Homélie du mercredi 27 avril 2016

Evangile de Jean 15,1-8

« Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est jeté dehors ». Cette phrase de l'évangile peut résonner comme une compréhension de la religion qui exclue et rejette tous ceux qui n’adhèrent pas. La tentation est grande de la comprendre comme exclusive de celles et ceux qui ne confessent pas le nom de Jésus, d'une façon qui ferait finalement écho aux propos de ces frères venus de Judée dans la lecture du livre des Actes des apôtres :« Si vous n’acceptez pas la circoncision selon la coutume qui vient de Moïse, vous ne pouvez pas être sauvés. »

Quand nous relevons aujourd’hui les risques de radicalisation dont on parle tous les jours dans les médias, nous devons nous interroger aussi car la radicalisation ne concerne pas forcément seulement les autres. Elle est au coeur de toute compréhension de la révélation comme une clôture jalouse qui condamne et exclue.

Pour écarter cette tentation, il nous suffit de réentendre le chapitre 7 de Matthieu : « En ce jour-là beaucoup me diront : “Seigneur, Seigneur, n’est-ce pas en ton nom que nous avons prophétisé, en ton nom que nous avons expulsé les démons, en ton nom que nous avons fait beaucoup de miracles ?” Alors je leur déclarerai : “Je ne vous ai jamais connus. Écartez- vous de moi !” Avoir le nom de Jésus plein la bouche ne garantit pas que nous demeurions en lui.

L'image est claire : un sarment seul n'est rien s'il ne reçoit la sève de vie du pied de vigne dont il est le prolongement. Le Père est le vigneron et en même temps "le Père et moi, nous sommes un", thème essentiel chez Jean. Au chapitre 10, versets 22 à 42, il est développé dans la controverse avec ceux qui veulent le lapider. L’évangile de Jean n’aligne pas dans le désordre des paroles attribuées à Jésus. L’ordre à une cohérence. Après cette controverse du chapitre 10, nous trouvons la sortie du tombeau de Lazare qui renforce encore la détermination à faire mourir Jésus, l'onction de parfum à Béthanie "pour le jour de mon ensevelissement !" dit-il, l'image du grain de blé qui doit mourir pour porter du fruit, puis cette déclaration déjà entendue au chapitre 8 : "Si quelqu’un entend mes dires sans les garder, moi, je ne le juge pas. Non, je ne viens pas pour juger l’univers, mais pour le sauver".

Enfin le lavement des pieds, puis le chapitre 14 où Jésus promet de ne pas laisser ses disciples orphelins, leur donne sa paix, et fait cette promesse :» « Si quelqu’un m’aime, qu’il garde ma parole ! Mon père l’aimera. Nous viendrons chez lui ; nous ferons chez lui notre demeure". Le chapitre se termine par :"Réveillez-vous, partons d’ici". La suite logique est au chapitre 18. Entre les deux, trois chapitres de discours de Jésus commencent par cette image de la vigne et concernent essentiellement l'après, quand Jésus ne sera plus là, c'est à dire le temps de l'Église : invitation à demander en son nom, annonce de persécutions, promesse de la venue de l'esprit, prière au Père notamment pour l'unité : "comme nous un ; moi en eux et toi en moi, pour qu’ils soient parfaits en unité, pour que l’univers sache que tu m’as envoyé, et que tu les aimes comme tu m’aimes".

La nouveauté ici de l'emploi de l'image de la vigne est dans le fait qu'elle ne renvoie pas au peuple, comme dans l'ancien testament où elle désigne Israël, mais à Jésus lui-même, ce qui fait signe du côté d'une Église qui est présence du Christ ressuscité.

Il s'agit de demeurer en lui, qu'il demeure en nous, comme lui demeure dans le Père et le Père en lui, et le Père et lui feront en nous leur demeure. Tout tourne autour de cette union mystique dont la nature est indissociable de cette vie donnée, de ce corps livré, de ce sang versé. Il y a un autre passage de l'évangile de Jean où il met dans la bouche de Jésus des propos semblables, au chapitre 6, dans le discours sur le pain de vie : " Qui mâche ma chair, qui boit mon sang, demeure en moi, et moi en lui...et moi, je le relèverai au dernier jour."

Jean Grosjean dans son commentaire de l'évangile de Jean traduit cela en disant : « Il nous donne pour nourriture sa marche vers la mort » Il y a quelque chose à ruminer (c’est le sens littéral du verbe grec employé par l’évangéliste) du côté de ce corps livré et c’est en trouvant notre nourriture dans cette vie donnée que nous demeurons en celui qui la donne. Il peut sembler paradoxal que précisément Jean qui insiste tant sur cette chair à mastiquer au chapitre 6, soit le seul qui n’évoque pas le pain rompu et la coupe lors du dernier repas, mais seulement le lavement des pieds.

Trouver notre nourriture dans cette vie donnée par amour c'est nous mettre en position de service, et c’est ainsi qu’il demeure en nous. Et lui nous remettra debout au jour dernier, ce jour où précisément beaucoup diront “Seigneur, Seigneur, n’est-ce pas en ton nom que nous avons fait beaucoup de miracles ?" Il relèvera ceux qu'il trouvera en position de service.

Nous allons maintenant faire mémoire du geste par lequel le Seigneur a signifié à ses disciples le don de l'amour, par lequel pourrait-on dire il a signé sa mort non comme subie mais offerte, (ma vie, nul ne la prend mais c'est moi qui la donne), signature à laquelle les disciples le reconnaissent à la table d'Emmaüs. Que la communion à son corps livré nous mette en position de service, qu’elle fasse de nous une Église servante qui révèle la présence du ressuscité et donne aux hommes de ce temps une raison d'espérer encore.

Bruno Lachnitt, Diacre du Diocèse de Lyon

Aumônier de la maison d’arrêt de Lyon Corbas

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