Claude SIMON, Prêtre de la Mission de France et Prêtre ouvrier 1930 - 2022

Claude SIMON, Prêtre de la Mission de France et Prêtre ouvrier 1930 - 2022

Autour du cercueil de Claude et avec ses nièces Myriam et Martine (la seule famille qui lui reste) nous étions trois cent personnes réunies ce lundi 30 mai 2022 à l'église Saint Bernard de la Pierre Heuzé à Caen pour célébrer « l'au revoir » à Claude SIMON (1930 - 2022) prêtre ouvrier et prêtre de la Mission de France

QUELQUES ASPECTS MARQUANTS DE LA VIE DE CLAUDE. (lecture à deux voix par Myriam Legrand et Michel Gigand)
Michel : Claude nous a donné ce texte à notre équipe où il écrit : « Je n'ai ni le temps ni l'envie d'écrire ma vie je vous renvoie au bouquin qu'ont écrit les cinq prêtres-ouvriers de Caen « La sortie de religion, est-ce une chance ? » Je crois quand même utile de parler, en plus, d'évènements et de personnes qui ont marqué ma vie au fil des années...
Myriam : 1936, c'est mon premier souvenir marquant. Ma mère a 40 ans, mon père 39, mon frère 8, ma sœur presque 4 et moi plus de 5. Nous habitons Fougères en Ille et Vilaine. C'est l'année du Front Populaire. Les ouvriers des usines de chaussures très nombreuses à cette époque sont en grève, Mon père est communiste et le soir, à table, la conversation tourne autour de cet évènement. Je ne comprends pas trop ce qui se passe mais, dans ma petite tête, je sens déjà que c'est important. Plus tard je comprendrai.
Michel : 1939 . guerre d'Espagne, défaite des Républicains, arrivée des réfugiés à Fougères. C'est vraiment la première fois que je prends conscience de la « connerie » de la guerre, 1939 encore : hospitalisé pendant 6 semaines pour une appendicite gangreneuse, je vois arriver fin novembre, venus de Paris, oncles, tantes, cousins et autres amis de la famille. Persuadé qu'ils se sont déplacés pour moi, je suis content... Ce n'est qu'un mois plus tard, de retour à la maison, que je saurai qu'ils sont venus pour l' enterrement de mon frère.
Myriam : 1940 et suivantes : occupation, résistance, antisémitisme. Je vois Gisèle, une Copine de classe, de mon âge, avec une étoile jaune sur la poitrine. Elle part avec ses parents en camp de déportation. Je ne I 'ai jamais revue... 1942 ou 43 : Un résistant (les allemands et les collabos disaient « terroriste » ) jette une grenade par la fenêtre ouverte d'un mess d'officiers allemands avant de fuir à vélo. Par représailles la kommandantur désigne une dizaine de fougerais pour les envoyer en « camp de travail » en Allemagne. Le jour de leur départ en camion, entourés de soldats en armes, 400 ou 500 fougerais présents expriment leur solidarité silencieusement. Ma mère et moi sommes là. Une voix crie dans la foule « Vive de Gaulle » suivie de centaines d'applaudissements. Suivie aussi de l'ordre de l'officier « En joue ! » Et une vingtaine de fusils se pointent vers nous. Je ne sais pas combien de temps ça dure mais ça me paraît une éternité avant que I 'officier ne donne I 'ordre de relever les armes. Je vous jure que ça fait drôle dc se trouver à 3 mètres de la bouche d'un canon de fusil ! CE FUT MA PREMIÈRE MANIF..
Michel : C'est aussi l'année où, avec 3 autres copains, nous formons « la bande des quatre » (pas très original!) sans nous prendre pour des résistants nous voulons quand même signifier notre opposition à l'occupant nazi et le faisons... avec notre Inconscience de gamins. Nous dessinons sur les murs, à la craie, le V de la victoire avec sa croix de Lorraine, et pire nous déchirons les affiches de propagande allemande pour la LVF (légion des volontaires français contre le bolchévisme : des français qui, sous l' uniforme allemand, allaient combattre sur le front russe).
Nous n'avons Jamais été pris sinon (j'en ai pris conscience plus tard) nos parents en auraient sûrement subi les conséquences.
Myriam : 1944 : bombardement de Fougères pendant lequel mes parents et moi sommes à la cave, à 3 mètres d'une bombe qui n'a pas explosé... Réfugiés ensuite dans une commune rurale, nous nous trouvons un jour, mes parents, ma sœur et moi, sur une route de campagne quand on voit un avion allemand piquer droit sur nous. Mon père n'a que le temps de crier « Au fossé ! » (ce que nous faisons) que la route est mitraillée. A voir ensuite les impacts... on l'a encore échappé belle !
1944 : c'est aussi l'euphorie de la libération avec l'arrivée (en juillet dans le village où je suis) des Américains. Et c'est I 'entrée au « petit séminaire » où les « vocations tardives » me font découvrir une autre manière d'être prêtre.
Michel : 1950 : je gagne un voyage à Rome. Voir Ie pape Pie XII porté à dos d'hommes sur sa « sedia gestatoria » me détermine à lutter pour qu'un jour l'Église Institution donne un autre visage que celui d'une monarchie où pape et évêques se prennent pour les « princes de l'Eglise » avec les accoutrements d'un autre âge qui vont avec. Je ne désespère pas que d'autres que moi (pour qui c'est trop tard) verront le résultat de ce combat qu'avec beaucoup d'autres je mène (même si, bien sûr, j'ai d'autres priorités) depuis tant d'années !
1954 : « J'ai coutume de dire (et ce n'est pas du baratin) « Les pauvres m'ont évangélisé » Et j'en ai surtout pris conscience dans le partage de la vie quotidienne, pendant plus de 6 mois, avec les chiffonniers d'Emmaüs ».
Myriam : 1963 : Montreuil : rassemblement national contre la force de frappe. Le stade est plein, 20000 ou 30000 personnes. Les 3 autres délégués du Mouvement de la Paix de Saône et Loire (je suis à Montchanin à l'époque) me demandent de prendre la parole à la tribune. C'est la première (et la dernière) fois que j'ai prêché devant tant de fidèles... à la cause de la paix.
1965 : congrès mondial de la paix à Helsinki. J'y découvre Pablo Néruda. Valentina Tchéreskova me dédicace la carte du congrès, et le soir du 13 juillet la trentaine de délégués français, dont Jean-Paul Sartre, vit une soirée conviviale. J'y chante « le déserteur ».
Michel : 1969 : manif à Paris contre la guerre du Vietnam. Je me cogne à la matraque d'un CRS qui a la gentillesse de ne taper que le dos..
1977 : congrès mondial de la paix à Varsovie. J'ai récupéré un album de posters de la « Brigade Pablo Néruda » (un groupe d'artistes peintres chiliens). Sur l'aire de débarquement, au retour, je vois Madame Allende derrière moi. Je fais demi-tour pour lui demander de la dédicacer. Elle a un mouvement de recul que je comprends tout de suite : depuis le coup d'État de Pinochet, elle se tient sur ses gardes. Sans rancune, avec gentillesse, elle m'écrit : « À Claude Simon, très chaleureusement. Hortensia de Allende ». Toujours lisible, bien qu'un peu effacé depuis... 39 ans !
Myriam : 1977 : Romesh Chandra, président du conseil mondial de la paix, vient animer au Havre une rencontre sur le thème de « la jeunesse et la paix » avec la participation de nombreux jeunes. Et c'est toujours dans cette perspective que je participe volontiers à la préparation du spectacle final de Michel Fugain « ça s'est passé un soir d'été dans un Havre de paix » où, le soir du 18 juin, est créé « Le chiffon rouge ».
Michel : 1990 : Théâtre de l'hôtel de ville. Devant près de 500 participants et avec une partie musicale, Daniel Cireira, secrétaire national du Mouvement de la Paix, André Duroméa, député-maire communiste du Havre, ancien résistant et déporté, et Jacques Gaillot animent une soirée sur la paix. La guerre du golfe est en vue ! 
Myriam : 1994 : à I 'initiative d' une rwandaise qui a perdu 37 membres de sa famille dans le génocide, se crée une association d'aide aux orphelins. Beaucoup de chrétiens (dont I'équipe prêtres-ouvriers et l'équipe mission de France) s'y investissent. Elle restera très active jusqu'à ce que les derniers orphelins atteignent leur majorité.
Michel : 1995 : licenciement de Jacques  Gaillot ! Tristesse ! Mais joie de voir que le diocèse-bidon que lui a octroyé généreusement Jean-Paul 2 devient un « diocèse sans frontières » où se sentent accueillis tous  les exclus de la société et de l'Eglise... d'en-haut ! 
 

