Homélie du dimanche 30 août 2015

Deutéronome 4,1-2.6-8 Psaume 14 Jacques 1, 17-18.21b-22.27 Marc 7, 1-8.14-15.21-23

Des Pharisiens reprochent aux disciples de Jésus de ne pas être fidèle à la tradition ! Ils “mangent sans s’être lavé les mains”. La loi juive obligeait les prêtres à se laver les mains avant le service liturgique (Exode 30, 17-21) pour donner au repas une signification sacrée : on mange devant Dieu et on le remercie de nous donner le pain. Belle tradition ! Mais voilà qu’avec le temps ces pratiques de respect sont devenues, avec les Pharisiens, des façons de séparer les hommes : les Juifs sont préservés de contact mauvais avec les païens ; les justes sont écartés des pécheurs ; les bien portants sont éloignés des malades. Savez-vous qu’un jour quelqu’un est venu me demander de bénir des médailles pour se protéger des bougnouls. Eh oui ! Sans même s’en rendre compte, il me demandait très exactement le contraire de ma mission.

Mais revenons au texte. Les rabbins ajoutèrent plein de détails à cette règle de se laver les mains. Et ils l’imposèrent à tous les Juifs avant qu’ils ne se mettent à table sous prétexte que tout repas est un acte religieux et que tout Israël est un peuple sacerdotal. Les disciples de Jésus, eux, sont des Galiléens assez loin de la stricte Jérusalem. Ils sont de simples travailleurs et ils ont du mal à se conformer à tous ces détails. D’où le reproche dans le texte.

Donc les pharisiens attaquent. Ils ont l’air de questionner mais déjà ils condamnent : “Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens ? Ils prennent leur repas avec des mains impures.” Réplique cinglante : la tradition des ancêtres ? Lisez donc Isaïe, le grand prophète de Jérusalem dont on répète les oracles depuis huit siècles : “Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. Il est inutile, leur culte… Vous laissez de côté le commandement de Dieu pour vous attacher à la tradition des hommes.” En somme vous prétendez servir Dieu mais, en fait, c’est pour imposer vos règlements ! Jésus, lui, dit que Dieu est ouvert à tous les hommes. Il accueille le contrôleur d’impôts méprisé, le centurion de l’armée d’occupation, le lépreux ou la femme de mauvaise vie. A quoi ça sert de se laver les mains selon les rites si le cœur est plein de mépris ou de haine ? À quoi bon se laver les mains si le cœur n’y est pas ? C’et comme ça que Pilate se lavera les mains en condamnant l’innocent.

Jésus se sert de deux oppositions : le pur et l’impur, le dedans et le dehors. “Rien d’extérieur à l’homme et qui pénètre en lui ne peut le rendre impur ; mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur.” Des mains rituellement bien lavées n’empêchent pas d’avoir un cœur sale. C’est ton cœur mauvais qui te sépare de Dieu et des autres. Il y a perversion quand l’extérieur l’emporte sur l’intérieur, quand l’apparence l’emporte sur le cœur. Si vous trouvez compliquées ces distinctions entre le dedans et le dehors,

Relisez Saint Jacques : il invite à des travaux pratiques simples, même s’ils ne sont pas faciles : « Devant Dieu notre Père, un comportement religieux pur et sans souillure, c’est de visiter les orphelins et les veuves dans leur détresse, et de se garder sans tache au milieu du monde. »

• Et souvenez-vous la parabole du bon samaritain avec le débat entre la loi et le prochain. Le prêtre et le lévite choisissent le respect de la loi et refusent de se souiller au contact du sang. Le samaritain, lui, n’est pas prisonnier de cette loi et est donc libre d’aimer. Il choisit d’aimer l’autre, plutôt que d’aimer la règle.

• Et souvenez-vous quand Jésus se met à genoux pour laver les pieds de ses disciples : le maître se fait esclave de ses frères.

• Et quand il guérit le jour du sabbat sans se tracasser de l’interdit. Il finit même par déclarer : “Le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat.” (Marc 2). Les Pharisiens ont choisi l’amour de la règle, Jésus choisit la règle de l’amour.

“Un comportement religieux pur et sans souillure, c’est de visiter les orphelins et les veuves dans leur détresse, et de se garder sans tache au milieu du monde”, disait Saint Jacques. Un commentateur a pu écrire : “Le service n’est pas une vertu parmi d’autres qui devait être exercée par l’Église : il est sa raison d’être. S’il n’y a pas le service, la présence devient un rêve et l’absence, un abandon.” À l’approche de la rentrée, les travaux pratiques ne vont pas manquer : il suffit de nous demander qui sont aujourd’hui nos orphelins et nos veuves dans le malheur, et qui partagera le pain de la Parole et le pain de l’amour à tout ce monde-là.

Robert Tireau, Prêtre du Diocèse de Rennes

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