Lundi 24 juin Fête de Saint Jean Baptiste
23 juin 2013
Saint Jean-Baptiste, vous le connaissez bien, et pas seulement le récit de sa naissance que nous venons d'entendre, mais aussi sa prédication fougueuse sur les bords du Jourdain et son humilité : il a conduit ses disciples à Jésus, dont il disait qu'il n'était pas digne de dénouer la courroie de ses chaussures.
Est-ce que je peux me permettre, moi, de vous dire pourquoi j'aime Jean-Baptiste, ce que j'aime le mieux de la vie de Jean-Baptiste, c'est une phrase qu'il a prononcée, quelques mots - pour lui ce n'étaient pas des mots seulement - c'était une vraie question qui lui sortait du cœur. Cette question, il l'a posée à Jésus, pas directement d'ailleurs, car il était en prison. Il a envoyé ses amis la poser à Jésus de sa part : " Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? "
Vous me direz, pourquoi attacher tant d'importance à cette phrase ? Tout simplement parce que cette question est la question de tout le monde. Pas la vôtre ?... Jésus est-il l'envoyé de Dieu, le Fils de Dieu ? Tout ce qu'on dit de lui, est-ce que c'est vrai ? tout ce que les chrétiens sont invités à croire à son sujet, est-ce que c'est vrai, ou bien est-ce une invention de ses disciples, une formidable erreur, un formidable mirage entretenu depuis des siècles ?
Avec Jean-Baptiste, aujourd'hui, essayons d'avancer ensemble. Pourquoi Jean-Baptiste a-t-il posé cette question ? Pour deux raisons, me semble-t-il.
La première : en voyant Jésus, il était étonné... au point de douter.
La deuxième : en voyant ce qui lui arrivait à lui, Jean-Baptiste, il était scandalisé au point de douter.
Étonné au point de douter. En effet, marqué par son tempérament, la culture religieuse de son temps, Jean avait des vues très strictes sur le Messie. Ce devait être un justicier départageant sur-le-champ les bons et les méchants. Tout le monde attendait, à l'arrivée du Messie, une intervention foudroyante de Dieu, alors que le charpentier de Nazareth racontait que Dieu était comme un berger qui va rechercher sa brebis perdue ou comme un père qui attend le retour de son fils qui a pourtant quitté la maison avec l'argent de la famille.
Comment ne pas s'étonner au point de douter ?
Mes amis, trouverais-je les mots pour vous dire avec assez de conviction que la foi en Jésus Christ ne peut que passer par l'étonnement. Avoir la foi, c'est être étonné. Les chrétiens sont les
étonnés de l'amour. Tant que je ne serai pas étonné, je ne serai pas croyant. Car le visage de Dieu révélé par Jésus est étonnant. Car le chemin emprunté par Jésus est étonnant.
L'Évangile est étonnant. L'Évangile est rempli de l'histoire merveilleuse de cet amour fou de Dieu qui nous étonne. Tellement que nous disons : " C'est inimaginable ". C'est vrai, jamais nous n'aurions pu l'imaginer. " C'est incroyable. " Et pourtant c'est cela qui s'appelle croire.
C'était la première raison de douter. Voici la deuxième : Jean-Baptiste, en voyant ce qui lui arrivait était scandalisé, au point de douter. Il est scandalisé et on le comprend. II est en prison et vous savez pourquoi, en raison de sa fidélité à sa mission de prophète. Il n'avait manqué ni de courage ni de conviction quand il avait dénoncé la mauvaise conduite d'Hérode. Et voilà qu'on l'avait mis en prison dans la forteresse de Machéronte sur les hauteurs de la Mer Morte. Il pouvait tout craindre et la suite l'a prouvé. Sa tête a été exigée à la fin d'un repas par Hérode pour faire plaisir à sa maîtresse.
Enfermé dans son cachot, Jean-Baptiste était enfermé dans sa question : " Jésus était-il le Messie ou fallait-il en attendre un autre ? " Si Jésus est vraiment l'envoyé de Dieu, est-ce que le sort fait à ses amis, à ses défenseurs, peut être aussi rude ? Qui est Dieu s'il n'intervient pas pour protéger ses amis ?
Pas difficile de comprendre cette question, c'est la nôtre. Où est Dieu quand je suis accablé de souffrance ? Ne peut-il pas épargner la vie des justes, des innocents ?
Que fait-il ?
Ce que je vais tenter de répondre en quelques phrases sera forcément dérisoire, tellement la question est énorme. Il s'agit de rien moins que du redoutable problème du mal qui hante l'humanité
depuis que le monde est monde. Disons-le tout net, le problème du mal, du malheur innocent, est un mystère ténébreux devant lequel on ne peut que balbutier. N'en déplaise à certains, les
chrétiens n'ont pas réponse à tout. Et pourtant, on ne peut pas se taire.
Aujourd'hui, je me contenterai de dire une seule chose que Jean-Baptiste a bien dû deviner.
Que fait Dieu ?... Dieu n'intervient pas ordinairement pour changer le cours des événements. Je dis ordinairement. Car on ne peut pas mettre le miracle hors la loi. Mais le
miracle n'est pas la loi. Dieu n'intervient pas à la place des hommes. C'est le prix qu'il attache à la liberté de l'homme. Il faut avoir le courage de le dire, même si bien des formules de
prière nous ont habitués à ce genre de tranquillisant.
Dieu n'est pas intervenu pour empêcher la prison et la mort de Jean-Baptiste.
Dieu n'est pas intervenu pour empêcher la mort de Jésus. Il n'est pas intervenu pour empêcher les hommes de le condamner et de l'exécuter. C'est donc que Dieu n'intervient pas comme cela.
Il a fait mieux : en ressuscitant Jésus, il nous donne l'assurance qu'une vie menée dans l'amour, qu'une mort vécue dans l'amour sont des chemins de vie. Il nous donne de croire
que c'est l'amour qui gagne et qui gagnera. Dieu n'intervient pas dans les événements, il intervient dans le cœur des hommes et des femmes qui vivent ces événements, pour y mettre cet amour qui
peut tout changer(…)
Jean Corbineau