Un des sommets de cette célébration : 

Le moment où nous  avons accueilli le texte des Béatitudes écrit par Claude le 13 août 2005 :
 
Comme Jésus voit la foule qui le suit, il fait asseoir tout le monde et se met à parler :

C'est la joie pour vous si vous avez un cœur ouvert, disponible, accueillant, un cœur prêt à donner, mais assez pauvre pour savoir qu'il a beaucoup aussi à recevoir,
Heureux, vous dont Ie jugement n'est faussé ni par I 'argent ni par l'orgueil,
Heureux, vous qui ne vous refermez pas sur votre souffrance, mais qui savez la dépasser pour aider les autres à vaincre la leur,
Heureux, vous qui refusez de vous laisser aveugler par la violence. 
Heureux les cœurs doux et compréhensifs qui aiment assez pour savoir pardonner,
En route ceux qui ont faim et soif de justice et s'efforcent de construire, sans peur des représailles, un monde plus juste et plus fraternel,
En marche les cœurs sans magouille qui choisissent de suivre un chemin de vie fait de droiture et de vérité,
Debout celles et ceux qui cherchent à construire, pierre après pierre, du quartier à la planète, un monde de liberté et de paix,
A vous toutes et tous qui êtes de celles-là et de ceux-là, la vie vous est donnée et Dieu vous regarde avec amour !

 

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