Jacques Chirac, une spiritualité impressionniste
28 sept. 2019Jacques Chirac salue des personnes rassemblées devant l’église de Borme-les-Mimosas (Var), le 25 août 2002. / Eric Estrade / AFP
Imprégné de catholicisme, Jacques Chirac a toujours montré son attachement à l’Église et son message, tout en entretenant une curiosité insatiable pour d’autres cultes et spiritualités, comme le judaïsme ou le bouddhisme.
« Je suis de ceux qui nourrissent un espoir pour après la mort. » Interrogé sur la possibilité de sa propre fin en 1987, c’est ainsi que Jacques Chirac, qui s’est éteint « paisiblement », jeudi 26 septembre au matin à l’âge de 86 ans, définissait son espérance de l’au-delà. À beaucoup d’égards, cette curiosité, cet espoir et ce doute permanent ont caractérisé toute la vie spirituelle de Jacques Chirac, qui, imprégné de culture catholique, s’est aussi intéressé à un grand nombre de spiritualités.
Jacques Chirac : discours et déclarations lors de ses rapports avec l’Église
De son enfance, Jacques Chirac a hérité d’un double ancrage : anticlérical franc-maçon du côté de son grand-père paternel, et catholique fervent du côté de sa mère Marie-Louise, qui réussira à l’envoyer chez les scouts et à lui faire servir la messe à Saint-Philippe-du-Roule (Paris) à la fin des années 1930. « Le rapport à la spiritualité de Jacques Chirac ressemble à un tableau impressionniste, explique le journaliste Marc Tronchot (1). Une hérédité plutôt radicale socialiste, quelques enseignements chrétiens dispensés côté maternel, un tropisme bouddhiste en plein développement qu’enveloppent les vapeurs d’encens oriental. »
« Fasciné par les questions religieuses »
Jacques Chirac se marie religieusement, en 1956 à Paris, avec la catholique Bernadette Chodron de Courcel. « La foi profonde de Bernadette Chirac ne le dérange aucunement et ne le dérangera d’ailleurs jamais », note encore Marc Tronchot. « Ma femme est une catholique pratiquante. J’espère qu’elle participe au salut de mon âme qui en a bien besoin. Je suis moi-même catholique et je m’efforce d’y apporter mon propre effort », avait également fait valoir Jacques Chirac, selon ce que rapportait Jean-Louis Debré dans son livre Le Monde selon Chirac : convictions, réflexions, traits d’humour et portraits (2).
Présidents « croyants, pratiquants, mystiques ou agnostiques »
Outre quelques rares occurrences comme celles-ci sur sa foi personnelle, l’ancien président a toujours été d’une extrême discrétion, laissant poindre par ailleurs une curiosité réelle pour les spiritualités orientales. « Lorsque Jacques Chirac a souhaité rencontrer le dalaï-lama, il m’a confié qu’à l’âge de vingt ans il avait songé à se convertir au bouddhisme. La manière dont Jacques Chirac a reçu, en 1976, le dalaï-lama – je pense à une photo où il lui tient la main – montrait qu’il était attiré par le bouddhisme », relate Bernard Billaud, son ancien directeur de cabinet à la mairie de Paris, dans un entretien à l’hebdomadaire protestant Réforme. Ce dernier décrit l’ancien président comme « fasciné par les questions religieuses ».
« Ce n’est pas un homme sans Dieu »
Grand admirateur du pape Jean-Paul II, Jacques Chirac l’a reçu sur le parvis de l’hôtel de ville en tant que maire de Paris (1977-1995), puis en tant que président de la République en 1996. C’est à cette occasion qu’il déclarera : « Fille aînée de l’Église, la France l’a été par sa fidélité catholique et son dynamisme missionnaire », réaffirmant, par là même, les racines chrétiennes de la France. Lui-même fréquentait, accompagné de son épouse, la paroisse de Bormes-les-Mimosas (Var), commune où se trouve le fort de Brégançon, résidence officielle des présidents de la République. « Jacques et Bernadette Chirac se rendaient très souvent à la messe. Je me souviens qu’après l’office, il restait souvent une heure à serrer des mains et signer des autographes. Il aimait les gens, c’est vraiment ce que je retiens de lui », témoigne le père Didier Hascoët, ancien curé de la paroisse varoise. « Il était attentif à chacun, dans une grande proximité. Jamais il ne passait devant quelqu’un sans lui tendre la main », se souvient Mgr Jean-Michel di Falco Léandri, évêque émérite de Gap et Embrun,
Son éclectisme a également poussé Jacques Chirac à s’intéresser au judaïsme et nouer une amitié avec le grand rabbin de France Haïm Korsia. « Je garderai précieusement en mémoire sa curiosité pour le monde, sa connaissance du judaïsme et son goût pour les arts, a réagi ce dernier auprès de l’AFP, saluant également « son incroyable courage (..) notamment lorsqu’il a reconnu la responsabilité de la rafle du Vel d’Hiv ou quand il a rendu aux Justes la place qu’ils méritaient, dans la crypte du Panthéon. »
« Chirac est un humaniste, plus que religieux », résume le journaliste Marc Tronchot, qui cite l’ami de l’ancien président Denis Tilliniac. « Ce n’est pas un homme sans Dieu mais ce n’est pas un homme porté par le monothéisme stricto sensu. »
Héloïse de Neuville, avec Arnaud Bevilacqua et Claire Lesegretain
(1) Auteur des Présidents face à Dieu, Calmann-Lévy, 2015.
(2) Tallandier, 2017.