Photo de Laure Wilmot

Photo de Laure Wilmot

Voici 40 ans j’étais ordonné prêtre à Grenoble pour « annoncer » l’Evangile et me mettre au service de mes frères !

Je n’ai pas choisi les textes de la liturgie d’aujourd’hui. Ils me sont donnés comme un cadeau du ciel pour mieux comprendre la mission qui m’a été confiée : « annoncer l’Evangile » !

Dans le premier texte, Job partage le malheur de beaucoup de pauvres, de déshérités qui désespèrent de Dieu et des hommes. Combien d’hommes et de femmes autour de nous sont blessés par la vie ? La première mission du disciple du Christ est de « partager les souffrances et les espoirs des hommes de notre temps ». (constitution « Gaudium et Spes » du Concile Vatican II).

L’épitre de Paul nous rappelle que l’apôtre, le disciple de Jésus est un « envoyé ». Ce n’est pas lui qui choisit sa mission. Il la reçoit d’un autre.

L’Evangile nous montre comment Jésus lui-même annonce l’Evangile : il s’approche des malades, les prend par la main et les relève ! J’y reviendrai.

Durant toutes ces années j’ai eu deux guides sur ma route :

-       L’Evangile, la Parole de Dieu que j’ai « ruminée » chaque jour comme l’enfant se nourrit du lait de sa mère…

-       Les interrogations, les interpellations, les témoignages de mes compagnons et de mes frères du quotidien rencontrés au travail et dans mes divers lieux de vie : migrants, jeunes en recherche d’emploi, famille et amis !

En prenant le temps de réfléchir à ce que j’ai reçu et d’en rendre compte je dirai que l’essentiel pour moi se résume en quelques mots. Et ces mots là qui apparaissent maintenant pour moi comme une évidence, sont le fruit d’une véritable conversion. Ces quelques mots parlent de ce trésor qu’est notre foi. Les voici :

« Le contraire de la foi ce n’est pas le doute, mais la peur » !

Nous sommes au siècle de l’intelligence, du questionnement, des remises en question et du doute.

Nous sommes passés de « la foi du charbonnier » à une foi « aventurée », confrontée aux questions existentielles du mal et de la souffrance, de l’injustice, et des inégalités.

Notre foi Chrétienne ne nous enferme pas dans des certitudes, dans une tour d’ivoire de « vérités » qui s’imposeraient à nous !  La foi consiste à se « mettre en route », se lancer à la rencontre du monde et des autres. Se lancer sans savoir au départ où cela nous conduira, sans connaître le bout de la route, se lancer sur la « confiance ». J’aime beaucoup les paroles de cette chanson écrite par un ancien vicaire général du diocèse d’Evreux, Roland DOLLÉ : « il n’y a pas de chemin tout tracé, le chemin se fait en marchant, d’étape en étape, de passage en passage… » !

Pour Jésus lui-même (c’est l’Evangile d’aujourd’hui) annoncer le Royaume de Dieu ce n’est pas faire du prosélytisme mais c’est guérir les malades, loger les sans-abris, accueillir les étrangers, réconforter ceux qui souffrent et qui sont seuls, manifester ainsi l’Amour de Dieu pour tous les hommes. Annoncer l’Évangile c’est témoigner d’un royaume de Justice et de Paix.

Alors, qu’est-ce qui s’oppose à la foi ? Ce ne sont pas les questionnements, les interpellations. Au contraire ce sont les questionnements qui nous font avancer, qui nous font aller plus loin. Le doute nous empêche de nous enfermer dans des certitudes, de nous croire « possesseurs de la vérité » ! Le doute nous permet d’aller de l’avant, d’avancer ! « Posséder la vérité » nous immobilise et nous empêche de nous ouvrir aux autres !

En disant cela je ne fais pas l’apologie du « relativisme » qui veut nous faire croire que tout se vaut mais j’exprime cette réalité « forte » : La foi sans les actes c’est une coquille vide, « c’est du vent » !

« Ce ne sont pas ceux qui disent « Seigneur, Seigneur » qui entreront dans le Royaume de Dieu, mais ceux qui font la volonté de mon Père qui est aux Cieux ».

Ce qui s’oppose à la foi, c’est la paralysie : nous sommes interdits d’agir ! Mieux, nous démissionnons, nous nous décourageons !

Et le moteur de la paralysie et du découragement : c’est la PEUR !

Nous avons peur des malades, nous avons peur des gens qui souffrent, nous avons peur des étrangers, des pauvres et des sans-abris, peur des gens qui sont seuls  parce qu’ils viennent bousculer nos « apparentes » sécurités !

Nous nous replions sur nous-mêmes, nous nous enfermons dans nos « tours d’ivoire » ! Nous construisons des murs et des barrières !

A l’inverse nous avons peur de la solitude, nous avons peur du vide ! Alors nous courrons d’une chose à l’autre, de l’un à l’autre.

En ce jour anniversaire de mes quarante ans d’ordination je peux vous faire une confidence : dès ma plus tendre enfance j’étais quelqu’un de très timide et de vraiment peureux ! Au point que je m’isolais et que je me coupais des autres.

Deux petits exemples : lorsque maman m’a accompagné à l’école maternelle le premier jour, je me suis blotti contre le seul arbre qu’il y avait dans la cour et j’empêchais les autres enfants de m’approcher en leur distribuant des coups de pieds : c’est vous dire combien j’étais sociable !

Lorsque j’ai dû faire ma première homélie, j’en tremblais et j’en transpirais. Je me cachais derrière mon papier !

Grâce aux responsabilités que l’on m’a confiées très jeune, j’ai pu guérir de cet handicap. Mais toute ma vie j’ai eu à me battre pour chasser la peur qui me coupait les ailes ! Et cette peur m’empêchait de faire confiance. Elle me paralysait.

En relisant mon parcours personnel je ne peux que le constater : le contraire de la foi ce n’est pas le doute, mais la peur !

J’en ai fait moi-même l’expérience : Jésus s’est approché de moi, il m’a pris par la main, il m’a relevé de mes difficultés et il m’a mis debout afin que je puisse aller vers les autres ! Chaque fois que j’ai pu chasser la peur j’ai grandi dans la confiance, c'est-à-dire dans la foi : la foi dans les autres, la foi en moi-même et la foi en Dieu !

C’est ce que fait Jésus dans l’Evangile que nous venons d’entendre :

La belle-mère de Pierre était malade, prise par la fièvre !

Jésus s’approche, la prend par la main et la fait se lever !

Nous aussi nous sommes souvent pris par la fièvre, paralysés, malades de peur !

Jésus s’approche : il nous rejoint dans notre faiblesse et notre fragilité !

Il nous prend par la main : nous ne sommes pas seuls, isolés ou abandonnés !

Il nous fait nous lever, nous « relever », c’est le même mot que « ressusciter » !

C’est lorsque nous sommes « debout » que nous sommes capables – à notre tour – d’aller vers les autres, de nous rendre proches et de les aider à se « relever » !

A notre tour nous avons à vivre cette mission : nous rendre proches de nos frères et de nos sœurs en détresse, les prendre par la main et les aider à se relever, à recouvrer leur « dignité ».

En chassant la peur nous découvrons le secret du bonheur : « Aimer ». Aimer c’est d’abord vivre avec les autres, partager leur vie, laisser-prise à l’autre en nous. C’est le Christ lui-même qui vient à notre rencontre à travers eux (Matthieu 25).

Denis Chautard

A Vernon, le 3 février 2018

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