Porter sa croix par Bernard Rodenstein
21 juil. 2020
Un quidam , un jour , s’est méchamment plaint auprès de Dieu au sujet de La Croix qu’il avait à porter au quotidien . Plus rien n’allait . Il était urgent que sa situation s’arrange .
Dieu a pris sa requête très au sérieux et lui a proposé de venir visiter l’exposition de croix qu’il tenait ouverte au public.
L’homme s’y est rendu et a arpenté les allées en long et en large , découvrant une infinité de formes et de tailles de croix .
Il en pris de très nombreuses sur ses épaules et les a aussitôt reposées. Trop grande ! Trop lourde ! Mal adaptée à son dos.
Tard dans la soirée il en a déniché une qui a eu l’air de lui convenir. Il s’est rendu devant Dieu , assez fier de lui , pour lui dire que celle ci lui allait pas trop mal!
Dieu lui a répondu : l’as tu bien regardée ? Pas étonnant qu’elle te convienne ! C’est celle la même que tu portes depuis toujours!
Nous avons tous lieu de nous plaindre de La Croix que nous portons . Je ne connais personne qui n’a pas de raison de se plaindre d’un souci ou d’un autre .
La vie n’est un long fleuve tranquille pour personne .
Ce n’est qu’en écoutant et en regardant autour de soi que l’on s’interdit parfois de s’épancher . Les tuiles qui pleuvent sur la tête de certains sont autrement plus lourdes que celles dont nous nous plaignons .
« Tout ce qui ne tue pas rend plus fort » a prétendu Nietzsche !
On a aussi pu observer que des êtres très ordinaires sont capables de se comporter en héros lorsque l’adversité se déchaîne contre eux .
Les forces de la résilience transforment des hommes et des femmes condamnés à l’opprobre, en témoins lumineux de l’esprit qui les habite .
« Plus on me frappe plus je me durcis « est la devise de protestants persécutés .
Passée la phase de l’abattement et de la sidération , l’âme humaine est capable de reprendre de la hauteur et d’en imposer par sa tranquille assurance .
Décrits comme des êtres fragiles et vulnérables , nous ne sommes pas que cela. Dans notre for intérieur sont cachées des ressorts d’une incroyable efficacité .
La puissance d’un adversaire , dit on , réside dans la soumission de celui qui le subit.
La force peut être impressionnante . Elle a ses failles . Le talon d’Achille ! David et sa fronde terrassant Goliath .
La force brutale fait d’énormes dégâts ! Elle n’a pas toujours le dernier mot.
Le propre de l’homme est d’avoir développé ses capacités intellectuelles et de savoir subvertir les violences primaires qui lui sont faites .
Elles ne dispensent personne de la croix à porter mais elles permettent de ne pas succomber sous son poids .
Maigre consolation sans doute . Mais consolation tout de même!
Bernard Rodenstein
Pasteur à Colmar (Haut Rhin)