trois-bougies-de-l-avent

« Le peuple était en attente », nous dit Luc en racontant cette scène autour de Jean-Baptiste au bord du Jourdain. Nous nous inscrivons dans un peuple en attente. De travail pour le uns, de la retraite pour d'autres. Certains attendent des papiers. Des prisonniers attendent leur libération ou simplement une visite. Des malades attendent la guérison, ou le résultat d’un examen médical. Les enfants attendent peut être seulement les vacances ou Noël et ses cadeaux. Les familles pauvres attendent la fin du mois et le versement d'une allocation pour souffler un peu.

Et nous ? Quelle attente emplit notre vie, vers quoi sommes-nous tendus? Il n'est sans doute pas si aisé de répondre à cette question, mais ce temps de l'Avent peut être l'occasion de se la poser. Quelle attente réelle occupe mon esprit en ce moment ?

L’oraison de dimanche dernier demandait au Seigneur de ne pas laisser le souci de nos tâches présentes entraver notre marche à la rencontre du Christ. On peut attendre des choses futiles ou superficielles qui nous distraient de l'essentiel. Nous savons que ces attentes-là laissent un vide dans nos vies. Leur satisfaction n'est que fugitive ou nous laisse déçus. Il y a aussi des attentes qui touchent à l'essentiel, à l'exercice de droits fondamentaux, ou à des biens immatériels sans lesquels on s'éteint comme une fleur fanée: la reconnaissance, l'amour, la confiance. Ces attentes là nous usent si elles durent trop longtemps, elles engendrent la désespérance. Il appartient à chacun de nous de contribuer à les écourter autant que nous le pouvons quand nous les rencontrons chez d’autres.

Et puis il y a des attentes qui nourrissent l'espérance, qui donnent un sens à nos vies même si elles doivent durer. C'est l'attente de la germination de la semence qu'on a enfouie en terre (on a tous fait un jour l'expérience de planter quelque chose et d'attendre que ça pousse), c'est l'attente du retour d'un être cher quand la confiance habille son absence, c'est l'attente d'un enfant. Ce sont ces attentes là que la Bible évoque pour signifier l'attente de Dieu.

Car l'attente de Dieu ne peut avoir quelque réalité dans nos vies sans prendre racine dans les attentes que nous vivons, non pas celles qui nous dispersent, mais celles qui nous fortifient, celles où l'on se recueille, celles qui nous travaillent comme un enfantement. Et même dans celles où l'on s'use, où la désespérance menace... car l'amour est souvent blessé d'une attente trop longue.

On appelle ce troisième dimanche de l'Avent «de gaudete », « réjouissez-vous », et les deux premières lectures nous invitent à laisser éclater notre Joie. Mais que serait cette joie si l'attente qui nous habite ne rejoignait pas celle de ceux qui se heurtent à un ciel qui semble sourd, si elle n'était pas en phase avec l'attente de toutes celles et ceux qui autour de nous sont usés d'attendre ce que parfois nous ne savons pas contribuer à leur offrir ?

Tout à l'heure à l'offertoire, nous apporterons toutes nos attentes en demandant qu'elles soient prolongées, creusées, enracinées dans celle d'un peuple en attente. Or nous savons bien les uns et les autres que ce n'est pas toujours Dieu que nous attendons. Et il importe de ne pas nous raconter d'histoire pour nous laisser travailler par l'Esprit Saint en ce temps de l'Avent.

Regardons la scène d'évangile qui nous est proposée aujourd'hui. « Que devons-nous faire ?» demandent à Jean-Baptiste ceux qui viennent le voir, ceux qui sont en attente. De quoi sont-ils en attente ? Par sûr non plus que ce soit de Dieu. Du Messie, sans doute, mais qu'attendent-ils à travers ce Messie tel qu'ils l'imaginent ? Sans doute un peu de tout, comme nous.

L'étonnant de la réponse de Jean est qu’il ne tranche pas, mais qu’il laisse une ouverture. On s'attendrait à ce qu'il invite le collecteur d'impôt à trouver une activité plus convenable que d'engraisser l'occupant sur le dos de ses compatriotes. L'essentiel de sa réponse est de laisser place à l'irruption de l'inattendu, en ne devenant pas l'otage de sa fonction à travers ce simple conseil : « n'exigez rien de plus que ce qui vous est fixé ». De même les soldats, pour lesquels il s’agit de ne pas se laisser prendre au piège du peu de pouvoir qu’ils peuvent croire avoir sur les autres : «Ne faites ni violence ni tort à personne ; et contentez-vous de votre solde ». Le peu de radicalité de ces exigences peut étonner tant elles font contraste avec celles qu’exprimera Jésus. Mais pour l’heure, il s’agit précisément de rester en attente, et c’est comme si rester en attente était paradoxalement : rester ouvert à l'inattendu. A trop penser connaître celui que l’on attend, on risque fort de passer à côté de la surprise qui nous attend. Mais Jean-Baptiste indique précisément que Celui que tout le monde attend reste à venir et que sa venue peut être surprenante.

Ne serait-ce pas la clé d'une attente joyeuse qui assume l'attente fatiguée de tous ceux qui autour de nous n'espèrent plus : que nous soyons au cœur d'un monde en souffrance une brèche ouverte sur l'irruption d'un inattendu. C’est une véritable exigence spirituelle et il appartient à chacune et chacun d’entre nous de trouver comment la décliner quotidiennement. Mais je nous souhaite collectivement d’être de cette façon messagers de la Bonne Nouvelle. Et je crois qu'à cette condition, « l'espérance ne trompe pas », comme l’écrit Paul aux romains, car Il vient, Celui qui surprendra toutes nos attentes.

Bruno LACHNITT

Diacre Permanent du Diocèse de Lyon

 

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