Conflits familiaux : osez la médiation familiale !

Médiatrice familiale diplômée d’État, Sabrina de Dinechin vient de créer l’Association de médiateurs familiaux chrétiens (AMFC), un réseau de médiation, fondé avec une amie protestante dans un esprit œcuménique. Elle répond aux questions d’Aleteia sur ce métier de « pacification des conflits familiaux », où le fait d’être chrétien donne un regard différent sur les personnes et les situations.

La médiation familiale s’adresse-t-elle seulement aux couples en rupture de dialogue ?
Sabrina de Dinechin : Mais non ! Elle s’adresse à tous les membres d’une famille qui se déchirent ou sont en rupture de dialogue ou de lien : grands-parents qui ne voient plus leurs petits-enfants, frères et sœurs qui se disputent autour de la prise en charge de leurs parents âgés, parents et enfants qui ne se parlent plus, conflits dans les familles recomposées… Mais aussi, enfants devenus adultes qui cherchent à (re)prendre contact avec leur père biologique. Dans de telles situations, la médiation familiale est un mode alternatif de résolution des conflits.

Alternatif ? Par rapport à quoi ?
S. D. : Par rapport à la procédure judiciaire. La justice y a recours pour ceux qui reviennent indéfiniment devant le juge, les couples notamment. Le juge peut les enjoindre à se renseigner sur ce qu’est la médiation familiale. Mais il ne peut les y contraindre, celle-ci relevant d’une démarche volontaire de la part des différentes parties.

Comment êtes-vous devenue médiatrice familiale ?
S. D. : Sans doute à cause de ma grande passion pour l’être humain ! J'ai été professeur d’histoire-géographie, et surtout professeur principal. C’est un métier où l'on se rend compte de la souffrance des enfants dont les parents ne se parlent plus, de la détresse d’une petite fille qui n’a pas son cahier et ne pourra pas le récupérer avant une semaine du fait de la garde alternée… Un jour, je me suis dit que je serais plus utile dans ce métier. Je me suis inscrite dans l’une des universités qui, depuis 2005, délivrent un diplôme d’État de médiateur familial.

En quoi consiste la formation ?
S. B. : C’est une formation par alternance en deux ans, qui comporte un stage et 570 heures de cours dans les matières suivantes : droit, psychologie, sociologie, communication, etc. Le stage s’effectue dans l’une des associations de médiation familiale subventionnées par la CAF. Le diplôme obtenu est nécessaire à l’exercice de ce métier, né en Amérique du Nord et apparu en France dans les années 90. C’est un métier à part entière.

Concrètement, comment procédez-vous ?
S. B. : Si le conflit est très aigu, je reçois les personnes d’abord séparément, puis ensemble. Parfois, les gens se détestent, ne se parlent plus, ne se regardent même plus… On mutualise tout ce qui a été dit de part et d’autre. Je travaille avec un paperboard. Tous les sujets sont abordables. Il faut juste respecter certaines règles : parler au « je », éviter le « tu », trop accusateur et destructeur, se garder de plaquer les pensées de l’autre. On l’écoute, on le laisse finir sa phrase…

Quel est le but recherché ?
S. B. : L’objectif de la médiation est d’amener les personnes à renouer le dialogue et prendre des décisions concrètes pour sortir du conflit. Prenons l’exemple d’une femme divorcée qui reproche au père de ses enfants de [faire exprès de] les ramener systématiquement en retard. Elle stresse. Lui se sent harcelé. Que faire ? Le médiateur ne conseille rien. Ce sont les parents qui vont trouver eux-mêmes. Par exemple, s’engager à téléphoner si l'on sent que l’on va être en retard. C’est du concret, du pratico-pratique. Mais cela apaise. La médiation peut déboucher sur un protocole qui sera remis au juge par les parties. À travers ce protocole, elles auront l’impression d’avoir une justice sur-mesure et d’être écoutées.

Vous êtes chrétienne. Qu’est-ce que cela change dans votre métier ?
S. B. : Ce qui change, c’est le regard porté sur les personnes : un regard d’espérance dans la capacité de l’homme à faire le bien, malgré ses blessures (et plus largement, sa blessure originelle). Le médiateur chrétien croit également que l’homme, créé à l’image de Dieu, est fait pour la relation. Quand celle-ci est interrompue, il souffre, surtout si c’est avec un proche. Mais quand les personnes arrivent à nouveau à se reparler et à entrer dans la relation, elles renouent avec leur essence de créature de Dieu et sont plus heureuses. Cette conviction me porte.

Les gens qui viennent vous voir savent-ils que vous êtes chrétienne ?
S. B. : Certains ne le savent pas et d’ailleurs j’accueille tout le monde, quelles que soient les origines des personnes, leur condition, leur nationalité, leur âge, leur religion, leur situation de famille ou leur histoire. D’autres le savent et viennent pour cette raison : sur le terrain de la vie personnelle et familiale, on peut avoir besoin d’être en phase avec celui qui nous aide à cheminer.

Pourquoi avez-vous créé l’Association de médiateurs familiaux chrétiens ?
S. B. : Pour que la médiation chrétienne ait une plus grande visibilité, pour tous ceux qui cherchent à y avoir recours. Mais aussi pour que les médiateurs et médiatrices qui se retrouvent dans les valeurs de l’Évangile puissent confronter leurs pratiques et les améliorer. Je suis frappée, par exemple, de voir comment ma collègue médiatrice protestante saisit l’être humain.

Qu’est-ce qui vous rend heureuse ?
S. B. : Quand des gens qui ne se parlaient plus s'adressent à nouveau la parole. Quand des époux divorcés comprennent qu’ils peuvent exercer ensemble leur parentalité malgré la rupture du lien conjugal. Quand des personnes d’une même famille cheminent visiblement vers la pacification de leur conflit. Quand ce chemin aboutit au pardon.

Propos recueillis par Élisabeth de Baudoüin

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