Policier et chrétien, une double mission à risques

Depuis quelques semaines, des policiers expriment leur malaise face aux accusations de violences et de racisme à l’encontre de leur profession. « La Croix » a interrogé des policiers chrétiens qui racontent leurs doutes sur le sens de leurs missions, cherchant à concilier au mieux leur foi et leur métier.

Comment voir en l’autre un frère quand celui-ci se montre insultant, menaçant, jusqu’à vous cracher au visage ? Pour des policiers chrétiens, cette question n’a rien de théorique. « Dans ces moments, la foi me donne un sursaut d’espoir, m’aide à considérer le sens de ma mission et à toujours chercher à voir le Christ en l’autre », confie Maxime (1).

Alors que des manifestations récentes ont dénoncé des violences et pointé la question du racisme au sein de la police, un certain nombre d’agents, qui se sentent mal aimés, expriment leur désarroi et s’interrogent sur le sens de leur travail. Dans ce contexte, La Croix a interrogé des policiers chrétiens qui cherchent quotidiennement à concilier leur foi avec leur métier, en butte à tous les maux de la société.

 

« Défendre les plus faibles »

Ces derniers ne se reconnaissent pas dans le tableau qu’une partie de la société dresse de la police. Ils défendent, comme Hervé Deydier, ancien président de l’association « Police et Humanisme », à la retraite depuis quatre mois après 35 ans de service en Ile-de-France, une fonction qui ne se résume pas à la répression. «L’essentiel de nos missions consiste à défendre les plus faibles et les victimes qui appellent au secours », affirme-t-il avec passion, tenant, comme beaucoup de ses anciens collègues, à la notion de « gardien de la paix », symboliquement forte pour un chrétien.

« C’est avant tout un métier social, pointe Pascal (1), policier depuis plus de 20 ans. Nous côtoyons ce qu’il peut y avoir de plus violent en l’humain : le meurtre, le viol, le suicide ou encore les violences conjugales qui ont explosé pendant le confinement. » Il ne cache pas que la confrontation quotidienne avec cette dure réalité peut, à la longue, être difficile à supporter et confie même ne pas souhaiter que ses enfants suivent la même voie que lui.

« J’ai connu des moments de crise où je me suis demandé : où est Dieu ?, raconte-t-il avec pudeur. On peut perdre la foi ou au moins être ébranlé. Le soutien familial et ma foi chrétienne m’aident à ne pas perdre de vue les raisons qui m’ont poussé à devenir policier : être au service des autres. » Il évoque aussi « ces petites lueurs », « un remerciement » qui lui mettent du baume au cœur et lui révèle la présence de Dieu même au cœur des difficultés.

 

Tiraillements

La plupart des policiers chrétiens évoquent quelques tiraillements dans l’exercice de leurs fonctions, comme Maxime, au contact de cette « détresse humaine » et face à des interpellations qui nécessitent, selon lui, de plus en plus souvent l’usage de la force. Difficile de tourner la page même lorsque le soir, on retire son uniforme.

Porté par son devoir d’exemplarité professionnelle et secondé par le « rempart de sa foi », ce jeune policier se refuse autant que possible à se laisser submerger par la violence ou la colère. « Même face à des situations très tendues - et je ne dis pas que c’est facile, loin de là - j’essaye de dépasser ma première réaction, de ne pas juger l’autre, de considérer son environnement pour tenter de le comprendre », assure-t-il, affirmant sans hésitation que sa foi a mûri dans l’exercice de son métier.

 

Pas de prosélytisme mais un témoignage par l’exemple

Des tiraillements peuvent aussi apparaître en interne quand certains collègues ont des comportements répréhensibles. « Il m’est déjà arrivé de réagir après des propos discriminants, témoigne Pascal. Il est parfois facile de tomber dans des amalgames. » Le major de police Simon-Marcel Martinon, possède, lui, la particularité d’être également diacre depuis son ordination pour le diocèse de Paris en octobre dernier. Ce Français originaire de la Martinique, qui compte plus de 30 ans d’expérience, assure n’avoir jamais subi directement de racisme au sein de la police. En revanche, il raconte avoir déjà repris un collègue sur le terrain après un « comportement limite ».

Mais quel rôle peuvent jouer les policiers chrétiens, qu’ils assument ouvertement ou non leur foi ? Sans grand discours ou même citer le nom de Dieu, Simon-Marcel Martinon tente, lui, au quotidien de mettre sa foi en pratique dans son métier. « Nous sommes dans un État laïc, je ne fais pas de prosélytisme et je suis avant tout un professionnel, prévient-il. Mais, le témoignage passe aussi par la façon d’être, l’amour du prochain, le souci de l’autre et du bien commun. Je crois que ce comportement interpelle et peut, peut-être, à un moment donné remettre un collègue dans la bonne attitude. »

 

Une association chrétienne au sein de la police

L’association Police et humanisme, Communauté chrétienne des policiers de France, a vu le jour au lendemain de la guerre d’Algérie en réaction notamment à des propos de l’écrivain Gilbert Cesbron assurant qu’un chrétien ne pouvait pas être policier. Cette association de fidèles qui « permet aux policiers chrétiens de partager sur leurs pratiques professionnelles dans un esprit de convivialité, à la lumière de l’Évangile », est reconnue par la Conférence des évêques de France.

Lui-même policier pendant trente-six ans et désormais retraité, le père Claude Sirvent, prêtre de la Mission de France en activité dans le diocèse de Fréjus-Toulon, a été nommé aumônier national en 2018. Il avait alors succédé au père Noël Choux, lui aussi de la Mission de France, décédé le 10 avril dernier.

(1) Pour préserver leur anonymat, les prénoms ont été changés.

 

Arnaud Bevilacqua, 

 

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