COLLECTIF D’ANCIENS AMBASSADEURS : LE PAPE FRANÇOIS DOIT ABORDER LA QUESTION PALESTINIENNE EN ISRAËL

Depuis, la situation au Proche-Orient décrite ici n’a fait qu’empirer et les récents attentats contre des églises et des mosquées effectués par des extrémistes israéliens justifient toutes les craintes. La rupture prévisible de la négociation israélo-palestinienne laisse entier le problème de fond : quel avenir pour le peuple palestinien ? Cet échec a démontré, aux dires mêmes du Secrétaire d’Etat John Kerry, la responsabilité du gouvernement israélien qui poursuit son entreprise de colonisation sans définir les frontières auxquelles il prétend, ce qui est indispensable à l’établissement d’un Etat palestinien. L’exigence de la reconnaissance par les Palestiniens d’Israël comme Etat juif renforce le risque d’apartheid et de discrimination religieuse. Devant le silence de l’Union européenne et de ses Etats membres, dont le nôtre, pour réclamer l’application du droit international et le respect des droits humains, on doit espérer que le pape François saura rappeler les valeurs universelles sur lesquelles se fonde la communauté internationale

Le Pape François fera en Terre Sainte en mai un voyage qu’il a défini avant tout comme un pèlerinage spirituel. Il a choisi de célébrer à cette occasion la rencontre mémorable à Jérusalem il y a cinquante ans du Pape Paul VI avec le Patriarche Athénagoras. Il se fera ainsi, comme ses prédécesseurs, l’instrument d’un dialogue œcuménique mais aussi interreligieux puisqu’il rencontrera dans la Ville Sainte les représentants des trois grandes religions monothéistes.

Ce voyage en Terre Sainte, dont on mesure la priorité spirituelle et pastorale, sera d’une grande importance symbolique pour le reste du monde. Le Saint Père se déplacera en effet dans une région dont les populations vivent depuis des années dans la souffrance et la détresse : violences, guerres et exodes ont marqué leur existence. Par Sa venue, le Pape leur apportera réconfort et espoir.

C’est dans la perspective de ce voyage historique qu’en tant qu’anciens ambassadeurs et chefs de poste dans cette région nous nous permettons d’exprimer nos préoccupations concernant trois questions liées spécifiquement à Jérusalem et à la situation des populations qui vivent en Terre Sainte. Notre espoir est que le Saint Père pourra, au cours de Sa visite, éclairer par Ses paroles et Ses gestes, ces graves questions et favoriser des solutions propices à la justice et à la paix.

Il y a tout d’abord la question de Jérusalem. Nous connaissons la position de l’Eglise qui se prononce en faveur du libre accès à la Ville Sainte pour les fidèles de toutes les religions. Il demeure que, du fait de l’annexion de Jérusalem-est et de l’accaparement progressif de la vieille ville par Israël, l’accès aux Lieux Saints est de plus en plus dans la dépendance des autorités israéliennes. Cet accès est d’ores et déjà difficile, voire impossible, pour les habitants des Territoires palestiniens, y compris leurs responsables pastoraux. C’est à l’évidence une restriction non seulement à la liberté de circulation mais encore à la liberté religieuse des populations.

Une autre grave préoccupation concerne la récente revendication présentée par Israël, dans le cadre de ses négociations avec les Palestiniens, tendant à faire reconnaître Israël comme Etat-nation du peuple juif, avant même que ses frontières aient été définies. Cette revendication vise à légitimer une ambition de caractère messianique sur la terre « biblique », au détriment de la présence historique des populations chrétiennes et musulmanes. Elle porte en outre le risque d’une discrimination pour les populations non juives d’Israël. Elle compromettrait enfin l’aboutissement des négociations sur les réfugiés. Pour ces raisons, cette revendication, qui vient d’être repoussée par la Ligue Arabe, rend impossible, à notre avis, tout accord avec les Palestiniens.

Enfin, il y a la question de la situation humanitaire des populations palestiniennes. Le blocus qui leur est imposé en Cisjordanie par la construction d’un mur dit « de séparation », la coupure des familles de Jérusalem et d’Israël d’avec leurs proches dans les Territoires, la détention de milliers de Palestiniens, les multiples contraintes qui pèsent sur la population du fait de l’occupation, l’enfermement de plus d’un million de personnes dans la bande de Gaza, sans compter la construction ininterrompue d’implantations israéliennes qui menace la viabilité de ce qui pourrait constituer un Etat palestinien, l’ensemble de ces mesures transforme en épreuve insupportable la vie quotidienne des Palestiniens et risque d’engendrer à nouveau la violence. Lors de son voyage en 2000 le Pape Jean-Paul II avait appelé à ce que cessent leurs souffrances, qui avaient trop duré. Il est regrettable de constater que leur situation ne s’est guère améliorée depuis lors et que le droit international demeure inopérant/.

Ce texte est signé par un collectif d’anciens ambassadeurs ayant eu à traiter en particulier les dossiers du Moyen-Orient : René Ala, Jacques Andréani, Yves Aubin de la Messuzière, Denis Bauchard, Pierre-Louis Blanc, Alain Dejammet, Bernard Dorin, Bertrand Dufourcq, Christian Graeff, Pierre Hunt, Stanislas de Laboulaye, Pierre Lafrance, Patrick Leclercq, Jean-Louis Lucet, Gabriel Robin, André Ross, Jacques-Alain de Sedouy, Alferd Sieffer-Gaillardin

Dimanche 25 mai 2014

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