ont toujours fichu le bourdon. Je ne me sentais pas à la hauteur et d’ailleurs, je ne les ai jamais enviés !  Je disais à Dieu, débrouille-toi, parce que je ne sais pas faire. Je n’ai pas le don des langues, ni de la connaissance des mystères, et je n’ai pas de fortune à distribuer. La seule chose que j’ai, c’est Jésus-Christ, et Lui, je veux bien le donner. »

En 1977, avec Philippe Dupont, il rejoint la paroisse Sainte-Thérèse à Limoges, qui a déjà une belle histoire avec les prêtres-ouvriers et l’Action Catholique Ouvrière. Sous l’impulsion de Joseph Rousselot, l’église a été bâtie par les gens du quartier, dans l’élan coopératif de la reconstruction de l’après-guerre. Curé de la paroisse, il trouve un emploi à mi-temps dans le garage Citroën du quartier. Orfèvre en convivialité, Jean-Marie est apprécié pour son accueil et sa simplicité. Chaque semaine, avec sa sœur qui habite en Haute-Vienne, ils préparent la tablée où se retrouvent les prêtres ouvriers. Maxime de Saint-Pern arrivera en 1980, suivi d’Arnaud Favart en 1981. Dans le garage paroissial, une deudeuche désossée fait le bonheur des ados. Boîte de vitesse bloquée en première ou marche arrière, ils apprenaient à conduire et à se conduire en équipe. Il fera de même avec les équipes de laïcs qu’il initie à la conduite de la communauté chrétienne. Accueillir quiconque frappe à la porte de l’Eglise, l’écouter, le mettre à l’aise et, si c’est bien cela qu’il est venu chercher, lui offrir la rencontre avec le Christ. Les horaires de travail ne permettant pas facilement la célébration des obsèques, il est le premier dans le diocèse de Limoges à former des laïcs pour la célébration des obsèques. Son ami Jacques Dubois, tout jeune retraité, fut un des pionniers de cette innovation.

En 1985, La Mission lui propose de rejoindre le diocèse d’Evreux, où venait d’être nommé évêque l’ancien vicaire général de Haute-Marne qu’il avait bien connu, un certain Jacques Gaillot. Après quelques années dans le quartier dans le quartier de La Madeleine, il est nommé curé de Saint-Michel en 1989. L’équipe est nombreuse avec des responsabilités diversifiées : Denis Chautard, André Blervaque, François Leguay, François Marin, Paul et Pascale Israël. Jean et Monique Goujard, Max et Geneviève Dubois y mûriront leur cheminement vers le diaconat. Marc et Marie-Annaïck Connetable, leur engagement avec la Mission de France. En 1994, il accepte de devenir responsable du secteur d’Evreux. Deux ans plus tard, il sera nommé aumônier diocésain du Secours Catholique. 

« Le diocèse d’Evreux nous demande de travailler à la coresponsabilité entre prêtres, diacres et laïcs. Tout cela demande de l’éveil, de la formation et de la disponibilité. Dégagés des tâches pastorales prises en charge avec compétence par des laïcs, nous sommes devenus des accompagnateurs et des animateurs, avec le souci de la formation. On dit modérateurs, mais je n’aime pas ce mot, il me rappelle le freinage ; or il faut aller de l’avant. » Tout en ayant conscience de ces enjeux, Jean-Marie regrettait que la priorité ne soit pas donnée aux jeunes, aux lycées professionnels, à la proximité avec les pauvres, avec le voisinage et ses misères cachées, au verre de café partagé sans arrière-pensée.

Prêtre-retiré en 2009 du fait de l’âge et des handicaps, Jean-Marie bénéficia d’une belle initiative de ses amis qui constituèrent une SCI pour acheter un logement en rez-de chaussée, et qu’ils mirent à sa disposition. Il put ainsi continuer de recevoir à son rythme. Il nous laisse peu d’écrits, sinon « Paroles et Paraboles », ce recueil d’anecdotes puisées à l’aune des jours ordinaires, dans son expérience de mécano ou d’aumônier de jeunes. Le Royaume de Dieu est là, proche et suggestif.

« Ma santé ne me permet plus d’exercer un ministère en paroisse. Dieu merci, je peux encore aller célébrer avec les détenus de la maison d’arrêt. Avec Jacques et Jean, nous ne faisons pas d’homélie, nous leur donnons la parole. Ils la prennent et apprécient. En même temps cela nous apporte une autre manière de lire la Bible. Ce dimanche-là, nous échangions sur les douze corbeilles de reste après la multiplication des pains. Fallait-il voir un appel au non-gaspillage ? Ou bien faire des provisions ? Ou bien emporter pour distribuer ? Julien nous fit part de son idée en déclarant que quand on donne, ce qui reste après avoir donné est plus important que ce qu’on a donné. »

 

Ses obsèques religieuses seront célébrées le mercredi 10 avril à 10h

en l’église Saint-Michel, à Evreux

 

"Ni plaque, ni fleurs, mais un don à l’association pour les enfants polyhandicapés Solann Dream Team "
 

Lien vers le site internet de l'association :
 

http://www.solanndreamteam.com/

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