Bonne Fête de Pentecôte dimanche 20 mai 2018

La Pentecôte, une explosion d’Amour

 

L’Église naît dans une explosion. L’Église est explosion. Le vieux monde s’effondre et un nouveau surgit des ruines du premier. Ce nouveau monde, on l’appelle le Royaume de Dieu. Il n’est plus ce monde où chacun s’enferme dans son passé et ses frontières, où chaque identité se définit par opposition aux autres, où l’histoire a distribué les rôles et les privilèges.

Le Royaume de Dieu c’est un monde qu’accompagne le regard d’un Père qui chérit également chacun de ses enfants, qui n’aime pas seulement ceux qui sont beaux et bons, riches et bien portants mais tous et avec plus d’attention encore, le malade, le petit, le vaurien.

Car l’amour d’un père ou d’une mère précède les qualités et les attend. Il n’est pas un juge qui sépare les bons et les méchants. Il est un cœur qui n’a de cesse d’espérer qu’ils se retrouvent tous.

On comprendrait très mal l’extension rapide du christianisme, dans le bassin méditerranéen et au-delà, si on réduisait la Pentecôte à la naissance d’une petite secte religieuse nouvelle. Ce n’est pas une nouvelle religion qui naît ce jour-là, c’est une humanité nouvelle où les frontières s’abolissent et avec elles les hiérarchies, les privilèges, les nations et les religions. Elle n’est pas vieille de son passé mais jeune de sa promesse. Elle recommence avec chaque aurore. Elle recommence avec chaque enfant. Elle recommence avec chaque pardon.

Pourquoi donc notre Église a-t-elle si vite, semble-t-il, reformé des frontières entre les chrétiens et les autres, des lois qui jugent les bons et les mauvais, des appartenances et une religion ? Pourquoi a-t-elle prétendu qu’il n’y avait pas de salut hors d’elle-même alors qu’il n’y a rien hors d’elle-même puisqu’elle est l’humanité sauvée ? Pourquoi a-t-elle présenté le baptême comme une entrée dans une communauté avec ses lois et ses rites alors qu’il est la sortie de toutes les appartenances qui distribuent à chaque enfant tares et privilèges ?

Pourquoi ? Sans doute tout simplement parce que la force explosive de la Pentecôte s’est endormie et s’est fait oublier. Alors les chrétiens sont redevenus des citoyens dociles, des religieux jaloux, des ambitieux de puissance. Du volcan, il ne reste que la lave refroidie qui est fière de servir d’engrais à la terre. Et l’Église, chaude encore de l’explosion d’amour d’où elle vient, invite les privilégiés à se pencher vers les pauvres, cherche des voies de tolérance avec les autres croyants, ouvre ses portes avec toutes les stratégies de la communication moderne. Elle n’a pas tout oublié. En elle demeure la promesse d’une explosion future.

On pourrait croire que celle d’Amour qu’est la Pentecôte est depuis bien longtemps devenue inoffensive. Tout au long de l’histoire, pourtant, des hommes et des femmes ont bousculé les traditions et les évidences pour dessiner par leurs mots et leurs gestes ce Royaume de Dieu qui continue à gronder dans les profondeurs de notre humanité. L’actualité elle-même manifeste des fumeroles témoins de ce feu. Les bons chrétiens sont-ils aptes à reconnaître une nouvelle explosion d’Amour ? Rien n’est moins sûr.

Car si Paul avait l’audace de penser que dans le Royaume de Dieu, il n’y avait plus ni grec, ni juif, ni esclave, ni homme libre, ni homme, ni femme, il ajouterait peut-être aujourd’hui, vu ce qu’ils sont devenus, ni chrétien, ni non-chrétien. La Pentecôte n’est pas une fête religieuse : elle est le commencement d’une humanité nouvelle !

Jacques NOYER

Evêque Émérite d’Amiens

 

Lien à la Source

 

Retour à l'accueil