« Ma vie face au cancer » : mort à 31 ans de Clémentine Vergnaud, journaliste à franceinfo
26 déc. 2023En mai, la journaliste de 31 ans avait évoqué dans un émouvant podcast sa vie avec un cancer incurable des voies biliaires, qui l’a finalement emportée.
Émotion ce samedi à franceinfo. La radio publique pleure le décès de Clémentine Vergnaud, une journaliste de 31 ans emportée par un cancer des voies biliaires. « Franceinfo a perdu l’une des siennes, une femme merveilleuse, une journaliste de grand talent, une amie pour beaucoup d’entre nous », a écrit dans un e-mail interne Jean-Philippe Baille, le directeur de la station.
Ému, il a salué « le courage incroyable » et la « détermination sans faille » de sa jeune reporter, tout en soulignant son « immense joie de vivre ». « Nous n’oublierons pas la journaliste qu’elle était. Sa capacité à dénicher les bons sujets, à aller jusqu’au bout d’elle-même pour rapporter le témoignage qu’il fallait. Elle était animée par l’envie d’expliquer, de raconter, de transmettre. Sa carrière était toute tracée, son avenir dans la profession évident », a écrit samedi la rédaction de franceinfo sur son site.
Journaliste web au sein de la radio qui l’avait embauchée en octobre 2021, après quatre ans de reportages à travers la France, Clémentine Vergnaud avait évoqué en mai dans un podcast remarqué sa vie avec la maladie, « Ma vie face au cancer : le journal de Clémentine ». « Honnêtement, vu le sujet austère dont on parle, je ne voyais pas qui aurait envie de l’écouter. Et puis, cela a pris de l’ampleur. Je crois que ça tient à l’incroyable sens du récit de Clémentine, son choix des mots, son rythme… » nous confiait cet été Samuel Aslanoff, rédacteur en chef de la radio d’information en continu et « père » du podcast.
Clémentine Vergnaud était atteinte d’un cancer très rare et incurable des voies biliaires. Sa maladie lui avait été diagnostiquée à 29 ans après avoir ressenti une douleur aux côtes. Cette sportive avait d’abord cru à un faux mouvement, un mauvais étirement. Mais quand le médecin lui a révélé qu’elle avait « une masse hépatique de 5 ou 6 cm », elle a aussitôt compris « que quelque chose clochait », avait-elle raconté à la journaliste du Parisien qui l’avait interviewée cet été chez elle.
Le mal qui l’a emporté touche 3 000 personnes chaque année. Il frappe d’habitude les hommes plutôt âgés, à partir de 70 ans, fumeurs ou buveurs. Un profil très éloigné du sien. « Il y a un énorme sentiment d’injustice et un besoin de comprendre », témoignait-elle dans « C à vous » sur France 5, en juin. Tout en assurant avoir « très vite compris qu’il n’y aurait pas de réponse ». La toute nouvelle thérapie ciblée dont elle avait bénéficié avait pourtant semblé contenir la tumeur, lui redonnant un semblant de vie normale au moment où nous l’avions rencontrée.
Succès d’audience et d’estime, son journal intime en dix épisodes de dix minutes respirait la sincérité et n’éludait aucun sujet. Ni les choquantes absurdités administratives que lui imposait la Sécurité sociale, ni la peur de sa mort ni son désir d’enfant empêché. Un podcast qui lui a aussi valu une avalanche de messages de sympathie de la part de malades ou de leurs proches. Des auditeurs se sentant moins seuls ou tout simplement mieux compris.
« Ce podcast, c’est une pépite, il fait du bien ! », commentait enthousiaste, dans nos colonnes, le professeur Pascal Hammel, un des oncologues de l’appareil digestif les plus reconnus. « Il apporte beaucoup de courage aux patients, sans héroïsme, ni pathos », avait jugé ce spécialiste de l’hôpital Beaujon, à Paris.
Emmanuel Ricard, porte-parole de la Ligue contre le cancer, estime que Clémentine Vergnaud « a réussi à mettre une humanité dans son témoignage, en racontant avec une rare honnêteté ce que l’on vit lorsque la maladie vous tombe dessus, tous les bouleversements qui en découlent. Elle l’a fait en continuant son métier, informer, pour elle, mais aussi pour armer les autres, les malades comme elle et les proches, pour qu’ils puissent mieux comprendre et percevoir ce qui se passe. »
« J’avais besoin de laisser une trace pour moi et pour les autres », expliquait la reporter de franceinfo, toujours dans « C à vous », lorsqu’on l’interrogeait sur les raisons l’ayant poussée à prendre la parole. « J’ai 30 ans, pas d’enfant, ma carrière professionnelle débute tout juste. Si je dois mourir dans trois mois, qu’est-ce qui va rester de moi ? De quoi les gens se souviendront ? Qu’est-ce qu’on dira ? On dira : Clémentine Vergnaud, c’était ça. »
Benjamin Meffre et Aymeric Renou
Lien vers le Podcast de Clémentine Vergnaud