Brebis2

Jean 10,27-30

« Jésus avait dit aux Juifs : « Je suis le Bon Pasteur (le vrai berger). » Il leur dit encore : « Mes brebis écoutent ma voix ; moi je les connais, et elles me suivent. Je leur donne la vie éternelle : jamais elles ne périront, personne ne les arrachera de ma main.
Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tout, et personne ne peut rien arracher de la main du Père. Le Père et moi, nous sommes UN.
 »

Le dixième chapitre de l'évangile de Jean parle de brebis, de berger, de loup, de voleurs... S'agit-il d'un conte pour enfants ?

Nous nous méfions de la logique du troupeau qui consiste à suivre aveuglément celui qui est à la tête ! Sommes-nous devenus des individus refusant tout berger ou des foules désorientées par tous les faux bergers et mercenaires qui prétendent nous guider vers le bonheur ?

La civilisation pastorale a disparu, et pourtant ce récit implique sans que nous sachions bien comment. Il est question d'entendre ou plutôt d'écouter. Jésus «le bon berger», le vrai, nous dit: «Mes brebis écoutent ma voix. »

L'enfant, dans le sein, entend la voix de sa mère.

En service de néonatalogie, la voix enregistrée de leur mère calme des nourrissons en pleurs; pas besoin de comprendre le sens des mots, la voix seule établit le lien le plus fort : elle est appelante, elle garde, elle rassure.  La voix c’est ce qui est à la fois le plus charnel (le timbre, les modulations) et le plus intime, le plus insaisissable.

Quelque chose en nous, une part de nous, que Jésus appelle « brebis », se laisse toucher et vibre à l'écoute de sa voix. Ce n'est pas une affaire de compréhension d'un message. Ce n'est pas réservé aux savants. Les brebis, ce n'est pas sans lien avec ce que l'Évangile désigne, ailleurs, par les « tout-petits » : «Je te loue, Père. d'avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l'avoir révélé aux tout-petits. »

Le lien d'appartenance des brebis au Christ est de toujours, mais reste caché. Jésus ne dit pas que ce sont les humains qui lui appartiennent, mais au cœur des hommes, cette part secrète : ses «brebis». Le piège serait de penser que le terme « brebis » désignerait seulement certains humains, quelques privilégiés. « Le bon berger connaît ses brebis » : la connaissance est le plus haut degré de proximité, l'Amour.

Jésus parle des brebis qui sont à lui parce que le Père les lui a données. Le grand mystère c’est la relation du Père, du Fils et des brebis. Il n'y a pas d'autre voix du Père que celle du berger à laquelle les brebis sont sensibles. Il n'est question que dedonation. Le Père donne les brebis au Fils, le Fils-berger prête main au Père pour garder les brebis et donne sa vie pour elles.

A l’opposé du don, c'est la prise violente, l'arrachement. Les brebis sont menacées mais Jésus précise : « jamais elles ne périront, personne ne les arrachera de ma main. » Il est venu pour les rassembler et leur donner la vie éternelle.

En Eglise, on n'arrête pas de parler de « pastorale » : pastorale sacramentelle, familiale, catéchétique, des migrants, des loisirs... Quelle belle «pastorale» que d'ouvrir à l'écoute de la voix du berger comme relais de la voix du Père ! La voix, c'est celle de l'Evangile, non pas celle des croyances, des énoncés dogmatiques, des interdits au nom d'une morale...

Qui sont aujourd'hui celles et ceux qui font entendre la voix du Berger ? Qui prend soin des brebis dans les soubresauts de notre monde ? Qui donne sa vie pour elles, les gardant des voleurs ou des bergers-mercenaires qui sont légion? Ils n'ont pas d'étiquette, ils n'ont pas de programme, ils sont présence aimante, gratuite au cœur de la vie des hommes.

La voix qui appelle à la vie est comme celle de la femme enceinte qui chante son amour pour l'enfant à naître. Elle s'entend dans le silence et les rencontres vraies entre les humains, elle n'a que faire des discours, elle attire et met debout, elle donne le mouvement, la respiration. N'est-ce pas cela la «pastorale de l'engendrement» ?

Malou LE BARS

Témoignage Chrétien n° 3536 du 18 Avril 2013 page 4

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