Georges Brassens est mort le 29 octobre 1981, il y a 35 ans

À l’occasion des 35 ans de sa mort, nous sommes allés fouiller dans les archives de La Vie où nous avons retrouvé des trésors….. Surtout, des entretiens dans lesquels Brassens, mécréant légendaire, avait accepté de parler de Dieu. En voici quelques pépites.

En 1967, en pleine gloire, Brassens s’était confié à La Vie dans une interview de trois pages. Nos prédécesseurs avaient titré : "À l’ombre du cœur de Brassens. Entretien avec un grand poète". Tout simplement. Au fil de l’interview, Bernard Langlois avait amené le grand Georges à parler de sa foi. Extrait.

La Vie : On sait, vous l’avez dit, que vous n’êtes pas croyant. Bien souvent, pourtant, les chrétiens ont cherché à vous annexer parce que vos chansons portaient sur une certaine interrogation, parce que vous défendez une certaine vision de l’amour et du respect des autres très proche du christianisme.

Georges Brassens : J’ai perdu la foi en cours de route. Je ne dis pas que j’ai raison de ne pas avoir la foi, mais je ne l’ai pas. Alors je ne peux rien dire d’autre.
Mais je suis un homme qui vit dans un certain monde, dans un certain milieu, avec des gens qui croient, d’autres qui ne croient plus et d’autres qui se mettent à croire. Alors je parle de Dieu dans mes chansons… Certains s’en étonnent puisque je ne crois pas. Pourquoi ? Mais parce que je suis imprégné par l’idée de Dieu, les gens qui m’entourent sont imprégnés de l’idée de Dieu, de la morale chrétienne.
Et puis il y a dans la morale chrétienne, qui a été la mienne longtemps, beaucoup de choses que j’approuve.

J’ai une morale qui emprunte un peu à la morale chrétienne, un peu à la morale anarchique… J’ai pris un peu tout ce qui m’a semblé être valable pour moi dans les différentes morales que j’ai rencontrées. Ça ne veut pas dire qu’il faille suivre mon chemin… C’est mon chemin, ma façon de voir les choses, avec mes imperfections, mes défauts, comme tout le monde, du reste.

Je n’affirme rien. Je continue à vivre à peu près de la même manière, en respectant les autres, en tolérant beaucoup, en essayant de faire le moins de mal possible et de garder une certaine dignité.
Au cours des années, j’ai perdu presque toutes mes certitudes, sauf… sauf qu’il faut essayer d’aimer les autres, de les tolérer, de les supporter et d’être supporté par eux. J’aime bien qu’on soit un brave type. Au-dessus de ses credo, de ses convictions…
Et puis, enfin, je chante quoi ! Comme disait Valéry : "Si un oiseau qui chante savait dire ce qu’il chante, pourquoi il chante et en quoi il chante, il ne chanterait pas."

Toutes ces explications, je vous les donne parce que vous me les demandez. Mais j’estime que je n’ai pas à les donner. Parce que je les livre peu à peu dans mes chansons. À la longue, si je vis encore quelques années, j’allais dire pour vous faire plaisir, si Dieu me prête vie, j’arriverai peut-être à m’expliquer peu à peu.
Pas tout, parce que, pour m’expliquer complètement, il faudrait que je me mette à écrire sans arrêt. Un peu à la manière de Rousseau, le génie mis à part.
Je suis un poète, moi. Un type qui joue, qui jongle avec les mots. Je ne suis pas capable de bâtir une théorie. Mais je pense qu’avec mes chansons, un jour, on pourra à peu près expliquer qui j’étais… ce que je croyais.

La Vie du 8 mars 1967 (n° 1126)
 

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