Homélie du dimanche 2 décembre 2018, premier dimanche de « l’Avent »
28 nov. 2018Il nous faut, en ce temps de l’Avent, essayer de lutter contre ce que nous pourrions appeler le… « Syndrome de l’édredon » !
Vous savez, cette énorme couette sous laquelle nous rêvons parfois de nous enfouir pour ne plus voir ni entendre les avis de tempête du monde…
Cette tentation du repli qui nous guette : repli dans l’entre soi de nos milieux, de nos familles, de nos sensibilités religieuses, de nos opinions et de nos certitudes…
Repli loin des différences qui nous inquiètent, des choix qui nous dérangent, des façons de vivre qui nous déroutent.
Repli sur nos vies à nous, nos soucis à nous, notre job à nous, notre famille à nous, notre communauté chrétienne à nous, notre quête à nous d’un petit bonheur tranquille. Peinard !
Loin, si possible, très loin des cris du monde, de tous ces « Lampedusa » où tant de fragiles barques humaines craquent, tanguent et se noient. Presque sous nos yeux. Presque à nos portes.
« Restez éveillés et priez en tout temps » nous dit le Christ dans l’Évangile que nous venons d’entendre.
Oui, l’Avent qui s’offre à nous est une école où nous pouvons apprendre l’art de l’éveil et de la garde.
Comme on apprend à un marin à prendre son quart, à tenir la barre, à maintenir le cap vers Bonne Espérance !
Et la première manière d’apprendre à veiller, c’est de retrouver le sens de l’attente !
Oui, vivre l’Avent,
c’est oser vivre enfin le temps des lentes maturations, des fécondes gestations,
c’est réapprendre à marcher, pas à pas, vers notre humanité,
c’est briser l’enchaînement frénétique du temps trop vide parce que trop plein,
c’est faire, en soi, au plus intime de son mystère d’homme,
de la place à l’avènement de l’Inattendu.
Vivre l’Avent,
… c’est une « gymnastique de l’âme » qui comporte au moins deux exercices :
- Veiller, c’est d’abord mesurer l’urgence qu’il y a pour nos vies à s’arrêter enfin devant Dieu. L’Avent nous convoque impérieusement à trouver, dans nos agendas, du temps « pour rien », du temps apparemment sans efficacité, du temps enfin « gratuit », « vide », un vide que Dieu pourra enfin emplir de sa présence. Veiller, c’est donc d’abord trouver le temps de la prière, le temps de se re-cueillir, de se « cueillir à nouveau », de se re-centrer sur l’essentiel.
- Veiller, c’est aussi se faire « bien-veillant » aux êtres et au monde qui nous entourent. Veiller, c’est « sur-veiller » la douleur du monde, comme le lait sur le feu, afin qu’elle ne déborde pas…Veiller, c’est « veiller au grain », faire en sorte que celles et ceux que nous croisons ne « crèvent » pas de faim, de solitude, d’injustice, d’oubli, de racisme, d’exclusion sociale, de manque d’amour…
A quoi bon la douce lueur de la crèche :
- Si chez nous, nous sommes indisponibles à celles et ceux que nous prétendons aimer ?
- Si, à deux pas de chez nous, les banlieues s’embrasent, les sans-abris meurent de froid ?
- Si, à des milliers de kilomètres de chez nous, des peuples s’enfoncent chaque jour un peu plus dans la misère, sous les coups de boutoirs aveugles de la Mondialisation.
Il nous faut, pour devenir « Sentinelles de Noël », accepter de vivre la féconde tension entre prière et action, intériorité et engagement, lutte et contemplation.
N’oublions jamais que lorsque nous entrons dans une église, c’est pour mieux en sortir, mieux aller vers le monde !
Car pour venir naître en ce monde, Dieu a besoin de nos cœurs et de nos mains. C’est à nous de transformer ce monde, pour qu’il devienne la crèche de sa Divine Présence.
Oui, l’Avent nous convie à la lutte, au combat, humain et spirituel – en nous et autour de nous – afin de rendre cette terre « divinement habitable » !
Notre tâche de pèlerins en marche vers la Nativité est d’essayer d’offrir un peu de paille chaude, en nous et autour de nous, à la divine Promesse…
Demandons-nous ce que nous faisons du don de la foi : un p’tit placement pépère bien gardé au chaud dans le confort de nos églises ? Où cette force tellurique de l’amour qui nous sortira de nous-même pour nous projeter vers toutes ces « périphéries » où l’homme attend que nous lui tendions la main et le cœur ?
Veillons à faire du tissu de notre âme une matière inflammable !
Bertrand REVILLION, Diacre Permanent, Journaliste, Ecrivain et Editeur